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D'abord, parlons gros sous. Not’ président a mis 430 millions d'euros sur la table pour financer ses mesurettes pré-électorales... Une bagatelle à côté du sérieux tour de vis récemment infligé au budget de la mission Travail & Emploi pour l'année 2012 : une baisse de 12,1% par rapport à 2011, soit une amputation drastique de 1,39 milliard d'euros en pleine montée du chômage, au nom de la réduction des déficits publics. En comparaison, le "redéploiement" de ces 430 millions de "crédits déjà existants" fait office d'aumône… et d'attrape-couillon.
Selon Eric Heyer, économiste à l'OFCE, «le montant annoncé est ridicule !» Il souligne dans L'Expansion que si Nicolas Sarkozy consentait à supprimer le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, qui coûte 4,5 milliards d'euros par an, le soutien financier de l'Etat à l'emploi pourrait être multiplié par dix.
Ici, Les Echos nous expliquent comment ces 430 millions seront répartis.
Revoilà l'astuce ! On note qu'après avoir supprimé 1.800 postes à Pôle Emploi l'année dernière, 1.000 embauches express sont prévues : des petits nouveaux en CDD qu'il faudra former rapidement, puis jeter au bout d'un an [1]. On imagine que, parmi eux, il y aura pas mal de contrats aidés. Sauf que ces CDD ne seront pas alloués qu'à Pôle Emploi mais déployés sur l'ensemble du service public de l'emploi (c'est-à-dire aussi les missions locales, maisons de l'emploi, etc…). Soyons réalistes : 1.000 CDD supplémentaires alors qu'en ce moment, ce sont 1.000 chômeurs par jour qui s'inscrivent, avouez que l'opération est désespérée.
S'ensuivent une rallonge de 100 millions pour "booster" le chômage partiel (alors que son financement s'est élevé à… 600 millions d'euros en 2009, puis a été stoppé en 2010) + 40 millions pour «former plutôt que licencier» des salariés dans les secteurs en crise, 100 millions pour une offre promotionnelle «zéro charges TPE» censée leur permettre d'embaucher des jeunes de moins de 26 ans payés au Smic, 150 millions pour un nouveau «plan pour les chômeurs de longue durée» (on se souvient du fiasco des précédents…) et — clou du spectacle — la promesse d'une «réforme radicale» de la formation professionnelle alors que celle-ci est particulièrement mal en point. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs reconnu que moins de 10% des chômeurs y ont accès. Comment, subitement et en si peu de temps, compte-t-il y remédier ?
Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy nous régurgite exactement le même discours qu'il y a un an : il avait dit que Pôle Emploi recevrait «dans les trois mois» tous les chômeurs de longue durée afin de leur proposer «soit une formation [supposée] qualifiante, soit un emploi [un pauvre CUI]». Aujourd'hui, il ne cible plus que les chômeurs de longue durée inscrits à Pôle Emploi depuis plus de deux ans, soit 240.000 personnes rien qu'en catégorie A.
Sauf que l'Elysée ne prévoit de débloquer que 16.000 entrées en formation supplémentaires. Pour tous les autres, ce sera… un contrat aidé !
Pour les quelques chanceux à qui on accordera une formation, de quel type sera-t-elle (qualifiante et suffisamment longue, ou «commando») ? Le chômeur aura-t-il son mot à dire ? On en doute.
Et revoilà l'astuce : après avoir supprimé l'AFDEF (allocation accordée aux chômeurs qui épuisaient leurs droits en cours de formation et dont le montant équivalait à leur ARE) pour la remplacer par la misérable R2F (un forfait de 652 €/mois) limitée à 2011, le voici qui, bon prince, prolonge le dispositif en 2012 ! Avec 652 €, le chômeur de très longue durée, forcément en fin de droits, devra assurer son ordinaire + les frais inhérents à son stage : nourriture, transport, tenue vestimentaire, etc.
A l'issue de la formation, l'intéressé serait obligé d'accepter l'offre d'emploi proposée (si elle existe !) : on en revient aux éternels CUI, solution de facilité par excellence. Le tout visant à améliorer in extremis les chiffres du chômage, puisque les chômeurs en formation basculent en catégorie D et ceux en CUI en catégorie E.
Le gros point noir, c'est «le processus de resocialisation» que Nicolas Sarkozy a évoqué en dernier recours, sans plus de précision. Va-t-il ouvrir des centres d'éducation pour les chômeurs de longue durée, considérés comme des délinquants ou des malades mentaux ? Les conseillers Pôle Emploi devront-ils déployer des talents de psychiatres ? Tout cela est limite répugnant. Pour «resocialiser» les chômeurs et les sortir de l’«assistanat», ce sont de véritables emplois correctement rémunérés qu'il faudrait créer, et rien d'autre ! De toutes ces broutilles électoralistes, nous n'avons que faire.
Mais le pire est à venir : on attend, fin janvier, les détails sur les dossiers chauds de la TVA (anti)sociale, des "accords de compétitivité" et d'un éventuel passage aux 37 heures, autant de points lancés avant le «sommet» d'hier, que Nicolas Sarkozy s'est bien gardé de développer.
SH
[1] Dans le même temps, plus de 1.000 CDD arrivent à leur terme à Pôle Emploi : le plus simple serait de les reconduire, mais cela entraînerait de fait leur requalification en CDI. On va donc les laisser partir — alors qu'ils sont opérationnels — pour les remplacer par de nouveaux CDD qu'il faudra, à leur tour, former. Et que deviendront ceux dont le contrat ne sera pas renouvelé ? De nouveaux "clients" de Pôle Emploi, bien sûr !
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Commentaires
Il suffirait d'éloigner les inutiles des centres, les concentrer dans das camps ou HLM vétustes, loin de tout, dépourvu de services médicaux, laisser aux sociétés caricatives le soin de les vêtir et nourrir…
On plaisante, mais je connais même des intellectuels de renom qui défendent ce genre de "solution".
L'histoire nous apprend que tout peut arriver. Même ce qui n'est pas imaginable aujourd'hui.
Donc il faut s'unir et se rassembler. Personne ne luttera à votre place. Répondre | Répondre avec citation |
www.actuchomage.org/2011022614372/Social-economie-et-politique/contre-le-chomage-et-la-pauvrete-oser-leuthanasie.html Répondre | Répondre avec citation |
Ils vont créer des groupes de parole de chômeurs où chacun devra faire son autocritique (le pourquoi il n'occupe pas un des "500 000 emplois non pourvus" qui sont agités régulièrement dans les média et par la sarkosphère pour asseoir l'idée que les chômeurs sont des fainéants) devant les autres?
A moins qu'il faille faire son autocritique sur la place devant la mairie de notre ville? Répondre | Répondre avec citation |
A l'heure où le nombre d'emplois diminue à grande vitesse
(moins de 140 000 annonces d'offre d'emploi sur le site de Pôle emploi ce jour) se reposer sur le travail pour socialiser les gens est une provocation et une aberration. Répondre | Répondre avec citation |
La définition du mot "travail" est déjà en soi un vaste débat :
www.actuchomage.org/Les-dossiers/quest-ce-que-le-travail.html
Ensuite, la quantification économique de la valeur du travail en est un autre :
www.actuchomage.org/2011030614542/La-revue-de-presse/de-la-valeur-des-lactivites-non-marchandesr.html
Enfin, il y a aussi la rétribution/reconnaissance du travail en fonction de son utilité sociale :
www.actuchomage.org/2010061711371/La-revue-de-presse/les-boulots-les-plus-utiles-sont-les-moins-payes.html
Mais tout cela est bien trop subtil pour not’ président et ses sbires dont le raisonnement primaire consiste à nous maintenir dans l'asservissement. Répondre | Répondre avec citation |
Alors faut pas m'emmerder avec les conneries de désocialisation des chômeurs! Répondre | Répondre avec citation |
Betty Répondre | Répondre avec citation |
"Socialiser : Déposséder au profit de l'Etat, par rachat, expropriation ou réquisition, les propriétaires de certains moyens de production."
Bon, certes, il existe une autre définition. Répondre | Répondre avec citation |
Une faute supplémentaire (à mon avis) : il a reçu peu avant Noêl l'ancien chancelier Schröder, et récemment à nouveau, pour parler de l'emploi en France. Schröder ("social" démocrate) est aux yeux du public allemand le symbole du déclassement social et surtout du dumping social, un carriériste sans complexe qui s'est mis au service du patronat. Répondre | Répondre avec citation |
Tiens, une reconversion en vue pour notre délinquant sexuel kalamiteux. Répondre | Répondre avec citation |
On va encore nous socialiser à mort… comme chez Orange ?
On pourra lire à propos de la perversité de cette société : Le RSA, « absurdité » et « torture morale », une enquête à Paris , www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5996 Répondre | Répondre avec citation |
Pis encore, selon les témoignages recueillis, les chercheurs affirment que « tout se passe donc comme un jeu de rôles dans un théâtre où l’on obligerait les allocataires à singer la recherche frénétique d’emploi alors qu’il n’y a pas d’emplois… [12] En l’absence d’emplois, la mécanique des droits et devoirs, même mise en œuvre de la façon la plus humaine possible, peut se transformer en instrument de torture morale…
C'est exactement ça. Répondre | Répondre avec citation |
On peut même être beaucoup plus affirmatif :
En l’absence d’emplois, la mécanique des droits et devoirs, se transforme inévitablement en instrument de torture morale pour les humains qui la mettent en oeuvre…. Répondre | Répondre avec citation |
Soyons sérieux, il n'y a pas de bonnes formations à proposer : soit elles sont débordées de listes d'attentes interminables, soit elles sont très couteuses. Et des formations pour quel emploi puisque le gouvernement est défaillant dans sa politique à ce sujet…et ne paraît pas près de faire son "mea culpa".
Il reste des pseudo-formations pour des "emplois solidarités" ou autres bouches trous de la fonction publique ( Humiliation et déprime à la clé..) .
Signalons au passage que nombre de chômeurs ne sont certainement pas des parasites au vu de leurs cotisations avant de connaitre cette infortune. Contrairement aux élus qui se sont octroyé des allocations "très améliorées".
Sarkosi n'est-il pas en train de nous réinventer le STO? Répondre | Répondre avec citation |
- où trouver les professeurs? (alors qu'on doit supprimer des postes!)
-ne faudra-il-pas avant tout former des professeurs aux nouvelles technologies qui manquent cruellement de professionnels?
- faudra-t-il accepter de passer d'un niveau BTS au niveau d'un CAP dans un créneau obligé (soit disant porteur d'emploi)
- où trouver les locaux et les équipements nécessaires?
- qui financera les moyens de déplacement des futures "élèves" (surtout pour ceux qui habitent en pleines campagnes)
- combien de temps et de milliards faudra-t-il engager avant de rentabiliser ce fabuleux et intelligent projet?
il serait juste que sur une formation obligée, existe aussi l'obligation de fournir le poste adéquat en sortie ( au train où ça va, mieux vaut apprendre à nos enfants à faire la manche aux touristes chinois devant la pyramide du Louvre comme d'autres enfants le font devant celles d'Egypte)
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+1 (malheureusemen t) Répondre | Répondre avec citation |
Mais dans les deux cas, que ce soit du côté de l'Education nationale ou de la formation professionnelle , Nicolas Sarkozy a tout décimé. Puis, arrivé en fin de mandat, le voici qui joue les pompiers pyromanes… Répondre | Répondre avec citation |
nous avons bien sûr activé le mode catastrophe mais j'avoue que l'on
se rapproche inexorablement d'une faillite facon grece.
les seuls emplois qui restent et qui offre des perspectives de
formations sont des emplois au smic à vie.
il y a 5 ans on m'a proposé une formation à 80km aller de chez mois durant 9 mois pour un CAP (j'ai un BTS) en ayant comme seul chance d'etre N2 au bout de 10 ans… Répondre | Répondre avec citation |