«Gérante d'agence immobilière, CDI, salaire 20.000 à 40.000 euros par an.» Quand Maryse, alors au RMI, découvre cette annonce sur le site de Pôle Emploi, elle n'hésite pas à postuler. L'entretien est prometteur, mais on lui annonce qu'elle ne signera pas un CDI immédiatement et débutera sous un contrat AFPR, pour «action de formation préalable au recrutement».
Ce type de contrat est destiné aux demandeurs d'emploi à qui il manque certaines compétences pour occuper un poste. Durant trois mois, Maryse sera rémunérée par Pôle Emploi pour le travail effectué dans l'entreprise, et c'est seulement au bout de cette période qu'elle pourra signer un CDI.
«Je ne pensais pas avoir besoin d'être formée, puisque j'avais géré ma propre agence deux ans auparavant. Malgré tout, j'ai immédiatement accepté l'AFPR car le directeur m'a garanti oralement qu'il m'engagerait à l'issue de ces trois mois. En attendant, Pôle Emploi me rémunérait 650 € par mois pour environ 40 heures de travail par semaine.»
2.000 euros de frais
Après une formation de 48 heures avec un commercial, Maryse se retrouve vite aux commandes d'une agence avec la pression de vendre. Elle s'investit au point de l'assumer seule durant deux mois et demi. Pourtant, une semaine avant la fin du contrat AFPR, elle est convoquée par son supérieur.
«Il m'a annoncé qu'il ne me garderait pas car je n'avais pas fait de ventes. Je ne m'y attendais pas car en AFPR, nous sommes des stagiaires en formation, pas des employés avec des objectifs à atteindre. J'ai dépensé environ 2.000 € durant ces trois mois en frais de déplacement, téléphone, ordinateur… et si je l'ai fait, c'est parce que jamais l'entreprise ni Pôle Emploi ne m'ont parlé de l'éventualité de ne pas être embauchée. J'ai été utilisée par cette entreprise qui a vu en l'AFPR un moyen de bénéficier de main d'œuvre gratuite, et par Pôle Emploi qui incite les chômeurs à accepter ces contrats afin de faire baisser les chiffres du chômage !» [1]
Maryse, justifiant de trois mois de travail, ne pourra pas percevoir le RMI durant le trimestre suivant… Elle se retrouve sans aucune ressource. «Seule avec ma fille, ma mère a dû m'envoyer de l'argent pour m'aider. J'ai écrit au ministre du Travail, à l'époque Xavier Darcos, au Pôle Emploi de Martigues et à l'Inspection du travail pour dénoncer l'AFPR et le manque de contrôle des entreprises qui abusent des stagiaires, mais je n'ai eu aucune réponse.»
Un contrat qui ne prolonge pas les indemnités chômage
Sans travail depuis plusieurs mois, Alexandra, 30 ans, accepte elle aussi un contrat en AFPR. Il devait déboucher sur un CDD mais, dix jours avant la fin, sa directrice l'informe qu'elle ne correspond pas au poste. La jeune femme contacte alors Pôle Emploi.
Son conseiller lui apprend non seulement qu'il était au courant qu'elle serait remplacée par une autre AFPR et qu'en plus, elle ne bénéficie plus d'aucun droit car ses dernières indemnités ont été consommées durant ces trois mois. «Personne au Pôle Emploi ne m'a informée que ce contrat ne prolongerait pas mes allocations. J'ai donc travaillé bénévolement pour cette entreprise à temps plein pendant trois mois sans être embauchée au final, au lieu d'utiliser mes derniers mois d'allocations pour trouver un véritable emploi. Je me suis retrouvée sans aucun revenu du jour au lendemain.»
«Tous les employeurs n'abusent pas de leurs stagiaires»
Mise en place il y a quelques années, l'AFPR du Pôle Emploi est une aide à l'embauche qui devait encourager la réinsertion des demandeurs d'emploi et les employeurs au recrutement. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'Emploi, annonçait en mars la nécessité de proposer des formations rémunérées pour obtenir des taux de retour à l'emploi importants.
Outre la rémunération mensuelle du stagiaire, Pôle Emploi verse en plus à l'employeur une aide en cas d'embauche pour les heures de formation dispensées, de 2.000 à 3.200 €.
Directeur du Pôle Emploi de Belfort-Nord, où un ancien stagiaire AFPR s'était plaint d'avancer trop de frais durant sa formation, Jean-François Locatelli croit malgré tout en l'efficacité du dispositif : «Dans notre agence, sur 110 AFPR signées, nous notons 89% d'embauche environ, donc tous les employeurs n'abusent pas de leurs stagiaires.» Des chiffres toutefois difficiles à vérifier, car aucun document chiffré sur l'AFPR n'est communiquée à ce jour par Pôle Emploi.
Si des embauches ont lieu, de plus en plus d'anciens stagiaires renvoyés juste avant la fin de la formation et/ou payés au lance-pierre pour travailler 40 heures par semaine, pointent l'absence de contrôle et de sanction envers ces employeurs peu scrupuleux.
(Source : Eco89)
[1] En effet, les "stagiaires de la formation professionnelle" sont placés en catégorie D et échappent ainsi à la médiatisation.
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