Le bilan des cinq dernières années, avec moins de 500.000 emplois créés, devrait inciter les prétendants à l'Elysée à la prudence. En avril 2002, Lionel Jospin s'était présenté au scrutin présidentiel en revendiquant la création de quelque 1.800.000 emplois en cinq ans, mais il avait été éliminé au premier tour.
En 2006 la France a créé, avec une croissance faible de 2,1%, quelque 200.000 emplois. Parallèlement, le nombre de chômeurs s'est établi à moins de 9% (8,9 % en juillet 2006), record dont s'est enorgueilli le gouvernement de Dominique de Villepin. Le taux de 8,4%, atteint fin février 2007, lui a permis de se prévaloir d'un précédent qui remonte à juin 1983. Mais ce bilan est contesté par l'institut européen Eurostat et par l'INSEE, qui a décidé d'attendre la correction de sa propre enquête emploi et retardé la publication des données définitives de l'année 2006, à cet automne, afin de laisser passer l'échéance électorale. Opposition et syndicats ne se sont pas privés de dénoncer ce flou statistique.
Pour relancer l'emploi, le gouvernement a choisi de renouer avec une politique de contrats aidés, avec l'adoption de la loi de cohésion sociale de janvier 2005 et une batterie de mesures destinées au secteur public comme au secteur marchand. Non sans avoir supprimé en 2002, pour des raisons plus idéologiques qu'économiques, les emplois-jeunes alors que l'activité ralentissait. La multiplication des contrats aidés a été critiquée par la Cour des Comptes, qui soulignait la "succession rapide des lois et décrets et l'empilement des circulaires".
A Matignon, en 2005, M. de Villepin avait imaginé de nouveaux contrats afin de faciliter l'embauche, en assouplissant le droit du travail (avec notamment une période d'essai de deux ans). Ce fut d'abord le contrat nouvelles embauches (CNE), créateur selon le premier ministre de "240.000 emplois" - la gauche le supprimerait en cas de victoire -, puis le contrat première embauche (CPE) destiné aux jeunes, sur le modèle du CNE. Adopté par l'Assemblée nationale, le CPE a été suspendu à la demande de Jacques Chirac en avril 2006, compte tenu de la contestation qu'il avait suscitée chez les jeunes et dans les rangs syndicaux.
Hormis le développement des contrats d'avenir, de mesures en faveur de l'apprentissage et la forte croissance des services à la personne, la politique de l'emploi est donc restée modeste. Les nouvelles règles d'indemnisation du chômage et une politique "volontariste" d'accompagnement du demandeur d'emploi ont certes contribué à la diminution du nombre de chômeurs, mais, au-delà de cette baisse qui, selon le ministère de l'emploi, a touché toutes les catégories, le chômage des jeunes reste l'un des plus élevés d'Europe.
Enfin, malgré une politique volontariste en matière d'emploi des seniors fondée sur un accord conclu en mars 2006, les plus de 50 ans restent la variable d'ajustement de la gestion de l'emploi dans l'entreprise. Résultat ? Le taux d'emploi des 55-64 ans en France est l'un des plus faibles de l'Union européenne avec 37,9%. Bref, les deux extrêmes du marché du travail sont particulièrement touchés.
Au-delà de la polémique sur la baisse du chômage, les candidats dénoncent la qualité insuffisante des nouveaux emplois proposés et la précarité (contrats courts, temps partiel contraint, etc). La nature du contrat de travail, qui doit être "unique" pour Nicolas Sarkozy, à durée indéterminée en règle générale pour les candidats de gauche, est au cœur du débat. Comme la politique d'exonération de cotisations patronales pour les entreprises dont l'effet sur la création d'emplois est toutefois mis en cause, notamment par la Cour des Comptes. Ségolène Royal entend conditionner les allégements de charges à l'engagement de sécuriser l'emploi et de stabiliser le contrat de travail. M. Sarkozy veut, quant à lui, défiscaliser les heures supplémentaires et les exonérer de charges sociales pour favoriser le "travailler plus". François Bayrou, lui, tient à offrir deux embauches nouvelles, presque sans charges, aux entreprises.
Cet arsenal de mesures masque surtout une relative impuissance à proposer des orientations industrielles et économiques susceptibles de répondre aux défis de la mondialisation, dans un cadre européen que les candidats évoquent peu. Délocalisations et rachats d'entreprises aidant, face à des scénarios qui alimentent les peurs sociales, les candidats s'accordent sur un point : la nécessité de développer une politique en faveur de l'innovation et de la recherche. En espérant que, d'ici à la prochaine échéance électorale, celle-ci débouche sur une politique de l'emploi offensive... et des résultats concrets.
(Source : Le Monde)
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