Les chercheurs d’emploi ont bien du courage, bien du mérite. Tout incite au découragement tant la quête d’un job même précaire relève du chemin de croix parsemé de chausse-trappes, de pièges en tous genres et de délais qui s’allongent pour aboutir le plus souvent à rien, pas même une réponse négative.
Avec 3 millions de chômeurs dans la seule catégorie A sur un total de 5 millions d’inscrits à Pôle Emploi, il faut dire que les employeurs n’ont que l’embarras du choix. Pour tout poste disponible, du cadre supérieur à l’ouvrier, de l’employé de bureau au travailleur précaire, les candidats se comptent par centaines et sont, de plus en plus, surqualifiés tant les emplois sont rares.
Pourtant, dans ce contexte où l’offre est 100 fois inférieure à la demande, les employeurs ou leurs cabinets font montre d’une frilosité grandissante complètement injustifiée. Comme si embaucher un collaborateur était une expérience plus complexe que la fission nucléaire.
D’abord, la plupart des grandes entreprises ne savent plus recruter en direct. On se demande bien à quoi servent leurs services du personnel et des relations humaines. Conséquence, les sites de recrutement qui s’adressent aux cadres, comme l’Apec ou Cadremploi, fourmillent aujourd’hui d’annonces gérées par des cabinets spécialisés qui, ces trente dernières années, ont trusté le marché du recrutement. Ces professionnels plus ou moins compétents, pour certains de sacrés margoulins, n’existaient pas quand l’économie française était florissante, quand le chômage ne concernait que quelques centaines de milliers d’individus qui ne patientaient que quelques mois avant de retrouver du boulot.
C’est à la fin des années 70 que ces officines sont apparues. À l’époque, on parlait de «chasseurs de têtes», car leur principale mission était de débusquer pour le compte de leur client la «perle rare» qu’ils allaient souvent débaucher chez le concurrent. En période de plein emploi, quand les compétences disponibles sont rares, on peut admettre l’utilité d’un spécialiste pour dénicher le collaborateur idéal. Mais aujourd’hui, même pour des postes à hautes responsabilités, pas besoin de chercher bien loin pour attirer les candidats à fort potentiel : Des centaines croupissent chez Pôle Emploi.
On a aussi le sentiment que la période d’essai n’existe plus dans le monde du recrutement. Comme si l’entreprise qui retient un candidat passait avec lui un «pacte à la vie à la mort» qui lui interdirait tout retour en arrière. Alors qu’il n’en est rien, que l’employeur peut s’accorder 3 mois ou 6 mois pour apprécier les compétences de la personne recrutée, et renouveler cette période d'essai si nécessaire. Plutôt que d’embaucher assez rapidement un nouveau collaborateur et le tester sur le terrain, la procédure de sélection et d’évaluation en amont s’éternise de longs mois.
Cette frilosité, qui vire à l’absurde tant la déperdition en temps, énergie et argent est énorme pour les candidats, pour les entreprises et pour les cabinets de recrutement (qui se font du gras au passage), ne concerne pas que les postes à responsabilités. On constate aujourd’hui que même pour un emploi subalterne et précaire, comme un CDD de deux mois (pour remplacer un collaborateur en arrêt maladie ou en congé maternité), la procédure de recrutement s'éternise plus que de raison.
Prenons le cas de Lionel qui a postulé mi-mai pour obtenir un CDD censé couvrir les mois de septembre et octobre. En juin, l’employeur l’informe que sa candidature est retenue avec quatre autres. En juillet, il obtient un premier rendez-vous. Le second, qui doit officialiser son recrutement ou au contraire l’écarter, est reporté après le 15 août pour cause de vacances de ses interlocuteurs. Il finit par les rencontrer, mais ceux-ci lui signifient qu’ils feront leur choix parmi les trois candidats toujours en lice autour de 26 ou 27 août… pour une prise de fonction le 3 septembre.
Pour un CDD de deux mois que Lionel n’est pas certain de décrocher, la procédure aura duré de mi-mai à fin août : Trois mois et demi ! Certes, la période de vacances l’a incontestablement prolongée. Cependant, il ne tenait qu’à l’employeur d’anticiper cette contrainte. Ce qui, bien évidemment, ne l’a pas effleuré.
Si Lionel travaille deux mois pour cette entreprise, il aura passé pratiquement six mois de l'année à suivre sa candidature et occuper ce CDD qui, fin octobre, le renverra directement chez Pôle Emploi.
Peut-on tirer de cet exemple des généralités ? Incontestablement tant les témoignages que nous recevons ici, sur Actuchomage, sont nombreux et concordants.
Les plans anti-sociaux se multiplient. Nous passerons la barre des 3 millions de chômeurs de catégorie A avant la fin de l’année. Les postes disponibles se raréfient et les procédures de recrutement se complexifient à l’extrême, y compris pour des emplois précaires payés au lance-pierre. Voilà un environnement «euphorisant» qui découragera même les plus vaillants d’entre nous.
Bon Courage !
Yves Barraud
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