Afin d'apaiser les incertitudes qui, chaque année en novembre, agitent ses bénéficiaires potentiels et les collectifs qui les défendent, le gouvernement a décidé d'intégrer désormais la prime de Noël aux projets de loi de Finances. Pour assurer son financement, jusqu'ici erratique, il a choisi d'en confier la gestion exclusive au Fonds national des solidarités actives (FNSA) via un budget supplémentaire qui sera dégagé par l'augmentation de 0,35 point de la taxe sur les revenus du capital : la contribution sociale additionnelle sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, communément appelée "taxe RSA", passera de 1,1% à 1,45%.
Il est important de souligner que le Fonds national des solidarités actives, créé en 2009 pour financer notamment le RSA "activité" ou le RSA "jeunes" — des prestations qui ne "décollent" pas… —, est excédentaire depuis sa mise en place (+1,3 milliard fin 2010, +476 millions fin 2011…) et que le renouvellement de la prime de Noël a toujours été un faux suspense, celle-ci ne coûtant au total que 400 millions d'euros distribués à 1,7 million de démunis.
En comparaison, bien qu'abrogé depuis un an et demi, le bouclier fiscal a coûté 735 millions à l'Etat en 2011, profitant à une poignée de 13.034 nantis, et devrait coûter encore 450 millions cette année tandis que l'ISF rapportera 462 millions d'euros de moins. Aujourd'hui au pouvoir, le gouvernement "socialiste" se plaint des sommes que le Trésor doit aux plus riches, mais continue à les payer rubis sur l'ongle sans envisager un seul instant de prendre une mesure d'urgence, simple et de bon sens : l'arrêt immédiat de ces remboursements scandaleux.
La charité au rabais
Donc, plus de souci à se faire : grâce au nouveau gouvernement, le versement annuel de la prime de Noël est pérennisé sur la mandature. Mais son montant reste inchangé. Et on rappelle en passant que les chômeurs à l'ASS perçoivent invariablement le minimum de 152,45 € car la composition de leur foyer n'est pas prise en compte, contrairement aux allocataires du RSA "socle". Mais si, parmi ces derniers, certains ont un peu travaillé et que la somme de leurs revenus dépasse le montant de leur RSA, la prime leur est sucrée, ce qui n'est pas le cas des allocataires de l'ASS exerçant un petit boulot. Comme toujours, selon le bon vieux principe du "diviser pour mieux régner", aucune homogénéité n'est recherchée.
La prime de Noël a été attribuée pour la première fois en 1998 par le gouvernement Jospin sous la pression de mouvements de chômeurs. Au début, elle était ouverte à tous les privés d'emploi. Puis elle a été rapidement restreinte aux plus pauvres d'entre eux, allocataires de minima sociaux comme l'ASS ou le RMI, répertoriés en tant que tels à l'Assedic ou à la CAF le mois précédant son virement — à signaler que celui-ci est toujours effectué à la dernière minute (aux alentours du 20 décembre) et que cette somme, censée permettre d'affronter un peu plus dignement les fêtes de fin d'année, sert pour beaucoup à payer des arriérés de factures...
Quand on est très pauvre, Noël renforce le sentiment d'exclusion et n'inspire plus grand chose, sinon de la tristesse. Comble de l'ironie, depuis 14 ans, alors que le coût de la vie a explosé, cette prime n'a jamais été revalorisée. Paradoxalement, seul Nicolas Sarkozy avait fait un geste fin 2008, la portant «exceptionnellement» à 220 € pour une personne seule afin de «compenser le retard» sur l'inflation. Mais ensuite, plus rien. Les associations de chômeurs continuent de réclamer son augmentation ainsi que l'élargissement du champ de ses bénéficiaires : en vain.
Si 1.000 francs représentaient encore quelque chose en 2000, douze ans après, 152 € n'est plus qu'une somme dérisoire. Le gouvernement "socialiste" a certes pérennisé l'aumône, mais il garde les yeux fermés sur la flambée des prix et du coût des charges incompressibles qui frappent durement les plus pauvres. Peut-être ne souhaite-t-il pas fâcher cette partie de l'opinion qui pense toujours que les chômeurs en fin de droits sont des bienheureux, et déploie une mesquinerie impressionnante à l'évocation du versement de cette prime — exemple ici en commentaires.
SH
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