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Radiations abusives : un exemple de convocation de masse à l'aveugle et complètement hors délai

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La radiation estivale, hantise de chômeurs paranos ? Pas vraiment ! Voici le témoignage de Laurent, privé d'emploi à Metz.

Tout a commencé samedi 18 août quand, dans sa boîte aux lettres, Laurent [1] a trouvé une "invitation" en provenance de Pôle Emploi, datée du 14 et expédiée le 16 (le cachet de la poste faisant foi), pour une réunion d'information concernant un recrutement en cours pour un centre d'appels dans sa région... Réunion qui avait lieu ce matin, mardi 21 août. Cette "invitation" — qui n'en était pas une [2] — se concluait par la menace de radiation habituelle, «conformément aux articles L.5412-1 et R.5412-1 à R.5412-8 du code du travail».

Or, selon l'article R.5411-8 du code du travail, le demandeur d'emploi n'est pas tenu de signaler à Pôle Emploi une absence d'une durée inférieure à 7 jours. De même, Pôle Emploi doit adresser toute convocation au moins 8 jours avant la date de l'entretien. Dans ce cas, Laurent n'ayant été averti de cette réunion obligatoire que trois jours à l'avance, le hors-délai est manifeste. Quand bien même aurait-il voulu neutraliser cette convocation en posant des jours de congés dessus comme il a le droit de le faire 72 heures à l'avance, il ne le pouvait pas [3].

Autre bizarrerie, Laurent avait accepté la dématérialisation de ses courriers. Or, cette convocation hors-délai lui a été adressée par voie postale, et il n'en a trouvé aucune trace sur son «espace personnel»... Allez comprendre !

Heureusement, Laurent n'était pas parti s'aérer quelques jours loin de son domicile. Si, par exemple, mal lui en avait pris de partir samedi matin avant le passage du facteur rendre visite à son cousin du côté de Lille pour rentrer à Metz dans l'après-midi de mardi, il aurait raté cette réunion… et aurait été bon pour recevoir, une semaine plus tard, un «avertissement avant radiation» pour «absence à convocation» qui lui aurait accordé 15 jours pour se justifier [4] — frais de REC+AR à sa charge — alors qu'il était 100% en règle avec Pôle Emploi !

Disponible, il s'est donc pointé au rendez-vous, étonné que Pôle Emploi ait organisé cette réunion d'information en plein mois d'août, quand la France entière dort et que les postes en question sont à pourvoir… fin 2012.

Cette "infocoll" (réunion d'information collective) avait lieu dans les locaux de la Chambre de Commerce de Metz. Sur place, Laurent s'est rendu compte qu'il s'agissait d'une véritable machine à radier, à échelle industrielle.

La société Ecomouv, qui a décroché le contrat de collecte de l'éco-taxe des poids lourds de plus de 3,5 tonnes qui circulent sur les routes françaises à partir de juillet 2013, doit établir son service clientèle dans la banlieue messine et cherche 200 chargés de clientèle. Laurent a d'ailleurs remarqué que ses affiches traînent dans les agences Pôle Emploi du bassin lorrain depuis plusieurs mois. A l'«invitation» pressante de sa conseillère, il avait même postulé fin juillet sans discuter, bien que son PPAE ne corresponde pas vraiment car il est traducteur. Pour info, Laurent m'a également adressé ce lien trouvé sur internet et daté du 31 mai où, au cinquième paragraphe, il est signalé qu'Ecomouv a bien du mal à recruter, les futurs collaborateurs devant être trilingues (anglais + au moins une autre langue européenne).

Dans les couloirs de la CCI Formation de Metz, cherchant le lieu de la réunion, Laurent croise une "candidate" un peu perdue et venant de Nancy, qui a reçu sa convocation le même jour que lui. Puis une autre, des environs, qui leur a dit avoir reçu la sienne la veille !

Arrivés dans la salle qui était bien remplie, ils se sont installés au fond. On leur a d'abord passé un film sur la nouvelle taxe et la société Ecomouv. Ensuite, une animatrice leur a fait un topo sur les postes à pourvoir, les qualités requises, les tests, etc… tandis que circulait la fiche de présence. Laurent a remarqué que certains participants mettaient un temps fou à la remplir : en effet, ces petits malins comptaient le nombre de blancs ! Il faut dire qu'il y avait pas mal de lignes vierges tandis que la salle était bondée — très agréable un jour de canicule ! A l'évidence, les organisateurs avaient déjà prévu un taux d'absence considérable...

Le public était largement féminin, beaucoup de "petits jeunes" à la recherche d'un premier emploi — n'importe lequel — et un nombre substantiel de vieux fossiles comme lui (Laurent a 52 ans), dont une dame à cheveux blancs avec une allure on ne peut plus classe. L'assistance comprenait aussi une bonne dizaine de personnes qui, visiblement, semblaient avoir des «difficultés d'insertion sociale et professionnelle», comme on dit. Peu importe : malgré leurs stigmates de la pauvreté, Pôle Emploi les a quand même convoquées, quitte à les envoyer au "casse-pipe". A la fin de la réunion, une pauvre dame un peu affolée et qui ne parlait pas un mot d'anglais croyait qu'Ecomouv était une entreprise de transports.

Plusieurs convoqués — dont certains étaient les personnes «fragiles» évoquées ci-dessus —, ayant compris que les emplois proposés ne correspondaient pas du tout à leur profil, sont partis. Mal leur en a pris... Car il ne suffisait pas de signer la feuille de présence. A la fin de la réunion, ceux qui ne voulaient pas poursuivre le processus de recrutement étaient "invités" à remplir une fiche exprimant les motifs de leur refus. Laurent, lui, a docilement remis son CV à la "gentille" animatrice en lui disant qu'il voulait bien passer les tests. Le poste ne l'emballe pas, les horaires non plus (le centre d'appels va fonctionner 24h/24 et 7j/7) et le salaire indicatif est inférieur à son allocation chômage mais avec Pôle Emploi, il estime qu'il vaut mieux ne pas faire de vague — il dit «faire le roseau plutôt que le chêne» — et aviser par la suite, ne souhaitant pas être classé parmi les "réfractaires" et orienté vers une prestation punitive.

Surtout, Laurent se demande ce qu'il va arriver aux absents et à ceux qui, en toute bonne foi, sont partis avant la fin de la réunion. S'ils sont radiés, il suppose que ces convocations précipitées et cette "infocoll" à rallonge pour enrôlés de force vont grandement soulager les listes de l'agence Metz–Taison, qui gère le recrutement. Et grâce à cette "rafle", il pense que les agences de Nancy-Metz-Longwy vont décrocher la palme d'or des radiations estivales.

C'est avec un nœud au ventre qu'il est rentré chez lui et nous a fait part de cette expérience. Laurent en est convaincu — et nous aussi : les radiations estivales ne sont pas une légende urbaine.

SH


[1] Souhaitant rester anonyme, son prénom a été changé.

[2] Les "invitations" qui ne se concluent pas par une menace de radiation faisant référence au code du travail ne sont aucunement obligatoires. Par contre, celles qui se concluent par cette mention sont des convocations obligatoires : en cas d'absence injustifiée, elles induisent une sanction.

[3] On le dit et on le redit : dans ce contexte, toute absence inférieure à 7 jours, même s'il n'est pas obligatoire de la signaler, doit être déclarée à Pôle Emploi afin d'éviter les tracasseries inhérentes aux envois de convocations hors-délai, qui sont de plus en plus fréquentes. Toute absence déclarée ne serait-ce que 72 heures à l'avance neutralise la convocation générée à l'insu du chômeur, qui échappe ainsi à la menace de radiation. Qu'on se le dise !

[4] Pour contrer le hors-délai, il faut absolument joindre une photocopie de la convocation et son enveloppe.



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