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Mais, mardi matin, tandis qu'il paradait à Rungis puis pérorait sur RTL, glissant tout de même qu'il fallait faire sauter «tous les verrous qui empêchaient les Français de travailler», Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer le contenu de l'avant-projet de loi sur la démocratie sociale que son ministre du Travail Xavier Bertrand a transmis le soir-même aux partenaires sociaux : le second volet du texte, réécrit en catimini par le gouvernement en dépit de l'avertissement solennel des leaders de la CGT et de la CFDT, autorise bel et bien les patrons à négocier le temps de travail avec leurs salariés ainsi que le dépassement du contingent d'heures supplémentaires et les repos compensateurs, mettant à bas le principe d'une durée légale du travail identique pour tous et réduisant le dispositif TEPA à un gadget à géométrie variable...
Conception élyséenne du dialogue social. A la base, ce projet de loi sur la démocratie sociale devait concrétiser la «position commune» adoptée à l'issue des négociations sur la réforme des règles de la représentativité syndicale et de la validation des accords collectifs, paraphée le mois dernier par la CGT, la CFDT, le Medef et la CGPME. Nicolas Sarkozy s'était alors grandement félicité de l'accord obtenu. L'occasion, selon le président, de «poser les bases d'une réforme en profondeur des relations sociales dans notre pays»... Et, à l'époque, le porte-parole de la LCR Olivier Besancenot avait dénoncé un «piège» tendu par Nicolas Sarkozy «pour faire passer (ses) réformes» : ce passage en force prouve qu'il avait vu juste.
Un procédé aussi habile que malhonnête. Aujourd'hui, Xavier Bertrand accuse les partenaires sociaux de n'avoir pas «voulu réellement se saisir de la question du temps de travail», qui ne faisait l'objet que d'un article et dont les dispositions devaient être fixées «à titre expérimental». «Nous avions prévenu les partenaires sociaux que nous irions plus loin que leur position commune et, aujourd'hui, nous l'assumons pleinement», justifie le ministre. Son texte renvoie à la négociation d'entreprise - ou à des accords de branche - non seulement les modalités de dépassement des heures supplémentaires, mais aussi la fixation de ce contingent et le repos compensateur octroyé pour les heures sup’ effectuées au-delà. Ainsi, Xavier Bertrand estime que ses retouches permettront de «sortir définitivement du carcan des 35 heures», pourtant défendues par le chef de l'Etat.
Le doigt dans l'engrenage. Xavier Bertrand doit désormais rencontrer tous les syndicats d'ici à demain soir pour discuter de la rédaction finale du texte, qui sera arrêté ce week-end puis présenté en Conseil des ministres le 11 ou le 18 juin, en vue d'une première lecture au Parlement avant la mi-juillet. Vu les méthodes de ce gouvernement, on ne prend aucun risque à affirmer que ces ultimes discussions, volontairement organisées dans la précipitation, n'auront qu'une valeur consultative. La stratégie de l'épuisement opère : hier, la CGT a refusé l'invitation. «C'est une imposture. [...] Nous n'allons pas renégocier avec le gouvernement ce que nous avons déjà négocié avec le patronat», a fulminé le syndicat.
Jacques Voisin, le secrétaire général de la CFTC qui, à l'instar de FO et de la CFE-CGC, a refusé de signer la «position commune», regrette que «la CGT et la CFDT aient mis le doigt dans l'engrenage en signant ce texte. [...] Il ne faut donc pas s'étonner maintenant si le ministre reprend la règle générale pour conclure un accord sur le temps de travail. [...] Il ne fallait surtout pas laisser passer ce texte».
Un bras de fer se dessine. «Nicolas Sarkozy a menti en disant la main sur le cœur qu'il ne toucherait pas à la durée légale du travail en France», a accusé Jean-Marc Ayrault, le président du groupe PS à l'Assemblée, prévenant qu’«au point où les choses vont, il n'y aura plus de protection des salariés, et il y aura une très grande disparité d'une entreprise à une autre». Le député socialiste des Landes Henri Emmanuelli dénonce un avant-projet de loi qui va «instaurer une flexibilité quasi-totale» : du fait de l'absence de syndicats dans la majorité des entreprises, «le rapport de force est indubitablement en faveur de l'employeur», a-t-il averti.
Pour les syndicats, il faut «se préparer à un conflit majeur». Même Laurence Parisot a fait mine de s'indigner en prônant la stricte application de l'accord du 9 avril qui «exclut toute autre position qu'un dépassement à certaines conditions du contingent annuel d'heures supplémentaires».
La guerre des 35 heures est bel et bien déclarée. Quant à la duplicité du chef de l'Etat - dont nous savions déjà qu'il était un menteur patenté -, avec cette cerise sur le gâteau, elle ne fait plus aucun doute !
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Commentaires
Quelle a été votre réaction en découvrant l’avant-projet de loi gouvernemental sur la démocratie sociale ?
Ce texte est à la fois malhonnête et inacceptable. Il est malhonnête sur la méthode, parce que c’est un projet de loi qui traite de deux sujets qui n’ont rien à voir entre eux. Sur la représentativit é syndicale, il reprend la position commune que nous avons négociée et cosignée avec la CFDT. Et à côté, le gouvernement glisse un autre texte qui consiste à balayer toute la législation sur le temps de travail, en laissant chaque entreprise s’organiser à sa guise. Cela va bien au-delà des 35 heures. Je le redis : la méthode est malhonnête et le contenu inacceptable.
La position commune signée par la CGT et la CFDT comportait bien un article qui ouvrait une possibilité d’accord sur les 35 heures…
Après de longues discussions, nous étions parvenus à un accord avec le Medef et la CGPME. Il porte sur une seule disposition, limitée et très encadrée. Nous avons accepté, ce qui était de notre part une concession importante, que l’on puisse déroger au principe du contingent d’heures supplémentaires dans le cadre d’un accord d’entreprise majoritaire. Mais à deux conditions : que ce soit à titre expérimental, et que cela s’inscrive dans un accord signé par des syndicats représentant une majorité de salariés. La CFDT, la CGT, le Medef et la CGPME ont dit : «Nous sommes d’accord pour ouvrir cette possibilité». Et que fait le gouvernement ? Il dit : «Ce n’est pas cela que nous attendions, alors nous n’allons pas tenir compte de ce que vous avez signé : nous allons mettre dans la loi ce que nous voulons». Et il renvoie au niveau de l’entreprise l’essentiel de la législation sur le temps de travail.
Qu’est-ce que ça change ?
Ce ne sont pas seulement des droits sociaux qui sont mis en cause : cela change aussi les rapports des entreprises entre elles. Nous risquons d’être confrontés à une escalade dans le moins-disant social : au sein d’une même branche d’activité, cela sera à celle qui fera le plus travailler en payant le moins d’heures sup’ possible et en supprimant les repos compensateurs.
Une des mesures les plus dangereuses est la généralisation des forfaits en jour ou en heures, limités jusqu’ici aux cadres ou aux professions itinérantes. Le texte permet d’imposer systématiquemen t des forfaits jour à tous les salariés, en totale contradiction avec les objectifs annoncés par le gouvernement sur la réforme des heures supplémentaires . Les entreprises pourront faire travailler pendant des mois bien au-delà de la durée légale à laquelle on prétend ne pas toucher, sans payer d’heures supplémentaires . Est-ce cela que veut le gouvernement ? C’est de cette façon qu’il répond aux attentes sur le pouvoir d’achat ? Tout ce qu’il va faire, c’est accentuer la flexibilité des horaires pour chaque entreprise, et chaque salarié.
Pourquoi le gouvernement fait-il cela ?
Nous sommes victimes des batailles internes de l’UMP. C’est aussi un règlement de comptes idéologique avec la gauche. Et ce sont les salariés qui vont en faire les frais.
Que compte faire la CGT pour s’opposer à ce projet ?
Dès ce soir, nous nous réunissons avec l’ensemble des syndicats pour décider des suites à donner à la mobilisation du 22 mai sur les retraites. La CGT va proposer que l’on organise très vite une protestation contre cette remise en cause totale de la réglementation sur le temps de travail. Il faut agir vite : le gouvernement veut faire voter ce texte fin juillet. C’est une très curieuse conception de la démocratie sociale. Pour des raisons idéologiques, il essaie de nous mettre devant le fait accompli. Nous ne l’accepterons pas.
(Source : Libération) Répondre | Répondre avec citation |
Xavier Bertrand a réécrit à sa sauce l'accord sur la représentativit é syndicale signé par les partenaires sociaux en y ajoutant un "complément" qui, à la base, n'a rien à voir avec le sujet principal. Ainsi, il procède comme les députés UMP qui usent et abusent de «cavaliers parlementaires» , c'est-à-dire de mesures sans rapport avec l’objet de la loi examinée, la plupart introduites par amendement et votées, au nom de l'urgence, sans concertation.
Un procédé aussi malhonnête qu'anti-démocratique dont raffole le gouvernement.
=> QUELQUES EXEMPLES RÉCENTS… Répondre | Répondre avec citation |
"Quand vous ne voulez pas qu'une porte s'ouvre, il faut pas l'entrouvrir. La porte est entrouverte et le gouvernement ouvre complètement la porte", a déclaré Jean-Claude Mailly ce matin sur France Inter. "Ils peuvent retirer leurs signatures, ça règlera le problème. A eux de prendre leurs responsabilités ", a dit le secrétaire général de FO.
"Pour sauver les 35 heures, la seule manière, c'est que la CGT et la CFDT retirent leur signature de la position commune. C'est la seule solution", a confirmé peu après Jacques Voisin. Le président de la CFTC a par ailleurs indiqué que son organisation, également non-signataire de la "position commune", ne participerait pas à la réunion intersyndicale prévue dans la soirée…
35 heures, retraites : les divergences s'installent
"On apprend que la question essentielle ce soir sera celle des 35 heures. Or l'intersyndicale était consacrée à la mobilisation autour des retraites, et nous ne voulons pas masquer la question des retraites derrière celle des 35 heures", a-t-il expliqué.
Effectivement, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault avait déclaré mercredi soir sa volonté "d’inscrire dans les motifs de mobilisation de la prochaine initiative (sur les retraites) la contestation du projet de loi" sur le temps de travail dérivé de la "position commune" sur la représentativit é signé par deux syndicats (CGT, CFDT) et deux organisations patronales (Medef, CGPME).
Si FO et la CFTC ont le mérite d'avoir flairé le piège, ce n'est pourtant pas le moment de tergiverser ! Après que les uns soient tombés dans le panneau du gouvernement, les autres vont-ils maintenant tomber dans celui de la division ? Répondre | Répondre avec citation |
Dans un communiqué diffusé jeudi, l'UPA dit constater "avec satisfaction que le texte donne enfin une suite positive" à sa "demande récurrente d'organiser un dialogue social adapté aux petites entreprises". Elle salue "la volonté du gouvernement de donner aux représentants des employeurs et des salariés la possibilité d'adapter par la négociation la réglementation en matière de temps de travail".
De son côté, dans un communiqué également diffusé jeudi, la CGPME "approuve l'avant-projet de texte sur le temps de travail qui concilie le maintien de la durée légale de 35 heures avec les besoins réels des entreprises. (…) Assouplir les contingents d'heures supplémentaires , c'est donner davantage de souplesse pour organiser le temps de travail en fonction des attentes réciproques de l'entreprise et des salariés. C'est aller dans le sens de la liberté et de la responsabilité de toutes les parties prenantes de l'entreprise".
La confédération demande au gouvernement qu’"en l'absence de délégué syndical ou de représentants élus du personnel, les nouvelles dispositions ayant trait à l'organisation du temps de travail et en particulier celles sur le contingent d'heures supplémentaires , puissent être approuvées par référendum".
Plus ambiguë, la présidente du Mouvement des entreprise de France (Medef) Laurence Parisot a demandé mercredi sur LCI de "respecter le travail que nous faisons entre partenaires sociaux", en particulier les dispositions de la position commune. Mais elle rappelait dans le même temps que le Medef souhaite que soit "abandonnée la durée légale du travail pour définir la durée du travail entreprise par entreprise par accord entre représentants du personnel et direction de l'entreprise"… Répondre | Répondre avec citation |
(…) En usant de cet argument mensonger (les 500.000 emplois non pourvus), le gouvernement et le patronat préparent l’opinion publique à une dérèglementatio n généralisée du marché du travail (déjà en cours).
Derrière la guerre déclarée aux chômeurs qui «refuseraient des emplois disponibles» se cache deux objectifs : déréglementer la durée du temps de travail (qui pourrait être négociée directement entre employeurs et salariés, comme l’a récemment envisagé le Premier ministre) et, à terme, supprimer les «salaires minimums».
On fait le pari ?
+++++++++++++++ ++++
Pari gagné concernant la suppression - à terme - des 35h !
Et à la rentrée prochaine, ça sera au tour du SMIC.
On fait le pari ? Répondre | Répondre avec citation |
"On a dit aux syndicats et à l'ensemble des partenaires sociaux : Si vous arrivez à un accord satisfaisant, nous le soutiendrons et il deviendra la loi", a-t-il souligné. Les syndicats "ont de bonne foi fait un pas important et notable dans le sens d'un assouplissement ", a-t-il ajouté. "A ce moment-là, on les piège et on leur dit : Vous avez mis le petit doigt dans la mécanique et on va y passer le bras".
"C'est quelque chose qui restera à mon sens comme une des erreurs principales des douze ou treize mois de nouvelle législature", a jugé M. Bayrou sur LCI. "C'est une faute contre la confiance" et "probablement un moment de tournant, de bascule grave dont il sortira des choses qui ne sont pas favorables pour la société française", a-t-il estimé.
(Source : 20 Minutes) Répondre | Répondre avec citation |