Jeudi 6 septembre à Colmar, le Président de la République a annoncé qu’il allait engager un «gigantesque plan contre la fraude au chômage» en le justifiant par ces mots : «C'est normal que quand quelqu'un est au chômage, la société lui tende la main, lui donne des indemnisations. Ce n'est pas normal quand on est au chômage, qu'on refuse un emploi qui correspond à votre qualification parce que ce sont les autres qui paient». Ben voyons !
Par ces mots, Nicolas Sarkozy verse – une fois de plus – dans les plus abjectes démagogie, malhonnêteté intellectuelle, désinformation et manipulation. Alors que le travail au noir, «institutionnalisé» dans certains corps de métiers comme le bâtiment, la confection, l’hôtellerie/restauration, l’agriculture… plombent les comptes sociaux (assurance-maladie, financement des retraites et, évidemment, assurance-chômage) et que le chef de l’État prône devant les patrons du Medef une dépénalisation du droit des affaires, c’est aux chômeurs qu’il va s’attaquer en priorité. Quel courage !
Des sous-entendus abjects au service de la manipulation de l’opinion
Voilà que Nicolas Sarkozy nous ressert l’argument scélérat justifiant, selon lui, l’ouverture de cette «gigantesque» chasse aux fraudeurs : En France, c’est bien connu, les chômeurs refusent massivement le travail qu’on leur propose. C’est aussi simple que ça. Ben oui, Mesdames, Messieurs, les millions de chômeurs que compte notre pays sont tellement satisfaits de leur sort qu’ils refusent de travailler, et pour cette raison, il est grand temps de mettre en œuvre un «gigantesque plan contre la fraude». Logique, non ? Et ce 6 septembre 2007 à Colmar, Nicolas Sarkozy a cru bon d'en remettre une couche bien nauséabonde. Citons-le : «À la fin du mois, celui qui travaille ne peut pas avoir la même situation que celui qui ne travaille pas».
Mais monsieur le Président, vous savez pertinemment que des centaines de milliers de chômeurs ne sont pas indemnisés par le régime général d’assurance-chômage (Assedic), notamment tous les travailleurs précaires qui, faute d’avoir cotisé suffisamment longtemps, ne peuvent prétendre à une indemnisation, mais également tous ceux qui sont en fin de droits. Vous savez pertinemment que le régime général d’assurance-chômage attribue à une personne indemnisée 57% de son revenu brut. En d’autres termes, un salarié rémunéré 2.000€ bruts par mois quand il était en activité (soit grosso modo 1.600€ nets), perçoit une fois au chômage une allocation de 1.100€. Le manque à gagner sur un an s’élève pour lui à 7.600€ (500€ par mois, plus son treizième mois). De quoi faire des envieux, en effet, surtout quand on a des crédits sur le dos !
Monsieur le Président, vous savez aussi que des dizaines de milliers de chômeurs ne touchent rien, pas même un minima social, car le RMI ou l’ASS (Allocation spécifique de solidarité) ne sont attribués que sous certaines conditions de ressources (quand la rémunération d’un conjoint dépasse un certain seuil, le chômeur n’y a pas droit).
Que Sarkozy commence par s’attaquer aux VRAIS problèmes
Alors que certains contestent légitimement la réalité des chiffres du chômage, notamment les chercheurs et les statisticiens réunis dans le collectif ACDC - Les Autres Chiffres Du Chômage, alors que le taux de chômage officiel (la catégorie 1) «oublie» de comptabiliser près d’un million de VRAIS chômeurs : 400.000 DRE – dispensés de recherche d’emploi de plus de 57 ans et demi – et 480.000 jeunes de 16 à 25 ans (1), alors qu’un chômeur indemnisé ne touche que 57% du salaire brut qu’il percevait et que des dizaines de milliers de demandeurs d'emploi ne touchent rien, pas même les minima sociaux, voilà que Nicolas Sarkozy annonce son «gigantesque plan contre la fraude», laissant entendre que, massivement, les chômeurs refusent de travailler et, pire encore, touchent autant, voire plus, que ceux qui travaillent. C’est honteux !
Monsieur Sarkozy, attaquez-vous aux vrais problèmes de la France, à commencer par le chômage de masse et l’accroissement de la précarité professionnelle. Arrêtez de nous promettre une croissance économique de 2,25% en 2007 alors que l’OCDE table sur un piteux 1,8% que nous lègue votre majorité UMP au pouvoir depuis 2002. Donnez des moyens à l’Inspection du travail pour traquer les entreprises qui emploient des centaines de milliers de travailleurs au noir. Luttez contre la fraude fiscale qui sévit principalement là où «l’argent liquide» circule, chez les professions libérales, chez les artisans, chez les commerçants… (dont beaucoup sont vos électeurs). Ne dépénalisez pas la délinquance en col blanc (abus de biens sociaux, magouilles à la TVA…) et traquez les milliards d'euros qui, chaque année, fuient vers les paradis fiscaux. Taxez les profits indécents que réalisent les grandes entreprises et les multinationales françaises qui ne cessent d’annoncer des plans de licenciement pour conforter plus encore leurs marges bénéficiaires…
Monsieur Sarkozy, de sinistres nuages s’amoncèlent en cette rentrée : Croissance au ralenti, déficit record de la balance commerciale, accroissement de la dette publique, hausse des prix… héritages de VOTRE majorité qui gouverne la France depuis 2002. Et vous, vous ne trouvez rien de mieux à faire que d’engager un «gigantesque plan contre la fraude au chômage», laissant entendre qu’il s’agit d’un phénomène de masse alors qu’il reste marginal, et vous le savez parfaitement. Votre message est clair. Vous voulez faire croire aux Françaises et aux Français que des millions de salopards de chômeurs fraudent et refusent un travail… que vous êtes bien incapable de leur fournir. Monsieur le Président, vous êtes un malhonnête (2) !
Actuchomage
(1) Alors que le Président Sarkozy nous vante les vertus d’une France où il faudra travailler plus et plus longtemps, 418.000 chômeurs sont dispensés de recherche d’emploi - donc non comptabilisés dans la catégorie officielle des demandeurs d’emploi, la catégorie 1 - car ils sont considérés comme «trop vieux» (plus de 57 ans et six mois, 55 ans dans certains cas) pour retrouver du travail. À ce chiffre confirmé par Jean-Pierre Revoil, directeur général de l’UNEDIC jusqu’en juillet dernier, il faut ajouter les centaines de milliers de moins de 25 ans qui ne sont pas inscrits à l’ANPE. Et le chiffre précis, nous l’avons obtenu de la part du Conseil National des Missions Locales. Selon une représentante de cet organisme chargé d’accompagner les jeunes dans leurs recherches d’emploi, de logement et le suivi de leur santé : «En 2006, les Missions Locales ont accueilli 1,2 millions de jeunes âgés de 16 à 25 ans, en situation de recherche d’emploi. Et plus de 40% des jeunes reçus ne sont pas inscrits à l’ANPE». Derrière ce constat se cache un chiffre colossal : Plus de 480.000 jeunes chômeurs n’apparaissent donc dans aucune statistique officielle ! Près d’un million quand on les additionne aux DRE évoqués plus haut.
(2) Nous avons longuement hésité. D'autres qualificatifs plus… euh… tranchants, pour ne pas dire vulgaires, nous venant spontanément à l'esprit.
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