L’année 2006 a été une mauvaise année pour le droit du travail. L’échec du CPE n’a pas fait abroger le CNE réservé aux petites entreprises qui représentent 96% du nombre d’entreprises françaises. Salué par le MEDEF, ce contrat libère l’employeur, et ce pendant une durée de deux ans, de motiver la rupture du contrat.
Le droit du travail est au plus mal. La situation du salariat en général est préoccupante.
Simultanément à l’ouverture de ses frontières à l’Est, où les revenus sont en général inférieurs à ceux des pays d’Europe Occidentale, l’Union européenne laisse se développer des opérations de mouvements de main d’œuvre frauduleux et ne met en œuvre aucun moyen pour lutter contre le dumping social. Pire, la première directive Bolkenstein visait à accentuer ce mouvement en soumettant les travailleurs à la loi du pays d’où ils viennent, favorisant ainsi le «moins disant social». Le secteur d’activité du bâtiment est principalement touché : des entreprises font appel à des «prestataires» installés dans ces nouveaux pays, exactement comme ils le feraient pour des entreprises d’intérim, seules autorisées à louer de la main d’œuvre. Même si les lois du pays dans lequel s’exécute la prestation de travail doivent trouver entière application, la pratique confirme que les donneurs d’ordre paient un forfait global qui rend impossible l’application des conventions collectives et des niveaux de salaire de ces pays.
Dans le pays d’origine, le niveau de prestations sociales et donc de cotisations sur les salaires, sont moindres. Le donneur d’ordre peu scrupuleux payant une prestation, il a peu de chances d’être ennuyé, à moins d’être contrôlé par des inspecteurs du travail qui démontrent le délit de prêt illicite de main d’oeuvre passible du tribunal correctionnel.
Et c’est là que le bât blesse. En France, les effectifs de l’inspection du travail sont répartis géographiquement dans des «sections» composées d’un inspecteur du travail et de deux contrôleurs du travail ainsi que d’agents chargés du renseignement physique et téléphonique des salariés. 417 inspecteurs du travail et un peu plus de 800 contrôleurs sont donc chargés de l’application du Code du travail ainsi que des conventions et accords collectifs qui régissent la relation de travail d’environ 16 millions de salariés du secteur privé.
Sollicités majoritairement par les salariés, ils sont les précieux indicateurs de la santé sociale. La convention N°81 de l’OIT leur donne d’ailleurs pour mission d’alerter les pouvoirs publics sur la situation des travailleurs. Faut-il encore que leurs alertes soient écoutées et entendues.
Ils ont également en charge de veiller à la liberté d’expression des salariés par le canal des institutions représentatives du personnel, et décident d’autoriser ou de refuser les demandes de licenciement à leur encontre. Ils doivent veiller au libre exercice de l’action syndicale, à la santé et à la sécurité des travailleurs, au respect des barèmes légaux ou conventionnels de rémunération ainsi qu’à la durée du travail. Ce sont donc des missions particulières et très larges qui leurs sont confiées, qui sortent du cadre ordinaire de l’administration.
En bref : quand les agents de contrôle contrôlent, ils dérangent. Certains employeurs trouvent qu’ils en font trop et les salariés voudraient qu’ils en fassent toujours plus. Ces «voltigeurs de la République» sont donc pris en tenaille entre des fonctions protectrices des droits des travailleurs (mais néanmoins peu sanctionnées) et des effectifs et des conditions d’exercice de leurs fonctions qui ne sont pas à la hauteur des ambitions du Code du travail français. En pratique, certaines entreprises ne voient un agent de contrôle qu’une fois tous les dix ans.
A la sortie de l’école des inspecteurs du travail (Institut National du Travail, situé à Marcy l’Etoile à côté de Lyon), un seul inspecteur sur deux en moyenne ira dans les services de contrôle des entreprises, en section. Les autres partiront dans des postes administratifs. (...)
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