Pendant que des millions de Français faisaient grève et manifestaient dans les rues, François Fillon est resté droit dans ses bottes. «Nous sommes décidés à mener cette réforme à son terme» parce qu'elle est «raisonnable, juste et indispensable», a-t-il asséné aux députés de gauche, ajoutant : «Un jour les Français vous demanderont des comptes, puisque les engagements que vous êtes en train de prendre, tout le monde sait qu’ils sont destinés à être trahis. Cela vous rend d’autant plus coupables devant l’histoire». Et l'inénarrable Eric Woerth de renchérir : «Le Parti socialiste a perdu la bataille de la responsabilité»... Quel culot !
Revenons sur ces propos aussi douteux que scandaleux.
Le Traître Numéro Un, c'est Nicolas Sarkozy qui assurait, un an après son élection, qu'il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans.
Le Traître Numéro Deux, c'est François Fillon qui, bien avant la crise, se disait «à la tête d'un Etat en faillite» alors que la France est un paradis de millionnaires.
Aujourd'hui, quand François Fillon parle de «folie économique» afin de nous spolier un peu plus, il oublie que, l'année dernière, en pleine explosion du chômage et des déficits, tandis qu'on renflouait les banques, l'Etat qu'il dirige s'est sciemment privé de 172 milliards d’€ de recettes (soit 9% du PIB) généreusement attribués aux entreprises sous forme de niches fiscales, sociales et autres «mesures particulières». Parmi ces dernières, la dérogation fiscale au titre du report de déficit qui a permis à la Société Générale de récupérer via le fisc 1,7 milliard d’€ sur les 4,9 perdus par Jérôme Kerviel... Ces multiples «dispositions dérogatoires» bénéficient essentiellement aux entreprises du CAC40 qui réussissent à ne payer que 8% d'impôt sur les sociétés, bien loin du taux normal de 33% acquitté par les PME.
Quant aux niches fiscales des particuliers qui bénéficient essentiellement aux plus aisés, elles coûtent 75 milliards d’€. Et, grâce à l'affaire Bettencourt, on a compris que le taux d'imposition des plus riches peut égaler celui d'un simple salarié.
Oui, les Français demandent des comptes !
Pour bien mesurer le gouffre qui sépare les nantis des Français ordinaires, rappelons que le déficit cumulé de l'assurance-chômage s'élèvera en fin d'année à 10 milliards d’€ et celui de la Sécurité sociale à 25 milliards (sachant que l'Etat entretient une dette permanente vis-à-vis d'elle, puisqu'il rechigne à lui reverser l'intégralité des taxes qu'il récolte sur l'alcool ou le tabac, et à compenser les exonérations de "charges" qu'il attribue aux employeurs). D'un côté, l'Etat dilapide des dizaines de milliards à une poignée de vrais "assistés" qui ne sont nullement dans le besoin mais se plaignent et refusent de participer à l'effort général. De l'autre, il pinaille sur les retraites et la protection sociale des Français mis à mal par la crise : il stigmatise les plus pauvres, et demande aux autres de se serrer la ceinture !
La «folie économique» de François Fillon, elle est là.
Tous ces cadeaux faits aux plus riches et, notamment, aux entreprises (sans contrepartie sur l'emploi) sont d'une indécence extraordinaire. «Coupable devant l’histoire», ce gouvernement l'est puisqu'il ruine les caisses de l'Etat et de la protection sociale au bénéfice des plus riches. Et quand Eric Woerth ose la ramener avec sa «responsabilité», lui qui n'a rien d'un Monsieur Propre, on a carrément envie de vomir !
Qui manipule qui ?
Alors que les jeunes s'emparent du débat sur les retraites et se mobilisent, le gouvernement, qui les craint autant qu'il les maltraite, les prend pour une fois de plus pour des imbéciles. François Fillon a qualifié d’«irresponsable» la «tentation de l’extrême gauche et d’une partie du PS» de «mettre des jeunes de 15 ans dans la rue».
Pourtant le frère de Nicolas Sarkozy, Guillaume, ex vice-président du Medef et actuel PDG du groupe Malakoff-Mederic, n'hésite pas à mettre les jeunes en scène dans une publicité au son de Téléphone «Je rêvais d'un autre monde» (que l'on entend aussi dans les manifs…) : on y voit des adolescents qui pensent à leur avenir et à leur retraite, un racolage en règle en faveur de cette arnaque qu'est la capitalisation.
Tous ces mensonges, cette hypocrisie, cette injustice deviennent intolérables.
La colère, de plus en plus justifiée, monte.
SH
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