La semaine précédente, il avait même désavoué le secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, qui avait demandé «le démantèlement définitif du dispositif des 35 heures».
Mais, mardi matin, tandis qu'il paradait à Rungis puis pérorait sur RTL, glissant tout de même qu'il fallait faire sauter «tous les verrous qui empêchaient les Français de travailler», Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer le contenu de l'avant-projet de loi sur la démocratie sociale que son ministre du Travail Xavier Bertrand a transmis le soir-même aux partenaires sociaux : le second volet du texte, réécrit en catimini par le gouvernement en dépit de l'avertissement solennel des leaders de la CGT et de la CFDT, autorise bel et bien les patrons à négocier le temps de travail avec leurs salariés ainsi que le dépassement du contingent d'heures supplémentaires et les repos compensateurs, mettant à bas le principe d'une durée légale du travail identique pour tous et réduisant le dispositif TEPA à un gadget à géométrie variable...
Conception élyséenne du dialogue social. A la base, ce projet de loi sur la démocratie sociale devait concrétiser la «position commune» adoptée à l'issue des négociations sur la réforme des règles de la représentativité syndicale et de la validation des accords collectifs, paraphée le mois dernier par la CGT, la CFDT, le Medef et la CGPME. Nicolas Sarkozy s'était alors grandement félicité de l'accord obtenu. L'occasion, selon le président, de «poser les bases d'une réforme en profondeur des relations sociales dans notre pays»... Et, à l'époque, le porte-parole de la LCR Olivier Besancenot avait dénoncé un «piège» tendu par Nicolas Sarkozy «pour faire passer (ses) réformes» : ce passage en force prouve qu'il avait vu juste.
Un procédé aussi habile que malhonnête. Aujourd'hui, Xavier Bertrand accuse les partenaires sociaux de n'avoir pas «voulu réellement se saisir de la question du temps de travail», qui ne faisait l'objet que d'un article et dont les dispositions devaient être fixées «à titre expérimental». «Nous avions prévenu les partenaires sociaux que nous irions plus loin que leur position commune et, aujourd'hui, nous l'assumons pleinement», justifie le ministre. Son texte renvoie à la négociation d'entreprise - ou à des accords de branche - non seulement les modalités de dépassement des heures supplémentaires, mais aussi la fixation de ce contingent et le repos compensateur octroyé pour les heures sup’ effectuées au-delà. Ainsi, Xavier Bertrand estime que ses retouches permettront de «sortir définitivement du carcan des 35 heures», pourtant défendues par le chef de l'Etat.
Le doigt dans l'engrenage. Xavier Bertrand doit désormais rencontrer tous les syndicats d'ici à demain soir pour discuter de la rédaction finale du texte, qui sera arrêté ce week-end puis présenté en Conseil des ministres le 11 ou le 18 juin, en vue d'une première lecture au Parlement avant la mi-juillet. Vu les méthodes de ce gouvernement, on ne prend aucun risque à affirmer que ces ultimes discussions, volontairement organisées dans la précipitation, n'auront qu'une valeur consultative. La stratégie de l'épuisement opère : hier, la CGT a refusé l'invitation. «C'est une imposture. [...] Nous n'allons pas renégocier avec le gouvernement ce que nous avons déjà négocié avec le patronat», a fulminé le syndicat.
Jacques Voisin, le secrétaire général de la CFTC qui, à l'instar de FO et de la CFE-CGC, a refusé de signer la «position commune», regrette que «la CGT et la CFDT aient mis le doigt dans l'engrenage en signant ce texte. [...] Il ne faut donc pas s'étonner maintenant si le ministre reprend la règle générale pour conclure un accord sur le temps de travail. [...] Il ne fallait surtout pas laisser passer ce texte».
Un bras de fer se dessine. «Nicolas Sarkozy a menti en disant la main sur le cœur qu'il ne toucherait pas à la durée légale du travail en France», a accusé Jean-Marc Ayrault, le président du groupe PS à l'Assemblée, prévenant qu’«au point où les choses vont, il n'y aura plus de protection des salariés, et il y aura une très grande disparité d'une entreprise à une autre». Le député socialiste des Landes Henri Emmanuelli dénonce un avant-projet de loi qui va «instaurer une flexibilité quasi-totale» : du fait de l'absence de syndicats dans la majorité des entreprises, «le rapport de force est indubitablement en faveur de l'employeur», a-t-il averti.
Pour les syndicats, il faut «se préparer à un conflit majeur». Même Laurence Parisot a fait mine de s'indigner en prônant la stricte application de l'accord du 9 avril qui «exclut toute autre position qu'un dépassement à certaines conditions du contingent annuel d'heures supplémentaires».
La guerre des 35 heures est bel et bien déclarée. Quant à la duplicité du chef de l'Etat - dont nous savions déjà qu'il était un menteur patenté -, avec cette cerise sur le gâteau, elle ne fait plus aucun doute !
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