D'ici les élections présidentielles, aucune proposition de loi visant à remanier le RSA selon les préconisations du moment n'a de chance d'aboutir, et ce pour deux raisons. Primo, hormis leur aspect anticonstitutionnel voire illégal, les recommandations avancées nécessitent des ajustements qui outrepassent le dispositif : de ce fait, elles ne pourront être menées dans les délais impartis. Secundo, la droite majoritaire est elle-même divisée sur le sujet.
Des obstacles à franchir
La proposition de loi est l'apanage des parlementaires : son origine ne peut être ministérielle. Par ailleurs, les premières tentatives visant à faire travailler gratuitement les allocataires du RSA — celles du député UMP Pierre Lang et de Laurent Wauquiez, porte-parole de son groupe «la Droite sociale» — ont été illico renvoyées à la Commission des affaires sociales, «à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement». Si la nouvelle mouture de Jean-François Copé devait à son tour se transformer en une proposition de loi dûment déposée (ce qui n'est pas le cas pour l'instant, le battage semblant plutôt relever du vulgaire "coup" médiatique…), elle subirait le même sort.
Car non seulement il y a un temps et des procédures parlementaires à respecter mais, concrètement, la proposition du chef de l'UMP implique de modifier le contrat unique d'insertion. En effet, si Jean-François Copé n'a pas écarté la notion de travail forcé — qui est, véritablement, sujette à caution —, contrairement à ses prédécesseurs, il efface la notion de travail gratuit — qu'il sait tout aussi contestable — en évoquant l'usage des CUI. Or, la durée hebdomadaire de ces contrats ne peut être inférieure à 20 heures, ce qui invalide l'application de sa préconisation-phare : faire travailler "certains" allocataires du RSA «entre cinq et dix heures par semaine». De plus, en temps normal, le CUI est assorti d'une obligation de formation.
Autre empêcheur de tourner en rond : le Code du Travail. Selon son article L1242-1, «un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à une activité normale et permanente». Or, le CUI est un CDD. Les employeurs concernés — «la commune, l'intercommunalité, le département ou la région», dixit Jean-François Copé — feraient bien de se méfier.
Des oursins dans les poches
Quand bien même le CUI serait-il retouché sans encombre afin de coller au projet, il faut ensuite faire voter les budgets supplémentaires qui financeront les quelque 500.000 mini-contrats alloués pour cette opération, un volume extrapolé en fonction du nombre d'allocataires du RSA actuellement inscrits dans la catégorie A de Pôle Emploi, c'est-à-dire n'ayant exercé aucune activité et considérés comme aptes au travail. Selon nos estimations (et en supposant que tous ces mini-postes pourront être aisément créés…), le coût pour l'Etat s'élèverait à plus de 2 milliards d'euros à l'année. Sachant que Nicolas Sarkozy a joué les grands seigneurs en ne débloquant que 500 millions pour son récent «plan emploi» et que les 50.000 contrats aidés supplémentaires promis sont pour l'instant bloqués, le robinet ne devant se rouvrir qu'au second semestre afin d'embellir les chiffres du chômage peu avant les élections, on doute du volontarisme financier du gouvernement à l'heure des restrictions.
On le voit, Jean-François Copé aura fort à faire avant que son idée aboutisse. Mais surtout, son parti est actuellement divisé sur la question : d'un côté, le premier ministre François Fillon ne supporte pas que l'on remette en cause le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy en jetant le discrédit sur le RSA; de l'autre, certains s'indignent de la brutalité du procédé ou des termes employés, sinon des mensonges proférés.
Politique fiction
Admettons que le candidat UMP gagne les élections présidentielles de 2012, que la droite remporte les législatives suivantes, et qu'un "mix" des propositions de loi Lang-Wauquiez-Copé sorte des tiroirs. Hormis le fait que le texte puisse toujours être édulcoré par le Parlement du fait de ses aspects anti-républicains, l'opposition peut ensuite saisir le Conseil constitutionnel et l'Organisation internationale du travail. Si, pour les motifs précisés dans notre précédent article, ces instances estiment que cette nouvelle loi ne respecte pas les droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution ou viole une convention internationale, elle risque fort d'être vidée de sa substance, sinon retoquée, la question épineuse du travail forcé/obligatoire, de sinistre mémoire, restant entière.
La lutte contre l'«assistanat» a remplacé la lutte contre l'insécurité
En utilisant le RSA comme cheval de bataille, en stigmatisant ses allocataires et, par ricochet, toutes les victimes de la crise, l'UMP joue à un jeu aussi hasardeux que dangereux. Car dans ce contexte, à moins d'un an de l'échéance, quoique larvée, l'exaspération sociale est forte. Cependant l'UMP, du haut de sa tour d'ivoire, persuadée que les Français sont bêtes ou résignés, s'imagine que le thème de l'«assistanat» — qui s'est visiblement substitué à celui, plutôt éculé, de l'insécurité — trouve une vraie résonance dans l'opinion publique et jouera en sa faveur. Sur ces entrefaites, l'UMP déploie des monceaux de propagande avec une grossièreté qui est à l'image de son incurie sur l'emploi, le chômage, le pouvoir d'achat, la justice sociale et fiscale, la répartition des richesses et la régulation financière.
On l'a compris, l'«assistanat» sera l'un des éléments moteur de la campagne électorale de la droite, qu'elle s'affuble ou non des adjectifs «populaire» ou «sociale». Il nous reste un peu plus 300 jours pour riposter sans relâche et faire connaître la vérité aux Français crédules, prêts à tomber dans le panneau. La bagarre ne fait que commencer. Haut les cœurs !
SH
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