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«Il va y avoir un statut pour les stagiaires», a annoncé le ministre. «Des chartes ont été signées : est-ce qu’elles sont bien appliquées ou pas ?», s’est-il candidement interrogé, ajoutant qu’il n’en était «pas certain» (quelle perspicacité !). Selon lui, «on ne peut pas laisser cette situation pour les stagiaires. Il va donc y avoir un cadre pour les stages et les stagiaires», a-t-il conclu sans apporter de précision particulière sur la mise en œuvre de cette nouvelle promesse.
En avril 2006, le précédent gouvernement avait signé une «charte» des stages en entreprise qui devait permettre d'assurer la «bonne conduite» des employeurs. Mais le collectif de stagiaires Génération précaire, qui s'est illustré en organisant des manifestations remarquées pour dénoncer les abus dont ils sont l'objet, n'y a vu qu’un «cache-misère»... Génération précaire demande l’inscription effective du stagiaire dans le Code du travail ainsi qu'une rémunération minimale et progressive.
La semaine dernière, Xavier Bertrand nous a promis l'égalité salariale entre hommes et femmes d'ici deux ans. Cette semaine, il promet de s'attaquer aux abus de stagiaires... Encore un vœu pieu ?
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Commentaires
Mais aujourd’hui, par le stage, l’esclavagisme subsiste officieusement.
Outre le travail au noir qui sous-paie de manière illégale des travailleurs ainsi exploités, l’un des fléaux les plus inégalitaires du monde du travail actuel est l’emploi des stagiaires. Ces larbins diplômés sont bien souvent utiles à des "patrons" qui voient en eux une "main-d’œuvre" bon marché si ce n’est pas gratuite.
Aujourd’hui, 90% des diplomés français passent par cette étape pratiquement obligatoire, sorte d’épreuve initiatique indispensable à l’entrée dans la vie active. Lorsque la chance est au rendez-vous, la rémunération pour un étudiant ou un jeune diplômé est attractive. Mais souvent, la chance ne sourit pas. Et comme la législation ne semble pas défendre le stagiaire, la porte est grande ouverte à de nombreux abus.
Le stage, aussi indispensable soit-il, est une épreuve de précarité pour tous ces jeunes obligés d’en passer par là. La liste des abus les plus inacceptables est longue : la non-rémunération d’une main-d’œuvre pourtant qualifiée (non-rémunération au sens propre, parfois pour une durée de travail hebdomadaire voire quotidienne largement supérieure à la législation du travail dans notre cher Hexagone), la suppression de "postes fixes" normalement en CDD ou CDI remplacés et dissimulés derrière des stages bien plus intéressants financièrement pour l’entreprise, des stages "photocopieuses" sans aucune vocation pédagogique ou bien l’inverse, des stages réellement productifs où le stagiaire fournit le même travail qu’un employé de l’entreprise, sans contrepartie. En somme, de l’exploitation, de l’exploitation, toujours de l’exploitation pour encore plus de profits…
Les conséquences de cette dérive de l’utilisation du stagiaire sont nombreuses. Mis à part l’expérience apportée par le stage, ce système actuel ne sert que la précarisation des étudiants et toutes les dérives que l’utilisation abusive de stagiaires non rémunérés au détriment de contrats de travail permet. En 2005, le Conseil économique et social s’était penché sur le sujet et avait tiré un premier signal d’alarme soulignant "la nécessité de procéder à un réexamen des conditions statutaires des stages en entreprises".
En septembre 2005, des milliers de jeunes stagiaires étaient descendus dans la rue, masqués, afin de revendiquer leurs droits et de faire prendre conscience aux pouvoirs politiques de cette situation critique. Les slogans étaient révélateurs du sentiment d’impuissance de la situation. "Sois stage et tais-toi", que l’on pouvait lire sur les pancartes et depuis devenu le titre d’un livre, résumait bien la problématique du thème. Le stagiaire, désirant et nécessitant une expérience dans le monde professionnel, ne peut se soustraire à ce traitement. Auquel cas, ce sera toujours lui le grand perdant…
Alors, la question que je me pose est simple. Comment peut-on accepter de traiter nos jeunes diplômés de la sorte ? A quand une réelle volonté politique de sortir le monde du travail d’une précarité toujours plus latente ? A quand une réforme du statut du stagiaire ?
(Source : AgoraVox) Répondre | Répondre avec citation |
A lire sur www.20minutes.fr : Malcolm Hammer, animateur du collectif Génération Précaire, répond aux questions des internautes. Très instructif.
Le stage est-il l’esclavage moderne ?
Parler d'esclavage moderne est une formule qui choque, mais il faut prendre le temps de bien l'analyser : Pourquoi accepte-t-on de faire un stage, c’est-à-dire de viser à l'efficacité d'un véritable employé de donner le maximum de gages de qualification et de d'engagement alors que la promesse d'embauche est sans garantie ? Cela montre une génération qui a besoin de montrer son attachement à des valeurs collectives, et qui choisit de le faire en montrant sa confiance dans l'entreprise prise en général. Un autre aspect, c'est la dévotion voire l'adulation d'une marque : les jeunes qui parviennent à travailler en stage pour une marque ont l'impression de toucher le graal symbolique d'une société où l'essentiel est certes de consommer, mais de consommer en étant lié à une marque : dans les médias, la musique, le luxe, la finance aussi, certains font des sacrifices impossibles à concevoir pour d'autres générations qui n'auraient jamais supporté d'être seulement rémunérées en prestige.
Si on parle de servitude volontaire et de ses causes, on a plus de chance de voir aboutir une solution que si on effraie les responsables avec ce terme d'esclavage, mais au strict sens économique avoir des gens qui travaillent pour rien, dans un pays où ils sont soutenus par un système social, leurs familles, etc, c'est en fait plus lucratif même que des esclaves… Relisez notre livre "Sois stage et tais toi" sur ces questions assez passionnantes… Répondre | Répondre avec citation |