En 1998, toute la France (ou presque) s’est réjouie de la victoire de son équipe Blacks, Blancs, Beurs, symbole de la diversité de ses talents. Une équipe pluriculturelle et multiraciale qui, en 8 ans, a viré au «Black, Black, Black» qui ferait de nous la «risée du monde», à en croire «l’éminent philosophe» Alain Finkielkraut qui s’est «lâché» dans une interview accordée il y a quelques mois au journal israélien Haaretz. C’est vrai que sur le terrain, exceptés Zidane, Barthez, Ribéry et Sagnol, tous les joueurs retenus pour affronter la Suisse étaient noirs.
Une élimination qui pourrait faire mal
En quoi et à qui cette équipe à 65% black pose-t-elle un problème ? À beaucoup - dont je suis - aucun ! Mais à d’autres, en revanche… Il est à craindre qu’une élimination rapide de l’équipe de France serait pain béni pour les «xénophobes» de tout poil. Ils pourraient alors user d’arguments primaires pour justifier cette déroute : «L’Angleterre, les Pays-bas, le Portugal… enfin la plupart des grandes équipes européennes n’alignent pas une telle proportion de joueurs de couleur alors que ces nations comptent d’importantes communautés d’origines africaines ou antillaises». De même, ils ne manqueront pas de constater que «les joueurs français ne sont pas très enclins à chanter l’hymne national, la Marseillaise, alors que leurs homologues européens le font souvent de bon cœur, voire même avec ferveur». De là à y voir de «mauvais» Français, il n'y a qu'un pas que nombre d'entre eux n'hésiteront pas à franchir…
Voilà qui pourrait, malheureusement, alimenter un sentiment xénophobe qui n’attend qu’une occasion, la défaite, pour s’exprimer ouvertement !
L’équipe de France est-elle un faire-valoir ?
La composition de l’équipe de France présente aussi le risque d’être considérée comme un faire-valoir. «Comment ça, les Français d’origines africaines ne sont pas représentés ? Mais enfin, voyez l’équipe de France !», pourraient arguer les champions du monde… de la mauvaise foi. Et le risque est bien réel car le sport (notamment le football en Europe) tient une place de tout premier plan dans l’analyse, certes sommaire, des sociétés contemporaines.
Si les Français de couleur sont très représentés dans l’équipe nationale, ils brillent par leur absence dans les instances représentatives de la République. Ne cherchez pas une députée ou un député issu(e) de l’immigration africaine à l’Assemblée nationale, il n’y en a pas ! Et ne cherchez pas non plus un Français d’origine africaine dans les sphères gouvernementales (hauts fonctionnaires, chefs de cabinet, conseillers…), il n’y en a pas !
L’équipe de France, une caricature d’intégration ?
La composition de l’équipe de France de football serait-elle alors représentative du «malaise français» ? D’un côté, nous avons des stars du ballon rond, multimillionnaires, généralement exilées hors de nos frontières et que l’on voit partout dans les médias (pas seulement dans la presse sportive). De l’autre, des millions de Français, Blacks et Beurs, relégués dans les sous-sols de la République, sans représentants, sans élus, donc sans aucun pouvoir. N’est-ce pas là un exemple emblématique de notre fameuse fracture sociale ?
Immigration choisie… chez les Bleus
La «discrimination positive» en usage chez les Bleus s’apparente plutôt à de «l’immigration choisie», concept ô combien d’actualité. Aux «bons éléments» choyés et dorlotés par nos dirigeants, nos entreprises et nos médias, les places de choix, les millions d’euros, la reconnaissance, l’adulation publicitaire… Aux autres, les plus nombreux, l’entassement dans des cités sans âme gangrenées par le chômage, l’économie parallèle, la discrimination négative et son corollaire, l’exclusion.
Plus de Blacks et de Beurs dans l’équipe France !
Finalement, pour résorber la fracture ethnique (que nous qualifions aussi «d’apartheid électoral»), il faudrait juste rééquilibrer les choses : plus de Blancs et Beurs en équipe de France, plus de Blacks et Beurs à l’Assemblée nationale. Le Parti socialiste fait semblant d’avoir saisi cette absolue nécessité en s’engageant (sur la pointe des pieds) à inverser la tendance. Il y a quelques jours, le PS «a décidé de réserver 20 à 25 circonscriptions, sur 577, à des candidats issus de l'immigration pour les législatives» ; il envisage même de soutenir la candidature de l’ancien footballeur Basile Boli qui pourrait se présenter dans la première circonscription de l'Yonne.
Mais n’est-on pas, là encore, dans une prise de conscience pour le moins caricaturale ?
Yves Barraud
Articles les plus récents :
- 18/06/2006 15:26 - Thibault a rencontré Parisot
- 17/06/2006 12:13 - 54.500 élèves en plus, 8.500 enseignants en moins
- 16/06/2006 12:51 - Emploi salarié en faible hausse
- 15/06/2006 21:40 - Toujours plus de contrats courts
- 15/06/2006 15:50 - Transports IDF : gratuité pour les RMistes
Articles les plus anciens :
- 12/06/2006 19:58 - CNE : des résultats "incontestables" pour de Villepin
- 11/06/2006 17:47 - Fonctionnaires : 15.000 postes en moins en 2007
- 09/06/2006 13:29 - L'insertion des jeunes dans l'emploi se dégrade
- 08/06/2006 19:33 - RMIstes : une baisse s'amorcerait-elle ?
- 08/06/2006 13:43 - Plan «Seniors» : troubles de l’audition chez les médias ?