«Au moins 1.000 euros» : c'est le montant de la «prime exceptionnelle» que François Baroin a fait miroiter ce matin aux salariés. En tout cas, ceux qui travaillent dans des entreprises qui versent des dividendes à leurs actionnaires...
L'annonce arrive à point nommé juste après la grève des salariés de Carrefour, qui dénoncent les 6 milliards d'euros de dividendes que vont empocher les actionnaires tandis qu'on leur offre une augmentation de 10 € par mois. «Tous les jours, toutes les semaines, on nous annonce des augmentations de distributions de dividendes, de primes exceptionnelles, de bonus pour les grands patrons. Tout le monde, tous les salariés qui participent à l'augmentation de richesse de leurs entreprises doivent pouvoir bénéficier de ce dispositif», a donc chanté le ministre du Budget sur Europe1.
L'idée ressort alors que le gouvernement est désemparé face à la flambée des prix de l'énergie et des produits alimentaires. Mais elle n'est pas nouvelle. Mi-mars, Nicolas Sarkozy jugeait que la faible évolution des salaires n'était, au regard des dividendes versés par les entreprises, «plus supportable». Le chef de l'Etat a de nouveau évoqué l'idée jeudi dernier.
Plouf-plouf
Surtout, depuis début 2009, patronat et syndicats sont déjà censés débattre du partage de la valeur ajoutée. A l'époque, après la remise d'un rapport de l'Insee sur le partage des profits, Nicolas Sarkozy estimait que celui-ci devait suivre la "règle des trois tiers" : un pour l'entreprise, un pour les actionnaires, le dernier pour les salariés.
Sauf que les négociations ne sont même pas ouvertes, faute d'accord sur leur contenu. Et que Laurence Parisot qualifiait récemment cette règle de partage de «vue de l'esprit». La présidente du Medef a lancé, hier : «Laissez-nous avancer dans ce travail». Une réunion est prévue le 26 avril, et la patronne des patrons aimerait qu'elle se déroule «sans pression».
A quoi ressemblera ce mécanisme ? Le gouvernement dresse le tableau à petites touches, ces derniers jours. Christine Lagarde, qui planche sur le projet avec Xavier Bertrand, parlait lundi «d'un rendez-vous de dialogue obligatoire». Baroin nous apprend ce matin que le dispositif, «simple», sera intégré à une loi de finances rectificative au mois de juin.
75% des salariés ne sont pas concernés !
Il s'agira d'une «prime», donc, plutôt qu'une augmentation des salaires ou de la participation. «C'est toujours bon à prendre», réagit Pierre-Yves Chanu, conseiller à la CGT. «L'inégalité dans la répartition des richesses est un vrai problème. Mais la priorité, face au retour des rémunérations élevées des dividendes, c'est d'augmenter les salaires. Il faut un processus permanent, pas une prime exceptionnelle.»
Pour le reste, le mécanisme est encore flou. «On attend de voir», dit Chanu, qui ne «voit pas très comment ça peut se faire». Christine Lagarde a indiqué ce mercredi que, «évidemment», le gouvernement réfléchit «à des mécanismes d'incitation sur le plan fiscal et sur le plan des charges sociales».
«Si le gouvernement se contente d'incitations, d'appels à négocier, les chances que ce dispositif échoue sont très grandes», juge Pierre-Yves Chaunu. Surtout, le dispositif ne toucherait qu'une minorité de travailleurs...
La ministre de l'Economie a beau dire que même les entreprises de moins de 50 salariés seront concernées, les boîtes qui versent des dividendes sont surtout celles du CAC 40, effectivement peu avares en la matière. Pour le reste, comme le rappelle le rapport de l'INSEE, à peine la moitié des grandes entreprises rémunère ses actionnaires, et seule une PME sur six verse des dividendes. Quant aux TPE (moins de 20 salariés), qui représentent 96% des entreprises et 37% des emplois, inutile d'en parler.
(Source : Libération)
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