«Nous devons apprendre à faire mieux avec moins» martelait Nicolas Hulot en introduction de son "Pacte écologique" publié à la veille des élections présidentielles de 2007.
Mais c’est le "Travailler plus pour gagner plus" (sous-entendu produire plus et consommer plus) de Nicolas Sarkozy qui l’a emporté.
Un an plus tard, dès 2008, la crise financière puis économique a mis un coup d’arrêt aux prétentions populistes d’un slogan qui n’a pas résisté à la dure réalité.
Par l’effet conjugué d’une concurrence acharnée avec les pays émergents et d’une amplification des délocalisations vers ces mêmes pays, les Européens dans leur ensemble travaillent moins et, en conséquence, gagnent moins.
En France, le chômage officiel (la catégorie A) s’est accru de 600.000 demandeurs d’emploi en 18 mois. Et les inscriptions à Pôle Emploi (toutes catégories confondues) ont augmenté d’un million de personnes.
Aujourd’hui, 4,5 millions de travailleurs au chômage ou en grande précarité professionnelle (près de 20% de la population active) disposent d’une capacité d’achat réduite — parfois à l’essentiel — et ne cotisent plus directement aux comptes sociaux : Assurance-maladie, Assurance-chômage, retraites...
La spirale infernale du surendettement s'en trouve démultipliée en France, et ailleurs aussi : en Grèce, en Espagne, en Grande-Bretagne… Quasiment partout en Europe.
Car la conséquence logique de la récession de 2009 est le creusement des déficits publics qu’on avait, un temps, occulté.
Il nous est revenu comme un boomerang, au moment où les analystes nous promettaient la reprise économique.
Depuis quelques mois, dans le sillage du gouvernement grec, tous les dirigeants européens adoptent des politiques de "rigueur" qui, partout, se traduisent par un gel des salaires (voire une baisse), une augmentation des impôts et des taxes, le non-renouvellement des fonctionnaires… et, accessoirement, un recul de l’âge de départ à la retraite (qui ne changera rien).
En d’autres termes, l’Europe institutionnalise une "décroissance" dont nos gouvernants n’osent pas prononcer le nom, comme ils se sont refusés longtemps à accepter celui de "rigueur".
Même si les prévisionnistes, dont on connaît la "pertinence" des projections, envisagent encore un taux de croissance du PIB de l’ordre de 1,4% pour la France, il ne suffira pas à enrayer la spirale décroissante.
Comment pourrait-il en être autrement ?
Avec des salaires bloqués, de nouveaux impôts, de nouvelles taxes, le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux, un chômage qui augmente (+50.000 demandeurs d’emploi en mai en France), des délocalisations qui se poursuivent et des dettes abyssales à rembourser, comment peut-on envisager un seul instant un retournement de tendance ? Du moins, à brève échéance.
IMPOSSIBLE !
Les dirigeants européens seraient donc bien inspirés de dire enfin la vérité à leurs concitoyens, pour les préparer à une échéance inéluctable et ainsi désamorcer l’embrasement social qui ne manquera pas d’accompagner une désillusion générale.
Nous n’allons pas faire mieux avec PLUS !
Nous devons, effectivement, apprendre à faire mieux avec MOINS.
C’est une véritable révolution qui s’annonce en Europe, quand d’autres continents vivent leur mutation industrielle et leur développement économique à grande échelle.
Ce constat cache-t-il l’acceptation du déclin ?
Certainement pas !
Nous ne devons accepter qu'une chose : la réalité.
Nous sommes 7 milliards d’êtres humains sur Terre (et probablement 9 milliards d’ici 25 ans).
Nous devons accepter le partage équitable de richesses aujourd’hui contingentées et qui seront de plus en plus limitées — matières premières, énergies fossiles, eau, ressources halieutiques… — entre un nombre croissant d’individus qui, tous, aspirent à vivre dignement.
Pendant des siècles, l’Europe a dominé le monde. Pas uniquement à visées économiques. Mais aussi dans les domaines scientifiques et culturels.
Il revient à l’Europe, aujourd’hui, de tracer la voie d’un développement plus raisonnable, plus respectueux de l’environnement et, surtout, de l’Être humain.
C’est cette voie que nous empruntons aujourd’hui, contraints et forcés.
Nous devons pourtant l’assumer, la revendiquer même. Faute de quoi, l’Europe s’effondrera face à cette concurrence exacerbée qu’elle a elle-même créée et nourrie au sein d’un capitalisme qui a muté depuis en ultralibéralisme.
Si le "partage" ne devient pas la valeur refondatrice de l'Europe, elle ne survivra pas au système qu’elle a elle-même engendré et imposé au monde.
Yves Barraud
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