Cette étude conjointe, publiée par la revue «Recherches et prévisions» de la CNAF, a été réalisée auprès de quelque 10.000 salariés et leurs employeurs. Sans surprise, il en ressort que les mieux lotis sont ceux qui travaillent dans les grandes entreprises ou le secteur public. Les autres composent avec les contraintes de production et de service, en fonction de «la disposition de l'employeur ou de l'état des relations sociales dans l'entreprise»...
Ces patrons, relativement indifférents sinon obtus, sont plus soucieux de lutter contre l'absentéisme par la coercition ou le chantage à l'avancement que motivés par le fait de cultiver leur «image citoyenne» et le bien-être de leur personnel, dont l'effet positif sur la fidélisation ou la productivité est avéré. Si les trois quarts reconnaissent qu'ils ont «un rôle à jouer», ils se contentent d'appliquer la loi (alors on se dit : heureusement qu'elle existe !) : congé pour naissance, journées enfant malade, autorisation d'absence pour événements familiaux, droit au temps partiel et à l'aménagement des horaires de travail... Sinon, ils ignorent certains dispositifs pourtant créés à leur intention comme, par exemple, le «crédit d'impôt famille» qui, depuis 2004, les aide à engager des dépenses pour faciliter la garde des enfants de leurs salariés (à ce jour, les crèches d'entreprises font toujours figure d'exception. Comme quoi ce secteur ne les intéresse pas et ne doit surtout pas tomber entre les mains du «marché»).
Un piètre constat qui dément les allégations répétées du ministre du Travail, débonnaire chantre du soi-disant libre arbitre des travailleurs : s'ils veulent de la «souplesse» et de l'«autonomie», sur ce point, force est de constater que les patrons ne font pas preuve de «volontarisme» et que la réalité de l'entreprise, c'est plus souvent… le pistolet sur la tempe [1], peur du chômage aidant.
Sexisme
L'étude note l'archaïsme persistant quant au rôle des femmes : le temps partiel reste un «attribut féminin», et les employeurs «tolèrent» mieux les absences des mères que celles des pères en cas d'imprévus liés aux enfants… sauf parmi les cadres où, dans le ressenti, la tolérance est moindre envers elles que pour eux. Le plafond de verre persiste et ces entreprises, qui n'encouragent pas les hommes à élargir leurs compétences à la sphère privée, ne contribuent ni à l'égalité des sexes ni à la bonne évolution des rapports entre eux. Rien de nouveau sous le soleil.
Bref, c'est pas gagné !!! On a compris que ces employeurs, qui ne voient qu'à court terme et traitent déjà mal une partie de notre jeunesse (apprentis corvéables, stagiaires gratuits…), n'en ont évidemment rien à fiche des enfants. Avec les nouvelles mesures du gouvernement sur la libéralisation du temps de travail — heures sup’, forfaits jours et bientôt travail du dimanche, qui sont en totale contradiction avec sa volonté affichée de lutter contre le stress ou de faciliter la vie familiale des salariés —, le progressisme à la scandinave peut toujours attendre. A l'instar de la démocratie, la modernité, la vraie, l'humaine, n'est certainement pas la priorité de ces «forces vives de la Nation».
[1] Xavier Bertrand avait déclaré, critiquant les arguments de la gauche sur la réforme du temps de travail le 5 juillet dernier : «Pour eux, la réalité de l'entreprise, on aurait le pistolet sur la tempe. Il y aurait de la part des patrons — c'est ce qui a été dit par un député socialiste — un droit de vie et de mort sur les salariés. De quelle société parlent-ils ? Si ces gens-là ont la nostalgie de la lutte des classes, c'est leur problème mais la réalité du monde de l'entreprise, c'est que les Français souhaitent aussi avoir davantage de souplesse.» Vive les patrons gentils ! Et s'il y en a, nous saluons leur courageuse originalité, car ils ne sont pas bien nombreux.
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