Nous en parlions il y a tout juste une semaine : le bébé d'Aurélie va être viré de la crèche qui avait pourtant commencé à l'accueillir en connaissance de cause, au motif que sa mère est au chômage. Nombreuses sont les femmes privées d'emploi — pire : seules avec leur(s) enfant(s) — à être, ipso facto, systématiquement refoulées des structures collectives les moins onéreuses qui, pourtant, leur permettraient de retrouver plus vite et plus sereinement le chemin du travail. Dans la même veine, nous avions déjà dénoncé des communes (Vaires-sur-Marne, Meaux, Houilles, Colombes…), de droite comme de "gauche", refusant d'accueillir des enfants de chômeurs dans leurs cantines.
Cette violation du principe d'égalité, contraire aux valeurs de la République, est une discrimination sociale. Mais elle n'est pas inscrite dans l'article 225-1 du Code pénal qui définit 18 critères constitutifs comme l'origine, le patronyme, le sexe, la grossesse, la situation de famille, l'apparence physique, l'âge, l'état de santé, le handicap, les opinions politiques ou les activités syndicales, les convictions religieuses, les mœurs, l'orientation sexuelle, les caractéristiques génétiques, etc... Rien sur la discrimination socio-professionnelle (chômage) et sociale (pauvreté) qui sévit de façon légale et on ne peut plus ordinaire. Une lacune fondamentale à laquelle ATD Quart Monde compte bien remédier.
Le "racisme social", ça existe
Un groupe de travail du comité consultatif d'ATD Quart Monde s'est rendu lundi à la HALDE afin d'étudier l'opportunité d'instituer ce nouveau critère de discrimination dans la loi, muni d'un dossier recensant de nombreuses preuves concrètes de "racisme anti-pauvres" au quotidien.
On connaissait déjà l'attitude discriminatoire des médecins envers les bénéficiaires de la CMU. Mais le pharmacien, lui aussi, peut vous faire ressentir le mépris qu'il éprouve pour le paria que vous êtes en vous tendant votre Carte vitale. Même chose pour l'enfant mal habillé qui supporte les quolibets de ses petits camarades, quand il ne subit pas la morgue d'une institutrice persuadée de sa mauvaise éducation, ou du caractère inné de sa paresse. Même chose pour accéder au logement : vous êtes pauvre, on vous recale, dans le privé comme dans le "social".
Outre le fait de souffrir de leur situation, ces personnes sont considérées comme coupables, stigmatisées et mises à l'écart. On les juge en permanence, ou on les humilie. Objets de tous les soupçons, les pauvres sont plus contrôlés que le reste de la population et subissent de mauvais traitements, y compris de la part des administrations et des services publics. Dans trop de situations, le fait d'être chômeur et indigent représente un obstacle supplémentaire que rien ne justifie.
D'autres pays ont légiféré
Plusieurs traités internationaux reconnaissent la «fortune» et l'«origine sociale» comme causes de discrimination, affirme ATD Quart Monde. La Belgique et le Canada ont déjà reconnu ces critères dans leur législation. Ainsi, au Canada, des tribunaux ont condamné des propriétaires qui avaient refusé de louer un appartement à des bénéficiaires d'allocations de l'État : une discrimination liée au fait que l'insolvabilité du locataire n'a pas été vérifiée mais présumée sur la base de son statut d’"assisté". En Angleterre, le mot «Povertyism» (racisme anti-pauvres) est entré dans le langage courant.
C'est pourquoi ATD Quart Monde souhaite que la France ratifie le protocole (n°12) additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme qui rendrait applicable l'article 14 de la CEDH reconnaissant le critère de discrimination sociale. Cette décision permettrait à toute la société de se confronter à ce "racisme anti-pauvres" qu'on ne veut plus voir.
Pour ATD Quart Monde qui ne compte pas lâcher l'affaire, cette rencontre avec la HALDE est un premier pas vers l'indispensable introduction de ce nouveau critère dans nos textes. Il va sans dire que nous soutenons son initiative et son combat. Affaire à suivre...
SH
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