Tout le monde au turbin, même celles et ceux qui, chaque jour, sont foutus à la porte des entreprises à cause de leur âge ou se voient refuser un poste… pour la même raison. Dans l’esprit de la majorité au pouvoir, une fois de plus, ce sont les victimes du système qui endossent l’entière responsabilité de leur situation… ô combien enviable. Après les chômeurs de tous âges qui refusent en bloc et massivement les offres «valables» qu’on leur fait et qu’il est grand temps d’obliger à accepter le premier job venu, ce sont les «vieux» chômeurs, ces fainéants, qui devront se bouger les fesses pour retrouver du travail après 57 ans et demi.
La mal nommée «DRE»
Les seniors «doivent pouvoir chercher du travail» a affirmé la ministre de l'Emploi, «parce que tout simplement on est dans un monde qui vieillit mieux, qui vieillit bien et qui va travailler plus longtemps». Donc, dans l’esprit de nos gouvernants aussi privilégiés qu’ignares, si ces «vieux» chômeurs ne travaillent plus, ce n’est pas parce que les entreprises ne veulent plus d’eux, non... C’est parce qu’ils sont «dispensés de recherche d’emploi» et qu'ils se la coulent douce en attendant la retraite. Ben voyons ! Christine Lagarde ignore que la DRE est en réalité une dispense de pointage mensuel et de suivi ANPE, pas de recherche : ainsi, beaucoup de «dispensés» - qui n'ont jamais compté sur l'ANPE et refusent de se résigner - continuent à postuler. En vain. Mais ils le font !
Les «vieux» contrôlés… et sanctionnés
Et c’est ainsi qu'une ministre dilettante justifie son salaire (mais elle n'est pas la seule : Laurence Parisot semble ignorer tout autant ce qu'est la DRE). Et c’est ainsi qu’on inverse les responsabilités, en dédouanant les employeurs et en culpabilisant les chômeurs. Elle est pas belle la vie ? Ne nous faisons aucune illusion : la suppression de la DRE s’accompagnera immanquablement, pour les «vieux» chômeurs, du contrôle de leurs recherches forcément infructueuses, de harcèlement et de sanctions s’ils ne mettent pas assez de cœur à retrouver le chemin de l’usine, de l’atelier ou du bureau, voire de radiation (avec suppression des allocations) si ces odieux récalcitrants se découragent.
Les discriminations toujours impunies
Et pour les entreprises qui pratiquent ouvertement ou de façon déguisée la discrimination à l’embauche sur des critères d’âge, quelle sanction est prévue par madame Lagarde ? Aucune !!! Et nous sommes bien placés pour en parler, ici sur Actuchomage, nous qui avons porté plainte en 2005 contre 40 entreprises pour cette raison. Alors que nos plaintes, soutenues par la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), étaient fondées sur des preuves IRRÉFUTABLES (des offres d'emplois laissant apparaître des critères d'âge prohibés par le Code pénal et le Code du travail), 90% d’entre elles ont été classées sans suite, notamment par le Procureur de la République de Paris. Seules quatre entreprises ont été poursuivies et condamnées en 2007 : lire en commentaire...
Une fin de vie professionnelle réjouissante !
Une précision quand même. Christine Lagarde assure que la mesure ne sera pas rétroactive : les chômeurs qui bénéficient actuellement de cette dispense ne seront pas concernés (les petits veinards !). S'il passe, son projet de loi n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2009. Seuls les «nouveaux arrivants» âgés de plus de 55 ans ou 57 ans et demi seront soumis à la double peine : celle de se retrouver au chômage, et dans l’obligation de rendre des comptes sur la quête de cet emploi qu’on leur refuse en raison de leur âge. Voilà une fin de vie professionnelle qui promet d’être réjouissante ! Sans parler de l'espoir compromis de toucher une retraite à taux plein.
383.000 DRE non comptabilisés dans les chiffres officiels
Pas folle, la guêpe. L'Unedic recense 383.117 DRE au 31 décembre 2007 : ces privés d'emploi ne sont nullement inclus dans les statistiques servies chaque fin de mois aux médias. Lagarde va donc bien se garder de faire basculer du jour au lendemain tous ces chômeurs âgés en catégorie 1, le baromètre officiel du chômage en France. Ils resteront dans l'ombre, puisque la mesure n'est pas rétroactive et que seuls les nouveaux seront concernés !
Pas folle car, du jour au lendemain, le chômage augmenterait de près de 20% !!! Ce qui aurait un effet catastrophique sur l'opinion qui, évidemment, ignore que ces 383.000 personnes sont escamotées des chiffres officiels et pense que «le chômage baisse». Le tour est joué !
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