Parmi les 486 niches fiscales qui ont privé les caisses de l'Etat de quelque 73 milliards d'€ de recettes en 2007, on trouve la demi-part supplémentaire accordée aux contribuables ayant élevé seul(e)s leurs enfants, même lorsque ceux-ci ont atteint l'âge de 26 ans. Un «privilège» dont ces parents isolés bénéficient actuellement à vie, contrairement aux couples mariés ou pacsés qui n'y ont plus droit quand leur progéniture quitte le nid. Selon Le Parisien, 4,3 millions de personnes sont concernées pour un manque à gagner estimé à 1,7 milliard d'euros en 2009, car cette demi-part représenterait en moyenne 400 € d'impôt en moins par foyer. Une économie qui se fera «au détriment d’une population essentiellement composée de femmes qui ne sont pas parmi les plus riches», a déploré la sénatrice PS de Seine-et-Marne Nicole Bricq.
Qu'à cela ne tienne ! Eric Woerth, notre ministre du Budget, a plaidé en faveur de ce texte, le qualifiant de «mesure de justice». Par souci d’«égalité fiscale» entre parents, qu'ils soient isolés ou en couple, les sénateurs ont donc adopté l'amendement du rapporteur de la Commission des finances Marini qui prévoit de réduire chaque année de 10% cet avantage dès les revenus 2009, déclarables en 2010, pour une suppression complète en 2018. Ce contre quoi s'est insurgée Nicole Bricq : «Ce n’est pas en taxant le revenu des contribuables vivant seuls que l’on avancera dans la voie de la justice sociale. [...] Cette demi-part concerne un grand nombre de femmes qui travaillent tout en continuant d'assumer les charges d’un enfant au foyer. Vous la supprimez alors que vous pérennisez des avantages fiscaux bien supérieurs, et que le bouclier fiscal étend l’injustice fiscale.»
Une égalité à géométrie variable
Parallèlement, en ce qui concerne la revalorisation du minimum vieillesse votée le 4 novembre par les députés de droite dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2009, il n'a pas du tout été question d’«égalité» entre retraités isolés ou en couple. En effet ces derniers, jugés moins «fragiles» que les personnes seules, seront purement et simplement exclus des augmentations promises par Nicolas Sarkozy : ainsi ne leur appliquera-t-on que les hausses règlementaires liées à l’inflation. Cela saute aux yeux : pour grappiller quelques petits sous aux plus modestes, faute de prendre l'argent là où il prospère, le raisonnement «égalitaire» de l'UMP n'hésite pas à sombrer dans la contradiction la plus crasse. Et la mise en œuvre scrupuleuse d'une soi-disant égalité de traitement entre citoyens se limite… aux plus humbles ou, comme ici, aux classes moyennes.
Alors oui : la moitié des Français ne paie pas d'impôt sur le revenu et la majorité des mères célibataires (qui en chient) en font partie. Oui, les ex mères célibataires qui bénéficient à plein de cette demi-part sont forcément les plus aisées, la plupart n'en voyant pas la couleur. Cette mesure s'attaque donc aux femmes — seules — des classes moyennes. Si on leur supprime ce «privilège», qu'on supprime également les avantages hautement plus injustes et lucratifs d'autres catégories de très riches contribuables, qui sont exonérés d'impôt non pas à hauteur de 400 € en moyenne, vite consommés donc réinjectés dans l'économie, mais 200 fois plus (cf les vrais bénéficiaires du bouclier fiscal)...
Quand la droite décomplexée décide de s'attaquer aux niches fiscales, elle supprime celles — rarissimes — qui peuvent toucher les classes populaires. Par contre, grâce à ces niches, 150 millionnaires ont totalement échappé à l'impôt en 2007... Et depuis que le barème de l'IR a été réformé, le nombre de foyers non-imposables bien que très riches n'a cessé d'augmenter. Mais contre cela, bien évidemment, aucune «mesure de justice» ne vient à l'esprit de Messieurs Woerth et Marini.
Cet amendement, qui fait aussi des vagues dans la majorité, doit être validé en commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) le 15 décembre.
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Commentaires
• Plus de 7.000 foyers aisés n'ont pas acquitté d'impôt sur le revenu en 2007
Et le nombre de riches non-imposables augmente chaque année.
• Bouclier fiscal : 2.242 contribuables bénéficient de 83% des aides
En 2007, une poignée de riches contribuables a empoché la majorité du magot.
• «Amnistie fiscale» : le vrai visage de l’UMP
L'idée (elle aussi recalée) de Bernard Accoyer reflète l'exacte mentalité de ce gouvernement.
• Délits financiers : de moins en moins de répression
La dépénalisation du droit des affaires souhaitée par Nicolas Sarkozy est en marche. Répondre | Répondre avec citation |
Aux bidouillages et arrangement opportunistes répondent la démagogie et les procès d'intention.
Tous les contribuables qui bénéficient de cette demi part ne sont pas des défavorisés, bien au contraire, ceux qui en profitent le plus sont bien les plus aisés…
50% des foyers français ne paient pas l'IR, et les 400 roros d'impots en moins -en moyenne - ? Un calcul simple montre qu'il faut gagner 16000 Euros au dessus de la première tranche (à 5%) pour en bénéficier …
Il y donc probablement un petit nombre qui bénéficient de beaucoup plus… et la masse qui est concernée pour des clopinettes ou rien du tout.
La sénatrice PS doit juger par rapport à sa propre situation: forcément un sénateur coute 32000 euros par mois à la collectivité non imposables.
Alors on l'ouvre sans réfléchir, et c'est bien ça le drame de cette politique (mauvais) spectacle. Répondre | Répondre avec citation |
Oui, la moitié des Français ne paie pas l'IR et la majorité des mères célibataires en font partie.
Oui, les ex mères célibataires qui bénéficient de cette demi-part sont forcément les plus aisées (quoique : avec 16.200 € de revenu annuel, je ne vois pas où est la "richesse").
Cette mesure s'attaque donc aux femmes - seules - des classes moyennes. Si on leur supprime ce «privilège»,
alors qu'on supprime AUSSI les privilèges hautement plus injustes et lucratifs d'autres catégories de très riches contribuables, qui sont exonérés d'impôt non pas à hauteur de 400 € en moyenne, mais 200 fois plus (je pense aux bénéficiaires du bouclier fiscal)… Répondre | Répondre avec citation |
C'est bien le pb français ! La situation est tellement compliquée qu'on ne peut plus rien changer sans se mettre à dos telle ou telle catégorie. C'est le signe que ce système est à bout de souffle et qu'il ne peut que s'effondrer.
Le bouclier fiscal est un bon exemple: il bénéficie aux plus aisés, alors qu'il n'épargne que 50% des modestes revenus d'une veuve d'agriculteur qui loue ses terres et sa ferme dont elle a l'usufruit ( encore une femme seule !)
Pourtant, le législateur aurait pu prévoir un bouclier "reste à vivre minimum" pour tous ces gens. Il ne l'a pas fait car la droite privilégie son électorat et la gauche bobo se sent plus concernée par les impôts d'une femme seule, prof de fac, aggrégée ou haut fonctionnaire qui va devoir renoncer - progressivement - à un "avantage considéré comme acquis" … Pourtant celle_ci a un revenu 5 à 10 fois supérieur à la première…
Trop facile ? non trop injuste, et tout le système est comme ça…
ps : le "rendement" des terres agricoles est très faible et bouffé à près de 50% par les impôts fonciers…Les revenus locatifs sont faibles dans les campagnes désertifiées, et les impôts locaux augmentent à 2 chiffres dans la plus part des régions…
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Supprimons la prime de Noël — qui est une injustice majeure — au nom de «l'égalité entre citoyens» ! Répondre | Répondre avec citation |
Le commentaire d'une internaute suite à l'article des Echos sur ce sujet :
«Je voudrais bien vivre à deux, mais ce n'est pas possible tout simplement, et cela le sera de moins en moins puisqu'en vieillissant, les femmes, dont je suis, sont beaucoup plus nombreuses que ces messieurs qui vivent moins longtemps que nous… Alors peu de choix pour une vie à deux, mais celle-ci coûte très cher… Ma solitude n'a pas été choisie.»
A 98%, les parents isolés sont des femmes.
De plus, on sait qu'un écart de salaire de 25% persiste entre hommes et femmes. Et une fois à la retraite, là où un homme touche en moyenne une pension de 1.400 €, les femmes ne touchent que 650 €.
Après 45 ans, elles intéressent de moins en moins les hommes de leur âge qui préfèrent des compagnes plus jeunes et, le temps passant, espérance de vie oblige, elles restent seules. Répondre | Répondre avec citation |
Interrogé dans Le Parisien sur la suppression de la demi-part fiscale à un parent ayant élevé seul(e) un/des enfant(s), le Haut commissaire aux solidarités actives ne dit pas qu'il est contre. Il estime simplement que «la question est de savoir si cet argent est bien utilisé»… Il prouve une fois de plus qu'il n'est que la "caution sociale" d'un gouvernement qui protège les nantis et spolie tous les autres ! Répondre | Répondre avec citation |
La commission mixte paritaire est revenue à la version adoptée par l'Assemblée nationale, qui avait été supprimée par le Sénat.
Le mécanisme sera supprimé pour les personnes dont les enfants ont quitté le foyer fiscal au 31 décembre 2008. Pour les bénéficiaires actuels, l'avantage fiscal sera progressivement supprimé par une diminution du plafond lissée sur 10 ans à compter de l'imposition des revenus de 2009.
Le bénéfice d'une demi-part supplémentaire sera toutefois maintenu pendant les 3 années suivant le départ de l'enfant pour les parents isolés ayant élevé un enfant seul. Cet avantage sera ensuite diminué progressivement pendant les 5 années suivantes, jusqu'à être totalement supprimé.
L'amendement voté la semaine dernière par les sénateurs prévoyait la suppression progressive, sur dix ans, du bénéfice de la demi-part pour les personnes célibataires, divorcées ou veuves ayant élevé un enfant. L'adoption de cet amendement du rapporteur général du budget Philippe Marini (UMP) avait divisé la majorité. Alors que le ministre du Budget Eric Woerth soutenait une "mesure de justice", le chef de file des députés UMP Jean-François Copé s'était dit "réservé".
Dans un communiqué, les députés socialistes, qui ont fait basculer la majorité en CMP sur cette question, se sont félicités d'avoir "permis que soit en partie réparée une injustice qui pénalisait nombre de familles modestes".
Ce compromis doit être entériné mercredi par les députés, puis par les sénateurs, lors de l'adoption définitive du budget 2009.
(Source : Le Nouvel Obs) Répondre | Répondre avec citation |
Le répit aura été de courte durée. L'amendement du sénateur Marini, qui prévoyait de supprimer purement et simplement la demi-part additionnelle accordée aux personnes seules ayant élevé un enfant devenu majeur, a été rayé du projet de loi de finances pour 2009 par la commission mixte paritaire. Mais cette dernière a rétabli le texte dans sa version adoptée à l'Assemblée nationale.
Ainsi, les célibataires, veufs ou divorcés, pourront conserver le bénéfice de leur demi-part supplémentaire à condition d'apporter la preuve d'avoir élevé seuls leurs enfants lorsqu'ils étaient mineurs.
Pour les autres, la demi-part fera l'objet d'une disparition progressive. Aujourd'hui plafonné à 855 euros, l'avantage fiscal résultant de son application sera réduit à 570 euros au titre de l'imposition des revenus de 2010, et à 285 euros au titre de l'imposition des revenus de 2011, pour disparaître dès l'imposition des revenus de 2012.
(Source : Le Figaro) Répondre | Répondre avec citation |