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Pour le BIT, pas de reprise avant 2015

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Les programmes d'austérité mis en place ces derniers mois ont accéléré en 2010 un chômage mondial déjà rampant qui ne devrait retrouver son niveau d'avant crise qu'en 2015, faisant planer la menace d'une crise sociale.

Dans une étude de 124 pages intitulée «D'une crise à l'autre ?» et publiée jeudi 30 septembre, le Bureau international du travail (BIT) confirme ses prévisions de chômage pour l'année à environ 213 millions de chômeurs, soit un taux de 6,5% contre 6,6% en 2009. Au total, dans le monde, plus de 30 millions d'emplois ont été perdus entre le début 2008 et le début 2010.

Le Bureau estime que la reprise de l'emploi sera plus lente que prévue jusqu'à présent, malgré des signes encourageants dans les économies émergentes d'Asie et d'Amérique latine. Ce ralentissement est dû à "une détérioration sur le front du chômage ces derniers mois en raison du changement des politiques étatiques qui ont abandonné les plans de relance pour des programmes d'austérité", a expliqué l'auteur principal du rapport, Raymond Torrès. "C'est un changement fondamental qui n'était pas prévu", a-t-il ajouté.

Avec ces "nouveaux nuages sur le rythme des réformes, la reprise de l'emploi qui était attendue en 2013 devrait plutôt arriver en 2015", souligne M. Torrès dont l'étude précise qu'il manque encore 8 millions d'emplois pour retrouver les niveaux de 2007, avant la crise. Cette nouvelle prévision s'appuie notamment sur deux indicateurs particulièrement préoccupants selon le BIT : l'augmentation du chômage longue durée et le taux de sans-emploi parmi les jeunes. Dans un autre rapport publié cet été, le BIT avertissait que le chômage des jeunes, qui a atteint l'année dernière un niveau record avec 81 millions personnes âgées de 15 à 24 ans sans emploi, risque de créer une "génération perdue".

La persistance d'un chômage élevé provoque l'aggravation du climat social dans plusieurs pays, constate le BIT. Dans 36 pays sur 72, la population a moins confiance dans son gouvernement qu'avant la crise. Dans plus des trois quarts des 82 pays pour lesquels le BIT dispose d'informations, la population perçoit une dégradation de son niveau de vie par rapport à 2006. Parmi les personnes qui ont un emploi, la satisfaction au travail s'est dégradée avec un sentiment d'injustice grandissant dans 46 pays sur 83.

Troubles sociaux dans au moins 25 pays

"Dans 35 pays où les statistiques sont disponibles, près de 40% des demandeurs d'emploi sont sans travail depuis plus d'un an", soit près de 10% de plus qu'en 2009, relève ainsi le rapport. Aux Etats-Unis, la durée moyenne de recherche d'un emploi est passée de 25 semaines en août 2009 à 34 semaines en août 2010. "Ces personnes courent un risque important de démoralisation, de problèmes psychologiques… certains ont même décidé de quitter le marché de l'emploi", relève M. Torrès. En 2009, plus de 4 millions de ces chômeurs ont ainsi renoncé à chercher un travail. "Ils sont démotivés et perdent l'estime d'eux-mêmes", affirme le BIT.

Même dans des pays comme l'Allemagne, où la reprise économique a permis un recul sans précédent du nombre de sans-emploi en septembre (7,2% contre 7,6% en août), il reste un "noyau dur" de chômeurs longue durée (45% du nombre total au premier trimestre), ajoute-t-il. Ce chômage-là est "un indicateur d'une longue récession sur le marché du travail" dans la mesure où il est le plus difficile à résorber, prévient l'expert du BIT.

Le retour en arrière de mesures sociales, déjà visibles dans certains programmes d'austérité, pourrait avoir un effet boomerang avec une crise sociale gravissime, estime le BIT. "Les tensions sont déjà présentes", considère M. Torrès, citant des cas de troubles sociaux dans au moins 25 pays. Le fait que les inégalités sociales se soient aggravées en 2009 s'ajoute à ces éléments, poursuit M. Torrès selon lequel la reprise des bonus ont également alimenté cette "bombe à retardement".

Pour le BIT, les gouvernements des pays industrialisés ont les moyens de l'éviter en procédant au "rééquilibrage" des modalités de croissance. "Dans le rapport, on a pu montrer que grâce à une approche équilibrée mais pas forcément chère, on arrive à, en même temps, soutenir une croissance économique riche en emploi, et à faire face à des déficits trop élevés qu'il faut réduire", assure-t-il donnant en exemple les programmes engagés par l'Argentine, le Canada, le Brésil. "Dans les pays qui ont réussi à amortir l'impact de la crise économique sur le chômage, on constate des indicateurs sociaux meilleurs, c'est totalement nouveau" et encourageant, conclut M. Torrès.

La reprise demeurera fragile aussi longtemps que les revenus du travail continueront d'augmenter moins vite que les gains de productivité, et tant que le système financier connaîtra des dysfonctionnements, déclare l'organisation.

(Source : L'Expansion)

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Mis à jour ( Vendredi, 01 Octobre 2010 16:27 )  

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