C'est pourtant la seule élection nationale qui permet à tous les salariés du secteur privé de s'exprimer, puisqu'elle englobe les chômeurs, les apprentis, les intérimaires ou les sans-papiers. Alors que le chômage et la précarisation du travail seront le fléau de l'année 2009, que personne n'est à l'abri dans un contexte de crise qui servira de prétexte aux licenciements abusifs et autres comportements indignes d'un patronat conforté par le pouvoir en place, que tout un chacun aura peut-être un jour besoin d'être défendu par ces «juges de paix» du monde du travail, que font les trois-quarts des 18,6 millions d'individus concernés ? Ils s'en tapent !!!
Le règne de la pensée inversée
Pour symbole, ce commentaire d'article émanant de l'un d'entre eux sur 20minutes.fr, qui réagissait lundi aux revendications des agents de l'ANPE en grève : «C'est franchement honteux de demander une augmentation de salaire pendant cette période où les salaires sont "gelés"»... Voilà où nous en sommes ! Demander une augmentation (alors que la moitié des salariés français gagne moins de 1.500 € par mois) est devenu honteux, mais le gel des salaires pratiqué par les entreprises depuis plusieurs années, lui, ne leur semble pas, d'emblée, illégitime. Même si ce gel a privé, depuis un quart de siècle, la masse salariale, la protection sociale et le «pouvoir d'achat» des intéressés de 10 points de PIB en faveur des revenus du capital, dont on sait aujourd'hui ce qu'il a été capable de faire avec tout cet argent...
Idem pour le concept de «lutte des classes», jugé ringard par les salariés eux-mêmes alors que cette lutte, plus que jamais, fait rage : elle a simplement changé de camp. Aujourd'hui, ce sont les nantis qui l'ont reprise discrètement à leur compte tandis que leurs intérêts sont efficacement défendus par leur grand timonier, Nicolas Sarkozy. Et les employeurs ne s'y trompent pas, puisque leur participation au scrutin prud'homal est en hausse avec un Medef qui a récolté 72% des suffrages, même si ce résultat remet en cause la légitimité des organisations patronales actuelles : lire en commentaire…
Zéro communication
Alors oui, on peut se réjouir que le syndicalisme «réformiste» (collaborationniste !) fasse moins recette : la CFDT, FO et la CFTC se sont pris une claque au profit de la CGT et Solidaires, véritables syndicats d'opposition.
Pendant que le Parti socialiste accaparait sans vergogne le devant de la scène avec un scrutin qui n'impliquait que 200.000 électeurs, le gouvernement, qui n'hésite pas à dépenser des millions pour sa communication personnelle, n'appelait pas plus au civisme et à l'importance de l'institution prud'homale, qu'il cherche à affaiblir puisque son objectif inavoué consiste à anéantir, lentement mais sûrement, le code du travail, les droits des salariés et le dialogue social.
Xavier Bertrand se frotte les mains. Cette abstention record, qui démontre l'apathie du salariat, sa complicité aveugle si ce n'est sa soumission quasi totale à un système qui le broie, ou alors sa défiance vis-à-vis des apparatchiks syndicaux, ne peut qu'encourager le gouvernement à poursuivre l'exécution rapide de ses prochaines «réformes».
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Commentaires
Taux de participation 2008 :
• 25,6% dans le collège "salariés" (contre 32,7% en 2002) pour 18,6 millions d'inscrits
• 31,5% dans le collège "employeurs" (contre 26,6% en 2002) pour 518.000 inscrits
Scores des organisations syndicales :
• CGT : 33,8% (+ 1,6%)
• CFDT : 22,1% (- 3%)
• FO : 15,9% (- 2,3%)
• CFTC : 8,9% (- 0,7%)
• CFE-CGC : 8,2% (+ 1,2%)
• UNSA : 6,2% (+ 1,2%)
• SUD/Solidaires : 3,8% (+ 150%)
Scores des organisations patronales :
• Medef (liste d'union avec UPA, FNSEA, CGPME, UNAPL) : 72,1% (- 8%)
• EES (employeurs de l'économie sociale) : 19% (+ 7,7%)
• Listes diverses : 8,9% Répondre | Répondre avec citation |
Ils ne croient plus aux institutions censées les défendre, à la lutte syndicale, au dialogue social et au progrès social pour tous ?
Cette abstention record — la plus forte depuis 30 ans — n'est donc PAS une excellente nouvelle pour le gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Elle signifie simplement que la majorité des gens cherche des solutions ailleurs que dans le cadre institutionnel convenu … celui que NS et son gouvernement essaient de ressusciter, car ils ont senti le danger.
Alors la résignation ? la révolte ? L'avenir le dira, mais le référendum sur l'Europe à montré que le corps social a fortement évolué, les luttes sociales du XXIe siècle n'ont aucune raison d'en rester aux schémas du XIXe ou XXe. Répondre | Répondre avec citation |
Les chômeurs recensés par l'Assedic en décembre 2007 ont été invités à s'inscrire au 3949 ou par internet avant le 29 février 2008 afin de recevoir leur carte d'électeur.
En tous cas, en ce qui concerne le 3949, un message préliminaire expliquait la marche à suivre juste avant de pouvoir actualiser sa situation en janvier dernier.
Sur le site de l'Assedic je ne sais pas (je pointe par téléphone), mais je pense qu'ils ont aussi fait le nécessaire.
De notre côté, nous en avions parlé ici…
Par contre, si vous étiez toujours salariée en décembre 2007, votre employeur était obligé de vous inscrire à ce moment-là, et vous auriez du recevoir votre carte chez vous. Répondre | Répondre avec citation |
Pareil pour les syndicats… Et dans tous les secteurs, même en dehors du privé. Ce sont les seuls, dans la fonction publique, à faire preuve de bonne volonté pour renseigner les agents, de manière objective et gratuite. Au moment où les centres de gestions, les services déconcentrés et les ministères défendent systématiquemen t l'Etat, les procédures, et les institutions.
Malheureusement , les représentations sociales se sont inversées avec la crise… il devient inadmissible de défendre des acquis ou de revendiquer de "travailler mieux" car l'attention est focalisée sur les conséquences de la crise, au moment où la précarité revient en force. Ainsi le précaire partiel est devenu la figure dominante et indépassable du monde du travail.
Je rappelle à cette occasion que mon blog des chômeurs et des précaires est toujours très actif, plus que jamais, mais qu'il est en train de subir un profond lifting, comme toutes les vieilles dames du web.
http://blogchomeur.spaces.live.com/ Répondre | Répondre avec citation |
Je ne suis pas loin de penser que ces même centrales le craignent, ce réveil, et qu'elles n'en veulent absolument pas !
Elles ont creusé leur propre tombe avec leur attitude co-gestionnaire qui ne date pas d'hier. Comment en vouloir, alors, aux moins conscients d'entre les prolos, de se détourner de la lutte quand ils voient à l'œuvre les permanents de ces bureaucraties syndicales qui fricotent avec le patronat.
En effet, que tirer comme conclusion lorsque l'on lit des choses dans ce genre là : http://www.hns-info.net/spip.php?article16372
Sur le coup c'est la CFDT mais cela aurait pu être n'importe laquelle des grandes centrales !
Comme il fut écrit, en 1864, dans les statuts de l'AIT : « L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Ça reste aujourd'hui totalement pertinent, sauf qu'en plus on sait qu'il n'y a rien à attendre des grosses boutiques syndicales. Répondre | Répondre avec citation |
Je suis personnellement ravie qu'elle ait été sanctionnée par le peu d'électeurs qui se sont déplacés.
Et encore plus ravie que Solidaires ait doublé son score. Répondre | Répondre avec citation |
Suite au commentaire d'Hypathia : "Il fallait s'inscrire par le biais de l'Assedic". Répondre | Répondre avec citation |
Il y a quelque chose qui ne colle pas : le taux de participation moyen lors des élections professionnelle s dépasse toujours les 60% alors que la légitimité, l'utilité des élections prud'homales est infiniment supérieure !
C'est comme pour les élections politiques, où les gens se déplacent davantage pour les présidentielles que pour les législatives (élire ceux qui vont voter nos lois) ou les municipales (les acteurs de notre vie locale). Alors, à ce tarif-là, les européennes…
Est-ce de la bêtise, de l'ignorance, ou les deux mon général ? Répondre | Répondre avec citation |
A entendre Laurence Parisot quelques heures avant l'ouverture des bureaux de vote, le scrutin s'annonçait comme une grande «pagaille» et le gouvernement allait porter une vraie «responsabilité » dans la nouvelle baisse attendue du taux de participation. D'ailleurs, se plaignaient le Medef et son alter ego la CGPME, les règles du jeu ont tellement changé pour s'inscrire sur les listes électorales du collège «employeurs» que le nombre de votants a fondu de 20% par rapport à la précédente édition de 2002. Bref, il n'y avait rien à attendre, ou pas grand-chose, de cette échéance…
Or que s'est-il finalement passé, le 3 décembre, pour les représentants patronaux aux prud'hommes ? Contrairement aux salariés qui ont boudé les isoloirs, les dirigeants d'entreprise ont davantage voté que par le passé. Pendant que le taux de participation des salariés tombait à 25,5% (contre 32,6% la fois précédente), le leur est passé de 26,6% à 31,15%. Quant aux résultats patronaux, ils ont échappé au grand public, plus sensible, comme il se doit, aux performances comparées des syndicats de salariés.
Le millésime 2008 est pourtant riche d'enseignements pour des organisations qui détestent se mesurer les unes aux autres. Ainsi, le Medef, la CGPME, l'UPA (artisans), l'UNAPL (professions libérales) et la FNSEA (agriculteurs), qui avançaient en rangs serrés sur des listes communes partout en France, ont perdu près de 8 points au niveau national. Leurs candidats, qui couraient sous la bannière de l'Union pour les droits des employeurs (UDE), ont obtenu 72,09% des voix contre 80% en 2002.
Un recul que n'a pas manqué de souligner le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, pour le moins excédé par l'attitude patronale lors du débat de ces derniers mois sur la représentativit é. Au printemps dernier, en effet, les trois organisations reconnues par les pouvoirs publics (Medef, CGPME et UPA) ont conduit, pour ne pas dire orchestré, la négociation interprofession nelle destinée à rebattre les cartes du paysage syndical tout en refusant obstinément, l'UPA mise à part, de se poser la question de leur propre représentativit é.
En réalité, la forte baisse enregistrée aux prud'homales par les listes UDE confirme un phénomène intéressant : la percée de ce qu'il est convenu d'appeler «l'économie sociale». On trouve sous cette dénomination des associations, des coopératives, des mutuelles et des fondations œuvrant dans les domaines de la santé, des assurances, de la banque, de l'agriculture, des transports, de la distribution, des services à la personne, de la culture, du sport…
Des structures qui emploient, au total, près de 2 millions de salariés. Davantage que l'UIMM (Union des industries des métiers de la métallurgie), plus grosse fédération du Medef ! L'Association des employeurs de l'économie sociale (AEES) a vu son score passer de 11,29% en 2002 à 19,05% en 2008. Elle présentait, il est vrai, moitié plus de listes et deux fois plus de candidats. Résultat, là où elle était présente, l'AEES a atteint le score inespéré de 34,4% ! Et le nombre de ses élus est passé, au total, à 467. Contre 279 en 2002. Et 23 en 1997…
Le Medef et la CGPME ont beau y voir un non-événement, Laurence Parisot et Jean-François Roubaud, leurs présidents respectifs, auront dorénavant plus de mal que par le passé à traiter l'économie sociale comme la portion congrue. Et à lui refuser un fauteuil aux tables des négociations au motif qu'elle ne représente pas de «vraies» entreprises ou qu'elle n'intervient que dans des «activités diverses». Surtout que l'AEES se déclare «proche» de la doctrine «médéfienne» en dépit de la petite musique qu'elle fait entendre ici ou là sur la sécurisation des parcours professionnels, par exemple.
La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. Après le tremblement de terre de l'affaire UIMM qui a fait perdre une partie de sa crédibilité à un patronat qui tente péniblement de s'extirper du scandale, et alors qu'approche la réforme du Conseil économique et social, le ministre du Travail Xavier Bertrand ne devra pas s'étonner de voir à nouveau frapper à sa porte des acteurs économiques renforcés, sans conteste, par les élections du 3 décembre.
(Source : Les Echos) Répondre | Répondre avec citation |