On le sait, la psychologie (nous dirons même la finesse intellectuelle) n'est pas le fort de Super-Sarko. D'un point de vue éducatif, cette décision laisse sceptique : en effet, comment des enfants de 9 ou 10 ans peuvent-ils intellectuellement appréhender la dimension d'un tel drame et, plus simplement, l'idée de la mort ? C'est plutôt à l'adolescence que le jugement se forge, qu'il devient alors possible d'analyser la Shoah dans toute son abomination et d'influer sur la mémoire collective en allant, au delà des événements, sur le terrain de la réflexion autour de la guerre en général, et le comportement humain en particulier. Car si de telles horreurs ont été commises - en Europe, mais aussi en Algérie, au Rwanda ou ailleurs… -, au delà de la responsabilité collective, c'est bien qu'il a fallu que des individus y participent, activement ou passivement.
Banalisation du mal et responsabilité individuelle
On conseillera donc à Nicolas Sarkozy de lire «La soumission à l'autorité» de Stanley Milgram. Peut-être aura-t-il envie que les élèves de seconde l'étudient. Car c'est le fondement même de ce que la philosophe Hannah Arendt appelait la banalisation du mal dans son livre «Eichmann à Jérusalem». Comment, déresponsabilisées par la présence d'une autorité quelconque (ici, un animateur en blouse blanche), des personnes sont-elles capables d'infliger sciemment des décharges électriques, dangereuses sinon mortelles, à d'autres êtres humains en guise de sanction ? Seulement 13% des participants ont arrêté l’expérience… à partir de 300 volts. Aucun, en son âme et conscience, n'a désobéi. 65% ont été jusqu'au maximum (450 volts), dont 2,5% sans hésitation aucune ! Là est la bête immonde qui sommeille en chacun de nous. En prendre conscience est absolument nécessaire, par exemple au collège. En mesurer la dimension doit ensuite s'effectuer à n'importe quel stade de l'âge adulte, notamment au travail.
La haine de l'autre, un levier indispensable
Pas de Shoah sans ses boucs émissaires, qu'ils soient juifs, handicapés, homosexuels ou communistes (… comme Guy Môquet !), accusés de tous les maux. Partout en Europe, le Juif était alors le bouc émissaire numéro un. Mais les boucs émissaires ont toujours servi de prétexte dans les conflits, qu'ils soient religieux ou politiques : leur seule existence justifie les actes tout en escamotant les véritables motifs.
Le bouc émissaire est un écran de fumée et sur ce point, Nicolas Sarkozy sait y faire. Nicolas Sarkozy, qui n'est décidément pas fortiche en ce qui concerne le devoir de mémoire qu'il préconise pour les autres : atteint d'Alzheimer, il a déjà oublié qu'il a abondamment agité ses propres boucs émissaires pour se faire élire par un bon peuple dressé - entre autres - contre les chômeurs profiteurs, les immigrés clandestins, les racailles de banlieue, etc. Même Simone Veil, rescapée d'Auschwitz, a collaboré avec lui en fustigeant les RMIstes et autres «assistés» devant des milliers d'UMPistes exaltés, le 29 avril 2007 à Bercy... Alors, que dire du contrôleur social qui, en guise de sanction, ose amputer de 20% pendant deux mois la misérable allocation d'un privé d'emploi à l'ASS sans s'émouvoir des conséquences de son «obéissance aux ordres» sur les conditions de vie de l'être humain démuni qu'il a en face de lui ?
Le bon Dieu a bon dos
Féru d'émotions à faire partager au bon peuple au lieu d'analyses profondes et pertinentes, on sait que Nicolas Sarkozy se veut défenseur des victimes mais, attention, pas n'importe lesquelles… juste celles qu'il peut instrumentaliser. Car les victimes du libéralisme économique dont il est le chantre, s'il ne les utilise pas dans un but démagogique comme les futurs chômeurs d'ArcelorMittal à Gandrange, n'ont droit qu'à son mépris et à son arsenal répressif.
Nicolas Sarkozy, qui loue Dieu et invoque sa «redoutable absence» lors du «drame du XXe siècle», occulte le fait que n'est pas l'absence de Dieu qui a permis au fascisme d'envahir l'Europe, bien au contraire : en Italie ou en Espagne, l'Eglise était plus que présente aux côtés de Franco et de Mussolini. Comme toujours, elle s'est mise du côté des oppresseurs et a fermé les yeux sur leurs agissements. Ce catholique revendiqué est un homme redoutable qui brouille les cartes, use de simplismes et de formules marketing pour nous éloigner des réalités. Il ne vaut pas mieux que ceux qui vont à la messe le dimanche et dénigrent les pauvres le reste de la semaine.
=> FINALEMENT, la lubie présidentielle n'aura vécu que 15 jours, le temps de faire parler : jeudi 28 février, la mission ministérielle qui planchait sur ce projet l'a jugé «inapplicable» et donc retoqué. LIRE ICI…
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