L'année dernière, face à l'explosion du chômage dans le cadre d'une fusion particulièrement inopportune, afin d'alléger les "portefeuilles" de conseillers ne pouvant suivre tous les nouveaux inscrits, la direction de Pôle Emploi a choisi d'intensifier son recours à des opérateurs privés de placement (OPP), bien que leurs performances soient inférieures et leur coût nettement plus élevé.
Ainsi, en juillet 2009, sans attendre le résultat d'un rapport commandé en vain pour l'occasion, il fut décidé que sur deux ans, 320.000 chômeurs seraient dirigés — souvent de manière contestable — vers ces prestataires — aux pratiques, elles aussi, souvent contestables — contre la modique somme de 425 millions d'euros.
Ces contrats d'accompagnement arrivant à échéance l'été prochain, afin d'équilibrer son budget, la direction de Pôle Emploi a annoncé qu'elle n'en renouvellera qu'un tiers : «Certains seront arrêtés à leur terme et d'autres maintenus pour une troisième année». Auront la primeur ceux «qui visent à prendre en charge les licenciés économiques». Le plus gros écrémage devrait concerner le programme "Trajectoire".
Par contre, les restrictions sur la maintenance des locaux et du matériel en agence (bornes internet, photocopieurs…), les fournitures (toner pour les imprimantes…) et, pire : le financement des formations (50% en moins dans certaines régions !) ont été passées sous silence. De cette manière, la suppression de 1.800 postes ne sera pas la seule source d'économies...
Le serpent qui se mord la queue
Problème : les conseillers, toujours aussi débordés et totalement enlisés dans une fusion kafkaïenne, devront reprendre le laborieux (voire impossible) "suivi mensuel personnalisé", puisqu'en 2011 le "lot" de chômeurs qui pourra être confié au privé se limitera à 80 ou 85.000 (alors qu'ils étaient 200.000 cette année).
Ce qui est amusant, c'est que Pôle Emploi va, à nouveau, procéder à une enquête quantitative et qualitative sur les résultats des 31 opérateurs sélectionnés et à l'ouvrage depuis la rentrée 2009, bilan dont les premières conclusions seront dévoilées au premier trimestre 2011. Encore une étude qui ne servira à rien puisque, dans un contexte de crise où le retour à l'emploi fut gravement compromis (la hausse continue des chômeurs de longue durée — +23% sur un an soit 37,2% des inscrits — le prouve), les 425 millions dépensés n'auront servi qu'à écoper un bateau qui fuit.
Très amusant est aussi le sort qui sera réservé aux salariés des OPP dont la collaboration se sera pas renouvelée, et qui viendront à leur tour s'inscrire à Pôle Emploi pour un accompagnement épique.
Tout aussi amusant est le postulat d'une amélioration du chômage en 2011 qui, virtuelle, résidera plutôt dans le trucage des chiffres et la hausse des radiations ou des "cessations d'inscription pour défaut d'actualisation" que dans une véritable sortie de crise.
Tout aussi amusant est le postulat d'une éventuelle amélioration de la "réorganisation" en cours du service public de l'emploi : 1.800 postes y seront supprimés au cours de l'année prochaine tandis que, par exemple, l'indemnisation des non-titulaires de la Fonction publique lui sera confiée.
Les chômeurs vont payer
On le sait, l'heure est aux purges tous azimuts. Le budget 2011 de la mission Travail et Emploi a été fortement réduit. Les comptes de l'assurance-chômage sont dans le rouge : son déficit cumulé s'élève à 10 milliards d'euros et devrait avoisiner les 14 milliards fin 2011.
Face à ce marasme, trois options se présentent : 1) Laisser filer le déficit en attendant le retour de la croissance - 2) Augmenter les cotisations - 3) Réduire l'indemnisation des futurs chômeurs en durée ou en montant.
On retire la première puisque, droit dans ses bottes, le gouvernement privilégie les politiques de rigueur afin de ne pas déplaire aux agences de notation. On retire la deuxième qui, tout du moins en ce qui concerne les cotisations patronales, sera rejetée par le Medef et la CGPME alors que la taxation de l'emploi précaire est une solution d'évidence; restent les cotisations salariales, qui ne seront peut-être pas épargnées sous prétexte que "la crise est derrière nous".
Retenons la troisième, celle qui consiste à spolier les victimes du chômage, trop affaiblies, ignorantes de leurs droits et bien trop isolées pour se défendre. Car, crise ou pas, c'est l'option systématiquement choisie — avec la complicité des syndicats, surtout la CFDT. Alors que les "partenaires sociaux" de l'Unedic doivent bientôt se réunir pour faire le bilan de leur Convention 2009-2010 et renégocier celle de 2011, gageons que nous pendent au nez de nouvelles restrictions.
On le voit, l'année prochaine, la seule consolation pour les chômeurs sera d'échapper au suivi bidon obligatoire par les OPP et, grâce du chaos qui règne à Pôle Emploi, d'être éventuellement un peu moins harcelés. Mais on devine que le revers de la médaille, côté Unedic, risque d'être autrement cuisant.
SH
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