Nous l'avions découvert début mars à l'occasion de l'action menée par le collectif Droits Nouveaux chez Fitch Ratings, à Paris : si, pour combler une partie de son déficit cumulé qui s'élève à 10 milliards d'euros, l'Unedic a tout de même pu emprunter 6 milliards sur les marchés financiers, c'est parce qu'elle a obtenu un superbe «AAA» de la part des trois principales agences de notation, Moody's, Fitch et Standard & Poors.
Et pourquoi l'Unedic est-elle si bien notée ? Parce que, convention après convention négociée entre «partenaires sociaux», ses conditions d'indemnisation sont toujours plus restrictives et les bénéficiaires de l'assurance chômage toujours moins nombreux. Ce qui lui vaut d'être considérée comme «fiable», bien gérée et même «rentable» aux yeux de ces vampires.
Il sera de moins en moins question de faire dans le social : le rapport des agences de notations le stipule noir sur blanc, «des modifications importantes des caractéristiques du régime d’assurance chômage justifieraient une action négative sur les notes». En clair, tant que les conditions d'indemnisation de l'Unedic resteront peu favorables aux chômeurs, ces agences continueront de lui mettre un coup de tampon sur son passeport vers les emprunts obligataires.
Telle est la dérive dans laquelle est entraînée l'assurance chômage... Ce qui était à l'origine une caisse de solidarité entre travailleurs devient un produit de spéculation financière dont les taux d'intérêts sont à leur charge. Le hold-up est parfait : les cotisations — de moins en moins volumineuses — payées par l'ensemble des salarié(e)s — de moins en moins bien rémunérés, de plus en plus précarisés — servent au final à financer les rentes des riches spéculateurs, titulaires de l'emprunt Unedic, sur le dos des privés d'emploi de moins en moins couverts par le régime, à la grande joie du patronat qui, on le rappelle, a exigé que la dernière convention entérine une baisse des cotisations si un excédent venait à être réalisé sur l'année (alors qu'il suffirait déjà d'augmenter les cotisations sur les contrats précaires pour dégager plusieurs milliards) !
Tous endettés
Mais cette emprise ne s'arrête pas là. On apprend que 10 des 26 régions françaises bénéficient d'une notation financière. Même nos régions, dont la plupart sont financièrement étranglées, doivent se tourner vers les marchés !
Tout ça parce que, depuis dix ans, via des baisses d'impôt massives — notamment en faveur des contribuables les plus aisés et des géants du CAC 40 —, la politique fiscale française a privé l'Etat de plus de 100 milliards de recettes (sans compter les innombrables niches fiscales et sociales : par exemple, en 2009, l'Etat s'est assis sur 172 milliards d'euros généreusement offerts aux entreprises), s'obligeant lui-même, ainsi que les collectivités locales, à financer la dépense publique par l'emprunt. Ainsi, tel un panier percé qui contracte des crédits à répétition pour assurer son fonctionnement tandis qu'il fait de luxueux cadeaux à une frange de la population qui n'en a pas besoin, l'Etat accumule de la "mauvaise dette". Et, malgré la crise, le gouvernement rechigne à faire preuve de bon sens en allant chercher l'argent là où il se trouve (et il y en a !). Droit dans ses bottes, il continue à ignorer le rôle indispensable de l'impôt dans le rétablissement de ses ressources.
Et, plus ça va, plus la France met en cause sa souveraineté sous la contrainte de ses créanciers. Elle est même prête à s'asseoir défitivement dessus en inscrivant une partie des exigences du «pacte de compétitivité» d'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy dans notre Constitution ! On marche sur la tête.
Pour continuer à emprunter, il faut être bien noté et pour être bien noté, il faut respecter les critères de rentabilité fixés par ces agences, c'est-à-dire afficher une gestion rigoureuse de ses politiques régionales et/ou sociales. On vous laisse en imaginer les priorités, ainsi que les (graves) conséquences qu'elles auront sur la vie quotidienne d'une majorité de Français de plus en plus fragilisés.
SH
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