Fin avril, l'officielle catégorie A — demandeurs d'emploi sans activité aucune — compte 10.900 inscrits en moins par rapport à mars (et depuis janvier, le recul total s'élève à 53.400). C'est, nous dit-on, un quatrième mois consécutif de baisse qui laisse entrevoir cette «reprise» tellement attendue.
En glissement annuel, la hausse est de 0,2% : on peut effectivement parler d'une ébauche de «stabilisation» mais certainement pas de «reprise», puisqu'aucun reflux n'est véritablement acté.
Moins de chômeurs, plus de précaires
Et il est clair que cette soi-disant «reprise» s'édifie sur la précarisation de l'emploi : «la précarité de l’emploi [est la ] grande gagnante de la sortie de crise», constate Libération, et «la reprise passe d’abord par les "petits boulots"», confirme Marc Landré du Figaro. Une tendance confirmée par les dernières prévisions de l'Unedic qui ne prévoit pas de décrue de l'«activité réduite» avant 2012. Telle un tsunami, la crise a détruit des emplois pérennes par centaines de milliers et ne laisse derrière elle que des débris.
Les chiffres des catégories B et C — celles des chômeurs qui acceptent des petits contrats, faute de mieux — le prouvent. La catégorie B (activité inférieure à 78h/mois) s'est enrichie de 4.700 inscrits : sur l'année, la hausse est de 5,7%. La catégorie C (activité supérieure à 78h/mois) est restée stable avec 100 inscrits en moins : sur l'année, la hausse est de 12,8%. L'intérim, premier employeur privé de France et baromètre de la mauvaise santé du marché du travail, propose des missions de plus en plus courtes.
Au total, le nombre des inscrits en catégories ABC — c'est-à-dire l'ensemble des demandeurs d'emploi «tenus d'accomplir des actes positifs de recherche» — a reculé de 6.300 personnes en France métropolitaine pour s'élever à 4.039.100 (+3,3% sur un an). Avec les DOM, ils sont 4.301.200.
Où sont les formations et les contrats aidés ?
Telle est la question que l'on se pose lorsqu'on regarde l'évolution des catégories D et E depuis deux mois.
En effet, la catégorie D — demandeurs d'emploi non disponibles car en arrêt maladie ou en maternité, en stage, formation ou convention de reclassement —, compte ce mois-ci 4.100 inscrits en moins (fin mars, on notait déjà un étrange recul de 6.500). En glissement annuel, la baisse est de 10,7%, ce qui est tout de même incompréhensible à l'heure où le «plan emploi» de Nicolas Sarkozy est censé battre son plein avec de nouvelles formations pour les chômeurs.
Quant à la catégorie E — demandeurs d'emploi non disponibles car en contrats aidés —, on compte 1.400 inscrits de moins (en mars, on notait un repli de 300). Où est le démarrage sur les chapeaux de roue claironné par Les Echos ?
La réponse est encore dans Les Echos où Christian Charpy a déclaré, à propos des directives de Nicolas Sarkozy émises en février et consistant à faire en sorte que les chômeurs les plus exclus du système soient reçus par Pôle Emploi d'ici à fin juin «pour trouver une solution» (finale ?) : «Près des trois quarts des 680.000 personnes concernées et qui sont encore au chômage ont été reçues par Pôle Emploi ou ses partenaires». Parmi eux, «43.000 ont bénéficié d'un accompagnement renforcé et, à fin mars, 6.500 étaient entrées en formation». Si ces chiffres sont justes — ce dont on peut douter… —, ça fait moins de 50.000 chômeurs de longue durée pour qui Pôle Emploi a trouvé «une solution»… sur 500.000 ! Taux de réussite : 10%.
Bref ! Au total, toutes catégories confondues (ABCDE), le nombre de chômeurs inscrits à Pôle Emploi en France métropolitaine s'élève à 4.624.700 (+2,8% sur un an). Avec les DOM, on arrive à 4.909.300 (+3,1% à l'année).
=> Voir la note de la DARES/Pôle Emploi de mai en pdf
Quelques points noirs persistent...
Le chômage des seniors continue de progresser
Pôle Emploi compte 776.300 inscrits de 50 ans et + dans les catégories ABC, soit 6.600 de plus qu'en mars et +14,1% en glissement annuel. Parmi eux, 402.900 sont des femmes.
Le chômage de longue durée ne recule pas non plus
Touchés de plein fouet par la crise, ils sont restés sur le carreau. Vu leur ancienneté dans le chômage, dédaignés par les employeurs qui préfèrent recruter de la chair fraîche, leurs chances de retrouver un emploi sont minimes.
Fin avril, ils étaient 1.532.300 en France métropolitaine, 1.635.400 avec les DOM, rien que pour les catégories ABC (+11,3% sur un an). Toutes catégories confondues, 678.900 percevaient le RSA. Pour mesurer correctement l'ampleur du désastre, il faut y rajouter les 245.900 chômeurs âgés en DRE (les mal nommés «dispensés de recherche d'emploi»). Ainsi, en réalité, leur proportion s'élève à plus de 40% de l'ensemble des inscrits à Pôle Emploi.
L'ancienneté moyenne des inscrits des catégories ABC est de 450 jours, soit 2 jours de plus qu'en mars : un record depuis dix ans. Quant à la moyenne d'inscription des sortants, elle est de 245 jours (soit 9 jours de plus qu'en mars) et n'a pas reculé une seule fois depuis trois ans.
Des «sorties de listes» toujours aussi peu glorieuses
Fin avril, les reprises d'emploi déclarées (104.900 seulement), entrées en stage (30.900) et arrêts de recherche pour maladie, maternité ou retraite (36.700) ne représentent que 36,7% du total des sorties de Pôle Emploi pour les catégories ABC.
Le reste — 63,3% — est englobé dans les «cessations d'inscriptions pour défaut d'actualisation» (193.800, en baisse de 5,1% par rapport à mars), les radiations administratives (48.100, en hausse de 19,4% sur un an !) et les «autres cas» (55.200, en hausse de 2% par rapport à mars). Au total, en avril, ce sont 297.100 personnes qui sont ainsi sorties des listes. Il est donc important de rappeler que, quand le DG de Pôle Emploi déclare que «le contrôle de la recherche d'emploi […] donne lieu au total à environ 2.000 radiations par mois», il ment sans vergogne.
Enfin, on ne saura rien du nombre d'inscrits qui, arrivés en fin de droits et ne pouvant bénéficier d'aucune allocation de remplacement, cessent de pointer. Ces oubliés, ayant sombré dans la pauvreté, sont partis rejoindre silencieusement le «halo du chômage»...
Un nombre d'offres collectées toujours aussi dérisoire
En avril, Pôle Emploi n'a collecté que 285.700 offres (+3,5% sur un an). Dans le tas, sans s'apesantir sur celles qui sont en doublon ou bidons, 60% sont qualifiées de «temporaires» (1 à 6 mois) ou «occasionnelles» (moins d'un mois), tandis que le reste est considéré comme «durable» (plus de 6 mois).
Ce soir, au compteur de pole-emploi.fr, on note 233.401 offres en ligne destinées aux 2.900.900 chômeurs officiels de catégorie A que compte notre pays. Bon courage à eux !
SH
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Commentaires
Pour les syndicats, unanimes, les vrais chiffres tournent plutôt autour de 190 et 200. "Et si vous prenez les 10.900 demandeurs d'emploi de catégorie A en moins en avril et que vous les mettez en rapport avec les presque 1.000 antennes de Pôle Emploi en France, ça fait 10 demandeurs en moins par site. C'est peanuts !", calcule Sébastien Socias, secrétaire national FO Pôle Emploi qui relève que, ici et là, éclatent des mouvements sporadiques de protestation d'agents de Pôle Emploi à bout.
Pire, "la nature des emplois qui évolue fortement vers des petits boulots plus courts et plus précaires, ajoute au final au travail des agents qui voient les demandeurs revenir régulièrement", explique Philippe Sabater du SNU-FSU. D'après lui, les chômeurs de catégorie A qui ont disparu des listes de Pôle Emploi n'ont pas forcément tous retrouvé un job.
"Prudence au cocorico du gouvernement car cette baisse est en partie artificielle, liée au plan Sarkozy pour les chômeurs de longue durée, à qui l'on propose des formations ou des stages, ce qui a pour effet de les sortir du fichier des chômeurs". Il craint qu'à l'approche de la présidentielle, et parce que Xavier Bertrand annonce que le taux de chômage sera ramené à 9% d'ici la fin 2011, "on ne voie une hausse des radiations administratives dans les prochains mois".
www.metrofrance.com/info/a-pole-emploi-les-agents-n-ont-pas-moins-de-boulot/pkey!e5s2lZYGuUzjVSjrDXhagg/ Répondre | Répondre avec citation |
radiés avril 2010 : 289 400
catégorie ABCDE avril 2011 : 4 624 700
radiés avril 2011 : 297 100
+ 112 000 chomeurs "officieux"
malgré + 7 700 radiés par rapport au même mois l'an passé.
mais bien entendu, le chômage baisse … puisque Xavier Bertrand l'a dit, puisque tout les médias complices vous le disent .. Répondre | Répondre avec citation |
En toute franchise, la charmante conseillère nous a confirmé que, de toutes façons, ces CUI sont des bouche-trou sans avenir. Répondre | Répondre avec citation |
Blagues à part, ils veulent que l'effet de ces contrats aidés coïncide avec le début de la campagne présidentielle pour que les gens se souviennent de remercier comme il se doit l'aumône qu'on leur fait dans un pays où la croissance… des emplois aidés sans avenir est utilisé comme outil de propagande pour berner les gens. Répondre | Répondre avec citation |
Xavier Bertrand aurait dû tempérer un peu son enthousiasme, mardi 31 mai, lorsqu'il a annoncé une baisse du chômage en avril, pour le quatrième mois consécutif. Car le gouvernement bénéficie, pour quelques petits trimestres encore, d'un sacré coup de chance : la démographie lui offre ce cadeau sur un plateau.
Explication. D'un côté, la génération du papy-boom d'après guerre arrive maintenant en fin de carrière et part à la retraite. De l'autre, les jeunes qui se présentent aujourd'hui sur le marché du travail sont moins nombreux : ils sont nés en pleine panne sèche des naissances. Bilan : selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la population active, qui pendant longtemps a augmenté de 250.000 unités par an, ne s'accroîtra en 2011 que de 140.000 âmes. Soit 110.000 candidats de moins à un job. Voilà qui éclaire les dernières prévisions de l'OCDE, laquelle entrevoit 85.000 chômeurs de moins cette année.
Mais les experts en conjoncture estiment que Sarko et Bertrand ont raison de battre tambour aujourd'hui, car les lendemains risquent fort de déchanter. A compter de 2012, la croissance de cette population active va repartir de plus belle.
Raisons : à la copulation très inactive des années 1983-1985 qui vient déjouer en faveur des statistiques a succédé une poussée de lapinisme aigu entre 1986 et 1992.Ce nouveau baby-boom va bientôt débouler aux portes des entreprises. S'y ajoute le maintien de l'immigration à un niveau élevé (plus de 100.000 actifs par an). «A long terme, ce sera très bon pour l'économie et le financement de la protection sociale», positivent en chœur deux «têtes» de l'OFCE, Eric Heyer et Mathieu Plane. Mais, à court terme, cela risque plomber les chiffres du chômage.
De plus, Sarko a lui-même coupé la branche sur laquelle il était perché : réduction des dispenses de pointage pour les «seniors», limitation des départs anticipés à la retraite pour les carrières longues. Plus la récente réforme des retraites. Selon les fanas des «projections», ces mesures mettront environ 80.000 nouveaux chômeurs devant les guichets de Pôle emploi. Du coup, Fillon prévoit de multiplier les stages d'insertion et les contrats précaires dès la rentrée. En espérant que les électeurs lui en seront reconnaissants.
Alain Guédé - Le Canard Enchaîné Répondre | Répondre avec citation |