Il y a peu, le successeur de Martin Hirsch, Marc-Philippe Daubresse, s'est réjoui d'un décollage de 2,7% du RSA "activité" en avril, y voyant une meilleure organisation des départements (???) et «le signe d'une reprise de l'activité ou d'un début de sortie de crise» (!?!). Ravi de constater que «les gens commencent à reprendre des petits boulots : des temps plein très faiblement rémunérés ou des temps partiel» (c'est vraiment formidable !), le ministre des Solidarités actives a confirmé qu'il présentera début juillet un plan de simplification du dispositif.
Dans la même veine, voici comment le Conseil général des Hauts-de-Seine, l'un des départements les plus riches de France, fait sa pub pour le RSA :
On croit rêver.
L'envers du décor est tout autre
Sur le forum du site Recours Radiation, voici, par exemple, le témoignage de cette allocataire qui, après avoir subi des brimades injustifiées, a vu son RSA suspendu sans sommation alors qu'elle a bien effectué les «actes positifs de recherche d'emploi» qu'on lui demandait. Privée de ressources, il ne lui reste plus qu'à saisir la commission de recours amiable... Les pressions/agressions de ce type, totalement iniques en cette période de crise où les gens ont bien du mal à payer leurs factures ou leurs loyers, sont de plus en plus nombreuses.
Du côté des départements, la colère monte. Depuis la décentralisation, l'État ne cesse de leur transférer des compétences supplémentaires sans leur assurer des ressources suffisantes. La semaine dernière, les 58 présidents des Conseils généraux de gauche ont adressé une lettre ouverte au président de la République afin de le prévenir qu'une trentaine d'entre eux — notamment les plus pauvres — ne seront bientôt «plus en situation d'honorer le paiement des aides sociales» (l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap et le RSA). En effet, celles-ci ont augmenté de 6,5% en un an tandis que les recettes, elles, continuent de fondre...
A l'instar de Pôle Emploi (dont la contribution promise en 2009 n'a pas été totalement versée) ou de la Sécurité sociale (une non-compensation de taxes ou d'exonérations de cotisations récurrente qui se chiffre par milliards chaque année), l'État fait aussi des économies sur le dos des départements : son retard s'élève à 2 milliards d’€ sur deux ans alors que la loi l'oblige à compenser le financement des aides sociales.
La fronde des élus
Pour protester contre ce désengagement de l'État et un fonctionnement «à l'aveugle», ils menacent de ne plus verser les allocations à la rentrée. «C’est une mesure forte, voire choquante, a admis le président du Conseil général du Gers. Mais nous voulons forcer le gouvernement à payer ses dettes.» Ainsi comptent-ils «alerter l'opinion publique sur la situation dramatique des départements», a expliqué le président de l'Association des départements de France (ADF), et exiger des mesures d'urgence de la part de l'État.
Claude Bartolone, président de la Seine-Saint-Denis, a engagé un bras de fer avec son préfet en faisant voter un budget de «révolte», volontairement déséquilibré. De même, les Côtes-d'Armor ont adopté un budget «insincère» constitué… de recettes virtuelles. Face à un «plan de rigueur à la grecque» pour la Saône-et-Loire et une faillite annoncée, Arnaud Montebourg a également menacé de ne plus payer si aucune mesure n'était prise : précurseur, il avait saisi le Conseil d'État — qui lui a donné raison — sur de nouvelles charges relatives à la petite enfance, encourageant ses homologues à faire de même. Dont acte : les départements envisagent de porter l'affaire devant le Conseil constitutionnel, au nom de la libre administration des collectivités locales.
Pas d'inquiétude !
Cette "grève du versement des allocs" ne fait pas l'unanimité à gauche, d'autant qu'elle comporte un risque majeur à neuf mois des élections cantonales. Mais, politiquement, c'est de bonne guerre ! Car il est clair que ce gouvernement, particulièrement impopulaire et discrédité, ne pourra laisser les Conseils généraux mettre leur menace à exécution, privant ainsi 1,777 million de foyers de tout minimum vital.
De toutes façons, c'est la Caisse d'allocations familiales qui verse le RSA, et si les départements cessent momentanément de lui rembourser des sommes elles-mêmes dues par l'État, la CAF — qui ne pipe mot pour l'instant sur ce conflit — continuera d'honorer ses prestations… en s'endettant. Ce qui, de nos jours, est d'une grande banalité !
SH
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«Le RSA n’a pas sorti de la précarité les personnes qui étaient au RMI. C’est un échec.»
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