Fin octobre, toutes catégories confondues, sans oublier les DOM et les seniors "dispensés de recherche" non catégorisés, Pôle Emploi comptait 2,25 millions d'inscrits sans interruption depuis plus d'un an, soit plus de 40% de ses "clients". Selon l'Insee, l'ancienneté moyenne au chômage est de 14 mois, et de 458 jours selon Pôle Emploi. La progression annuelle des catégories ABC de métropole s'éleve à 7,5%. Mais celle des inscrits depuis 2 à 3 ans (soit la moitié des chômeurs de longue durée !) grimpe à 17%, et celle des inscrits depuis plus de 3 ans à 21,5%.
Ces personnes ont des profils de plus en plus variés. Pour un nombre croissant, bien que qualifiées et expérimentées, à leur corps défendant elles ont rejoint le bataillon des populations habituellement exposées, se retrouvant enkystées dans un chômage à durée indéterminée avec pour perspective la précarité, la déqualification et la pauvreté. En clair : même si les jeunes et les "seniors" (dès 40 ans), dont les entreprises ne veulent pas, sont les plus touchés, «personne n'est protégé», note le COE.
Déni de réalité
Le Conseil d'Orientation pour l'Emploi estime que les moyens mis en place pour lutter contre ce fléau ne sont pas adaptés. Et que propose cette "instance d’expertise et de concertation auprès du Premier ministre" pour y remédier ? Du bricolage et du réchauffé sur 70 pages...
En guise de diagnostic, le COE n'hésite pas à faire preuve de malhonnêté intellectuelle. Dans son introduction, il écrit sans vergogne que le chômage de longue durée «transforme le chômage conjoncturel en un chômage de type structurel»... Quelle imposture ! Au contraire, c'est parce que le chômage (la cause) est bel et bien devenu massif et structurel qu'il génère du chômage de longue durée (qui est l'une de ses conséquences). En intervertissant cause et effet, le COE contribue discrètement à inverser les rôles en désignant les victimes comme coupables.
Le COE reconnaît que depuis 1983 — moment où l'économie a effectué son virage néolibéral —, le chômage de longue durée n'est jamais descendu en dessous de 31%. Selon le comptage de l'Insee, la moyenne grimpe à 38,6%. Mais à l'image du gouvernement et tant d'autres "experts" ou commentateurs qui monopolisent la sphère médiatique, le COE continue de faire comme si le chômage était toujours structurel (donc passager, ce qui sous-entend que le chômeur est plus ou moins responsable s'il ne retrouve pas de travail) et la création d'emplois toujours dynamique (alors qu'elle est au point mort avec la crise, et que 90% des rares emplois disponibles sur le marché sont précaires et au Smic).
A mauvais diagnostic, vain traitement
Bardé de ces œillères, le COE avoue qu'il «a choisi de ne pas traiter des enjeux macroéconomiques» alors qu'ils sont la clé, les causes du chômage étant verticales, sinon globales. Paresseux, le COE se love dans sa position horizontale : «Les propositions qui sont faites relèvent de la politique de l’emploi et visent à améliorer le fonctionnement du marché du travail et à réduire la durée moyenne du chômage "à situation économique donnée"», dit-il. Fermez le ban.
Qu'elles soient préventives ou immédiates, les recettes du COE se heurtent à la réalité : pour la plupart éculées, elles arrivent trop tard ou relèvent du pansement sur une jambe de bois. Car ce n'est pas un accompagnement encore plus renforcé ou des aides à la mobilité supplémentaires qui vont créer les millions d'emplois pérennes et correctement rémunérés dont l'économie française a besoin. Ce n'est pas la relance d'un dispositif de chômage partiel qui empêchera les suppressions de postes prévues de longue date au nom de la rentabilité, encore moins l'instauration de «clauses sociales» permettant l'embauche de chômeurs de longue durée dans le secteur public alors que la RGPP veille au grain. Ce n'est ni un allongement du contrat de professionnalisation ni davantage de contrats aidés (qui, jusqu'à présent, n'ont pas fait leurs preuves), ni un «zéro charges pour les TPE» qui inciteront des employeurs frileux et/ou friants d'aubaines (exonérations, aides de l'Etat…) à embaucher en CDI.
Cerise sur le gâteau : estimant que plus les allocations sont généreuses, plus le chômage de longue durée augmente alors que c'est totalement faux, le COE souhaite «réexaminer la question des effets incitatifs du système d’indemnisation»… ce qui revient à poser la question du retour à la dégressivité. Comme si, en acculant les chômeurs sur le plan financier, cela allait générer de miraculeuses créations d'emplois !?! On marche sur la tête.
Ce rapport de courte vue, pondu par des crânes d'œufs grassement payés pour brasser de l'air, ne sert strictement à rien.
SH
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