Cette enquête a été «réalisée entre le 19 février et le 6 mars 2007 auprès d'un échantillon représentatif de 1.347 salariés des secteurs privé et public travaillant dans des entreprises et établissements de toutes tailles» : il s'agit bien d'un panel exclusif d'individus ayant un emploi et qui placent le pouvoir d'achat (39%) puis la lutte contre le chômage (34%) en tête des motivations de leur vote à l'élection présidentielle.
Dans le détail, 72% se disent "plutôt ou très optimistes" pour l'avenir de leur entreprise, et 68% "plutôt ou très optimistes" pour l'avenir de leur emploi actuel : les licenciements massifs qui continuent de faire l'actualité ne les touchent visiblement pas. Ils sont même 58% à se dire "plutôt ou très optimistes" quant à leur capacité à retrouver un emploi s'ils devaient perdre le leur : on voit que la propagande sur la baisse du chômage a bien fonctionné, et qu'ils ignorent à quel point la précarisation du marché du travail a gagné du terrain.
Dans la foulée, ils sont 66% à penser qu'un renforcement du contrôle des chômeurs et des règles d'indemnisation plus rigoureuses permettraient "de réduire significativement le chômage", 71% "d'accélérer le retour à l'emploi pour un chômeur", et 74% "de réduire les dépenses d'indemnisation du chômage" : on voit que leur méconnaissance du sujet est réelle et que dans leurs têtes, puisque le chômage baisse, il faut maintenir la pression sur ses victimes, toutes paresseuses et profiteuses. En guise de lutte contre le chômage, on songe avant tout à lutter contre les chômeurs sans s'interroger sur la faiblesse des créations d'emplois dignes de ce nom... C'est pourtant le meilleur moyen d'éradiquer le phénomène, n'est-ce pas ?
La dernière enquête du genre, publiée en juillet 2005 et commanditée par l'Unedic, émanait du CRÉDOC. La critique du système et de ses "effets déresponsabilisants" y allait bon train :
• 72% des personnes interrogées se disaient plutôt favorables à la suppression des allocations chômage "aux chômeurs qui, au bout d'un certain nombre de mois, refusent un emploi moins qualifié ou moins rémunéré que celui qu'ils cherchent" (ils étaient 70% en 2004)
• 70% affirmaient que "si la plupart des chômeurs le voulaient vraiment, beaucoup pourraient retrouver un emploi" (contre 67% en 2004)
• 43% jugeaient préférable de "raccourcir la durée de versement des indemnités chômage"...
Dont acte : le décret sur le contrôle des chômeurs est passé le mois suivant (avec ses conséquences statistiques et humaines) puis, en décembre, les négociations sur la nouvelle convention d'assurance-chômage ont abouti au raccourcissement des durées d'indemnisation (actuellement, plus d'un chômeur sur deux n'est pas indemnisé). A l'époque Jean-Claude Quentin, représentant FO à l'Unedic, avait sévèrement critiqué cette étude : «A partir d'une connaissance relativement limitée de l'assurance-chômage par nos concitoyens, on suscite des réactions populistes qui stigmatisent les demandeurs d'emploi.»
Aujourd'hui, par ces dispositions drastiques qui ont abondé dans le sens de "l'opinion publique", le chômage aurait diminué et les comptes de l'Unedic se redresseraient. Mais dans l'esprit des gens, le chômeur reste une bête noire responsable de sa situation, et qui doit accepter ce que ces travailleurs n'accepteraient même pas pour eux-mêmes. Voyez-vous, c'est ça, la "rupture".
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