Alors qu'elle exprimait hier sur BFM son opposition à une fusion ANPE-Unedic (lire en commentaire), son mépris viscéral pour les chômeurs a ressurgi. Interrogée sur des sanctions pour les demandeurs d'emploi refusant plusieurs offres correspondant à leur qualification, Annie Thomas a estimé que «tout système comporte des droits et des devoirs», notamment celui pour le demandeur d'emploi «de se projeter dans une recherche et un retour à l'emploi». Et d'affirmer que «l'assurance chômage n'est pas une rente de situation versée parce qu'on a cotisé toute sa vie. Les demandeurs d'emploi font souvent cette erreur».
Nous l'avions déjà vue à l'œuvre lors de passages télévisés, notamment en novembre 2005 à l'occasion d'un Capital sur M6 consacré au chômage où elle avait déclaré : «Les chômeurs s'imaginent qu'ils ont le droit de toucher des allocations parce qu'ils ont cotisé, et qu'ils ont du temps devant eux. [...] Un demandeur d'emploi a le devoir d'accepter un salaire même inférieur à 25 ou 30% de son salaire antérieur, parce qu'il doit faire le deuil de son ancien emploi et se projeter»...
C'est faire fi de la violence d'un licenciement ("faire son deuil"). C'est ignorer que la majorité des chômeurs qui retrouvent du travail subissent déjà le déclassement et la déqualification ("se projeter"). Et parmi les chômeurs de longue durée, il y en a des tonnes qui accepteraient un salaire minimum mais qui, bizarrement, doivent se contenter de misérables contrats aidés ou restent sur le carreau. En les accusant de jouer les difficiles ou de profiter du système, Mme Thomas élude le préjudice social et moral de la perte d'emploi : or, tout préjudice mérite réparation. L'indemnisation versée par l'Assedic est bien peu à la hauteur, puisque le montant moyen des allocations est de 800 € par mois et qu'un privé d'emploi sur deux n'y a pas droit.
Qui sont les vrais profiteurs ?
Mme Thomas oublie qu'en premier lieu ce sont les employeurs qui, non seulement veulent le beurre et l'argent du beurre en exigeant du personnel qualifié qu'ils refusent de payer à sa juste valeur (on ne parlera même pas de ceux qu'ils considèrent trop vieux et trop chers dès l'âge de 35 ou 40 ans, voués à rester durablement sur la touche), mais aussi profitent des nombreux allègements de charges et se lavent les mains des conséquences de leurs choix économiques sur l'assurance chômage et la collectivité. Jamais elle n'évoque de responsabiliser les entreprises sur leurs politiques de l'emploi en taxant, par exemple, la précarité qui grève considérablement les finances de l'Unedic.
Cette fonctionnaire préconise pour les autres ce qu'elle ne tolèrerait pas pour elle-même. Estimant que les chômeurs sont responsables de leur situation, Annie Thomas est emblématique d'une caste de planqués qui se prétendent "défenseurs des salariés" et décident du sort des victimes du chômage en les méprisant, réduisant toujours plus leurs droits et scellant leur sort sans concertation aucune (car les associations de chômeurs n'ont pas droit de cité dans les négociations). Son organisation, la CFDT, nous a moult fois prouvé qu'elle était un syndicat pro-patronat. A l'heure où s'annonce une nouvelle réforme de l'assurance chômage et du marché du travail, avec de tels "partenaires sociaux", gageons que les chômeurs - et les salariés ! - seront encore à la fête.
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