Afin de résorber (dérisoirement) le déficit de l'assurance vieillesse qui s'élève à 5 milliards d’€, François Fillon prônait l'idée de déshabiller les chômeurs pour habiller les retraités... Fin juillet, dans une lettre aux partenaires sociaux, le Premier ministre avait chiffré une hausse des cotisations retraite en trois étapes : + 0,3% en 2009, + 0,4% en 2010 puis + 0,3% en 2011, qui «interviendrait à prélèvements constants, grâce à la diminution parallèle des cotisations d'assurance chômage». Ainsi ces dernières, actuellement de 6,4% du salaire brut, devaient être ramenées à 5,4% en 2011. Un manque à gagner considérable pour l'Unedic.
Malgré l'alerte sur le front de l'emploi sonnée par la hausse spectaculaire des inscrits à l'ANPE en août ainsi que les prévisions des économistes les plus sérieux, l'autiste Eric Woerth, «ministre croupion» du Budget, l'a réitéré hier sur LCI : «Vous avez à l'Unedic des comptes très positifs, avec un excédent très important» — ce qui est faux puisque l'excédent courant récolté sur le dos des chômeurs s'élèvera certes à 4,7 milliards d’€ fin 2008, mais le déficit accumulé lors des récentes années de crise persistera à 4,9 milliards d'euros (soit équivalent de celui de l'assurance vieillesse).
«Il n'y a pas de raison de penser que les choses se dégraderont plus vite», a-t-il poursuivi : une affirmation dangereusement hypothétique. Et de conclure : «Donc, il faut basculer ces cotisations. Il faut cette solidarité entre les régimes» — alors que ce système de vases communicants ne vise qu'à boucher un trou pour en creuser un autre (lire en commentaire) et que, pour la «solidarité», on repassera car l'Etat, qui a commandité la laborieuse fusion du service public de l'emploi, fait preuve d'un désengagement manifeste !
Une déclaration insensée, donc, et ouvertement rabrouée par les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l'assurance-chômage.
Elles ont, d'abord, réaffirmé que toute décision concernant les cotisations chômage ne devait dépendre que d'elles-mêmes. Ainsi, Benoît Roger-Vasselin — du Medef ! — a déclaré qu'il faudrait en premier lieu «laisser les partenaires sociaux négocier» (les travaux qui permettront d'aboutir à la convention Unedic 2009-2011 doivent commencer le 15 octobre) et n'a pas hésité à parler de «chantage» sur la négociation. Même chose pour la CGC qui a dénoncé l’«intrusion scandaleuse» de Matignon. «Après avoir décidé la suppression de la dispense de recherche d'emploi et défini l'offre raisonnable d'emploi, le gouvernement nous impose une révision des niveaux de cotisation. Que nous reste-t-il à négocier ?» s'est insurgée la CGT, qui rappelle que c'est aux partenaires sociaux «de définir ce que seront la cotisation et les conditions d'indemnisation». Alors que plus d'un chômeur sur deux est exclu du régime actuel, «les excédents de l'Unedic doivent d'abord servir à celles et ceux qui, privés d'emploi, ne peuvent pas vivre décemment».
Le ministère du Budget a montré patte blanche, proposant que la hausse de 0,3% de la cotisation retraite prévue par le gouvernement ne concerne, pour l'instant, que la part patronale et soit déplafonnée. «En revanche, si les partenaires sociaux décident de baisser les cotisations chômage sur les parts salariale et patronale, nous pourrons ajuster la hausse des cotisations retraite en augmentant la part salariale et en limitant la hausse de la part patronale de façon à ce que l'opération soit neutre». Un faux compromis rejeté par le Medef, qui juge que c'est «une mauvaise mesure annoncée au pire moment», une «double peine pour les entreprises».
Et si la CGT et la CFDT estiment pour leur part que la hausse de cotisations patronales retraite, bien qu'insuffisante, va dans le bon sens, elles n'entendent pas céder à l'obstination du gouvernement sur la cotisation chômage. La CFDT a même proposé d'augmenter de 0,5% la cotisation vieillesse patronale jusqu'à ce que l'emploi des seniors se soit hissé dans la moyenne européenne, sans que cette hausse ne soit «compensée par autre chose».
Ainsi, à notre grande satisfaction, les partenaires sociaux sont peut-être enfin décidés à reprendre les choses en main, à tordre le cou à l'ingérence de l'UMP sur leurs affaires et, qui sait, à faire reculer le gouvernement ?
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