Les dernières indications sur la hausse des prix dans la zone euro laissent à penser que nous sommes dans une phase de légère accélération : 2,6% en rythme annuel en mars contre 2,4% en février. Il n'en faut sans doute pas davantage pour que Jean-Claude Trichet, l'homme qui ne veut pas qu'on augmente les salaires et encore président de la BCE pour quelques mois, prenne le mors aux dents et donne un coup de pouce vers le haut au taux directeur de son institution sur lequel sont calés les taux d'intérêt dans les différents pays de la zone.
L'idée simple est qu'en remontant les taux d'intérêt, on limite l'expansion du crédit, autrement dit la masse de monnaie en circulation, ce qui, selon les théories «monétaristes», limite le développement de cette maudite inflation. Voilà une nouvelle illustration de l'absurdité du statut de la Banque européenne dont le principal, voire l'unique objet, est de lutter contre l'inflation en négligeant les autres paramètres économiques tels que l'activité ou le chômage.
A front renversé
Cette absurdité est telle que nous voici aujourd'hui à front renversé vis-à-vis des Etats-Unis. Il fut un temps où ces derniers se voulaient un modèle d'orthodoxie monétaire et ne juraient que par ces théories monétaristes développées, notamment, par Milton Friedman. Aujourd'hui, sous l'impulsion d'Obama et face à la montée du chômage, la Federal Reserve (la Banque centrale américaine) fait tout le contraire de la BCE. Non seulement elle ne relève pas ses taux d'intérêt, maintenus plus bas outre-Atlantique que chez nous, mais elle s'est lancée dans une pratique de création monétaire qui fait pousser des hauts cris aux intégristes de la pensée monétariste.
C'est que la Federal Reserve a inscrit dans ses principes directeurs un double objectif : lutter contre la hausse des prix, certes, mais tout autant favoriser le plein emploi. Elle doit en outre favoriser la croissance économique. Ce que l'administration Obama ne manque pas de lui rappeler.
A l'inverse, dira-t-on, Jean-Claude Trichet et ses petits camarades banquiers centraux des pays de la zone euro réunis au sein de la direction de la BCE, ont beau jeu de s'abriter derrière le statut de leur institution. De fait, l'objectif quasi-unique qui lui est assigné, en toutes lettres, est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro, ce qui veut dire de garder l'inflation en dessous de 2% l'an. Objectif fixé par le traité de Maastricht et qui répondait à la crainte quasi-obsessionnelle de l'inflation éprouvée par l'Allemagne. Dont acte ce jeudi, lors de leur réunion mensuelle.
La détestation de Maastricht
Un récent sondage Ipsos, effectué à l'occasion de la Journée du livre politique, montre que les Français, appelés à se prononcer sur les lois récentes qui les ont le plus marqués (en bien ou en mal), placent presque en tête de leur détestation la loi ratifiant ce fameux traité de Maastricht instituant l'union monétaire. Ils sont 60% à en trouver les effets négatifs, à peine moins nombreux que ceux (67%) qui jugent négativement la réforme des retraites. C'est dire. Et la rigidité, pour ne pas dire plus, de la BCE n'est sans doute pas pour rien dans cette appréciation ô combien négative de ce traité européen.
Nul ne sait trop quel effet la hausse des taux européens pourrait avoir sur le petit regain inflationniste actuel. Il faut en effet en rechercher les causes principalement dans la flambée des cours des matières premières et dans l'envolée des prix du pétrole… Et une hausse des taux d'intérêt en Europe risque de ce fait d'avoir peu d'incidence sur cette inflation importée.
De surcroît, les menaces inflationnistes ne semblent pas être vraiment prégnantes, à en croire la plupart des économistes.
Austérité renforcée
Il est bel et bien certain en revanche que, s'il a vraiment lieu, le geste de la BCE va plomber un peu plus les économies européennes en renchérissant le coût du crédit et en dopant les cours de l'euro, ce qui rendra plus difficiles les exportations européennes sur le marché mondial.
Relever les taux revient ainsi à serrer le garrot autour des économies européennes. La BCE n'en a cure, enfermée dans ses certitudes monétaristes – seule la restriction de crédit peut freiner l'inflation – autant que prisonnière de sa mission.
Ce n'est malheureusement pas à un acte isolé qu'elle a procédé. Il y a parallélisme et même cohérence entre son attitude et l'adoption, marquée du sceau de l'austérité renforcée, du «pacte pour l'euro» imposé par Angela Merkel avec le concours actif de Nicolas Sarkozy lors du dernier Conseil européen.
Allons, le précipice économique est au bout de ce chemin. Vite, accélérons !
(Source : Rue89)
L'Expansion confirme : l'augmentation des taux d'intérêt de la BCE ne sert à rien !
Moralité, Jean-Claude Trichet et ses sbires sont de dangereux incompétents qu'il est résolument urgent de foutre dehors.
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