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D'abord, c'est la première fois qu'un chef de l'Etat en exercice décide de prononcer son discours de rentrée dans un rassemblement patronal : une démarche symbolique forte qui nous confirme que Nicolas Sarkozy est avant tout le président de la France… du CAC40.
Outre l'imposture dont il fait preuve régulièrement, le "volontarisme flou" demeure l'une de ses marques de fabrique : ainsi son discours de politique économique, truffé de généralités, est resté creux bien que la rentrée s'annonce difficile. Aux salariés, il a réservé ses «formules incantatoires» (dixit la CGT) mais aux patrons, il a fait des promesses concrètes pour les libérer des carcans juridiques et administratifs qui pèsent tant sur eux. Car, de la même façon qu'il estime qu'il faut donner davantage aux plus riches afin de relancer la demande intérieure, Nicolas Sarkozy estime que libérer l'environnement des entreprises, c'est garantir aux salariés de meilleures conditions de travail et donc l'amélioration leur pouvoir d'achat (de même que, selon lui, seule une concurrence renforcée permet de contenir les prix, donc de défendre le pouvoir d'achat des Français) : CQFD.
Les mauvais penchants de la nature humaine - dont la rapacité, l'abus de pouvoir et l'exploitation éhontée de l'homme et de la nature -, Nicolas Sarkozy les ignore et ne songe pas à les dompter. Au contraire (1). C'est ainsi que l’"innovation" sarkozyenne encensée par un auditoire moutonnier surgira de cette déclaration : «La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur et je vais y mettre un terme». Comment «rendre aux Français le goût d'entreprendre» si «au risque financier s'ajoute systématiquement le risque pénal ? Si la moindre erreur de gestion peut vous conduire en prison ?» s'est demandé le chef de l'Etat, déplorant que «tant et tant de contentieux qui pourraient être réglés au civil viennent embarrasser nos juridictions correctionnelles et notre droit pénal». Pour remédier à cela, il a donc promis que son amie Rachida Dati ferait «très rapidement des propositions» (2).
La justice bientôt exclue du monde de l'entreprise ?
Atterrée par les propos mensongers du président (3), Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la Magistrature, a vivement réagi. Pour elle, la pénalisation du droit des affaires ne vise «rien d'autre que des fraudes à la loi, lorsqu'un chef d'entreprise agit contre les intérêts de sa société. (...) De quoi parle M. Sarkozy : des abus de biens sociaux, des problèmes d'entente illicite, de corruption active ?» Et de rajouter : «Avant d'être un risque pour l'entreprise, [le droit des affaires] est un risque pour les patrons indélicats». Ainsi, elle estime que «le président a choisi son camp» et qu’«il durcit sans cesse son propos et la législation contre les plus faibles, mais a la plus grande mansuétude envers les patrons qui auraient détourné l'intérêt social de leur entreprise au profit de leur intérêt personnel.»
De son côté Bruno Thouzellier, président de l'Union syndicale des magistrats, espère que cela ne signifie pas «que la justice n'a plus à se mêler du monde des entreprises» et a plaidé pour le maintien d'une «régulation pénale» du monde des affaires «afin que ceux qui franchissent la ligne rouge soient sanctionnés».
Bienvenue dans "la France d'après" où la "tolérance zéro" est réservée au voleur d'oranges tandis que le col blanc sera, lui, intouchable. Rappelons que sur la dernière décennie, la part de la délinquance économique et financière ne représentait que 1% de l'ensemble des délits sanctionnés : avec Nicolas Sarkozy on descendra à 0%, soit 100% de tolérance au nom de la croissance et de la compétitivité.
(1) On se souvient qu'une fois élu, ses promesses sur la "moralisation de la vie économique" et sur les parachutes dorés sont rapidement tombées à l'eau.
(2) A noter que, dans le cadre de la refonte de la carte judiciaire, la nouvelle ministre de la Justice s'apprête à réduire le nombre des conseils de Prud'hommes...
(3) On se souvient aussi que, dans le cadre de sa campagne électorale où le populisme se taillait la part du lion, Nicolas Sarkozy a tenté de faire croire au bon peuple que les jours de grève étaient payés ! Autre imposture du même acabit : Nicolas Sarkozy qui fait croire aux Français que les préretraites et la dispense de recherche d'emploi sont la cause du chômage des seniors, où que l'instauration d'un service minimum résoudra l'inconfort des usagers des transports en commun alors que les grèves ne représentent qu'une très infime partie des dysfonctionnements (2% à la SNCF)... Etc etc.
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Commentaires
Le nombre annuel de condamnations (environ 4.000) reste stable depuis 10 ans. Elles sanctionnent principalement les infractions fiscales (48%) et les manquements à la législation sur les sociétés (43%).
Principaux enseignements du rapport : la délinquance économique et financière est particulièremen t complexe : il s’écoule en moyenne 4 ans entre la commission des faits et leurs condamnation, contre 9 mois pour les autres délits. Elle est aussi changeante : les abus de bien sociaux ont ainsi progressé de 41% entre 1990 et 1999, tandis que les dossiers de corruption ont plus que doublé.
Au mois d’avril, un sixième rapport de la mission parlementaire sur la lutte contre le blanchiment en Europe sonnait l’alarme sur les carences de la France. En aval de la prévention, les députés dressaient un bilan mitigé de l'action judiciaire et policière. Parmi d’autres écueils, le faible nombre de dossiers transmis par le service de renseignements financiers au parquet. En 2001, ce service a reçu 3.761 dossiers, dont 226 seulement ont été transmis au parquet. Mais seules 14 informations judiciaires ont été ouvertes.
Les peines prononcées sont en revanches plus sévères que dans les cas de délinquance classique. Les peines d’amende sont en moyenne de 16.654 €, contre 380 € pour les affaires de vol et recel. Et si des peines de prison sont dans 78,5% des cas prononcées, seules un tiers comportent une partie de prison ferme, dont la durée moyenne est inférieure à un an.
(Source : L'Expansion du 08/08/2002) Répondre | Répondre avec citation |
"Il ne faudrait pas laisser croire que les contrôles fiscaux sont déclenchés suite à des dénonciations anonymes. Dans la majorité des cas, les dénonciations, elles vont déjà à la poubelle". (…)
"En réalité, dans la quasi totalité des procédures de contrôle fiscal, il y a d'abord un contrôle du dossier, éventuellement une phase de recherche, et s'il y a un motif d'engager un contrôle fiscal, alors on l'engage. Mais ça ne se fait pas n'importe comment ! (…) Il peut y avoir des situations exceptionnelles où l'on reçoit anonymement des documents prouvant qu'il y a une organisation de la fraude, mais même dans ce cas-là, il y a une phase de contrôle préalable. On ne se lance pas comme ça arbitrairement parce qu'il y a une dénonciation, c'est une pratique que les agents des impôts réprouvent aussi. (…) Jouer là-dessus, ça nous semble une image d'Epinal."
Et les images d'Epinal pour tromper le bon peuple ignorant, Nicolas Sarkozy adore ça ! Répondre | Répondre avec citation |
«Depuis longtemps, Nicolas Sarkozy sait y faire avec les chefs d'entreprise. (…) Pour la séduction, c'est réussi», résume François-Xavier Pietri dans La Tribune. «Pour autant, la plupart des principes égrenés devant Laurence Parisot et ses pairs relèvent largement des thèmes de la campagne présidentielle» .
«Donner du baume au coeur aux chefs d'entreprise». Nicolas Sarkozy n’aurait pas su enlever le costume de candidat pour passer à celui de Président. «Hier, le président avançait en terrain connu», remarque Patrick Berthomeau dans Sud Ouest. Mais il devra «donner une image plus précise des rapports économiques et sociaux qu'il imagine pour nous et pour l'avenir».
En ce qui concerne le présent, les éditorialistes ont été plutôt déçus par l’absence de mesures concrètes. «Nicolas Sarkozy a martelé quelques-unes de ses promesses électorales, note Francis Lachat dans Le Courrier Picard. Tout cela ne pouvait manquer de donner du baume au cœur aux chefs d'entreprise. Et c'était manifestement le but du jeu. Car pour le reste, il s'est bien gardé d'annoncer trop concrètement des réformes».
«Travail d’Hercule». Bernard Revel, dans L'Indépendant du Midi, revient plutôt sur le style Sarkozy : «Nicolas Sarkozy a le chic pour présenter chaque projet comme s'il s'agissait d'un travail d'Hercule qu'il serait le seul à pouvoir mener à bien. Mais qui donc voudrait faire peur à Nicolas Sarkozy ? (…) Pourquoi veut-il toujours donner l'impression qu'il l'appliquera contre vents et marées ? Il n'y a ni vent ni marée. C'est peut-être cela qui lui manque : une forte opposition, un vrai combat comme pendant la campagne électorale.»
C’est cette posture de candidat qui a agacé les éditorialistes : «Pour le reste, au-delà des chefs d'entreprise, il s'est adressé à l'opinion en campant sur une ligne néo-populiste en stigmatisant tout à la fois, les spéculateurs, l'euro et la Banque centrale européenne, attaque Philippe Waucampt dans Le Républicain lorrain. Cette recherche de boucs émissaires traduit bien un début d'essoufflement de la dynamique présidentielle. Faute d'idées neuves à jeter quotidiennement en pâture, on en revient à la rhétorique du simili-complot extérieur qui, parce qu'elle se fonde sur des éléments de vérité, conduit à enfoncer des portes ouvertes.»
(Source : 20 Minutes) Répondre | Répondre avec citation |
"Reconnaissance", "moment historique"… Cet hommage à "l'esprit d'entreprise" devant un Medef "charmé" sacralise avant tout la liberté d'exploiter les salariés (qui sont, eux aussi, créateurs de richesses mais devront se contenter de miettes) en s'affranchissant de toute déontologie.
L'accumulation des richesses demeure, mais leur partage et leur réinvestissemen t ne sont plus à l'ordre du jour. Répondre | Répondre avec citation |
L'ancienne magistrate en charge de l'affaire Elf, devenue conseillère du gouvernement norvégien, réagit durement au projet du chef de l'Etat de "dépénaliser" la vie économique : «C’est une extraordinaire et étrange décision que de choisir de soutenir les délinquants contre les victimes», estime-elle. Répondre | Répondre avec citation |
A l’occasion d’un déplacement au tribunal de commerce de Paris le 6 septembre, Nicolas Sarkozy a confirmé son souhait d’en finir avec une «pénalisation à outrance» du droit des affaires.
Faisant preuve d’une mansuétude inhabituelle, il indique que les poursuites pénales seront interdites lorsque des sanctions financières auront déjà été prises par une juridiction administrative ou civile à l’encontre d’un dirigeant d’entreprise indélicat. Il a également évoqué un racourcissement du délai de prescription du délit d’abus de biens sociaux.
Ces dernières années, la lutte contre la corruption a marqué le pas, ne bénéficiant pas de la même attention que la délinquance de rue de la part des responsables politiques.
Alors que les condamnations pénales pour les infractions économiques et financières ne représentent que moins de 1% de l’ensemble, le Président de la République choisit d’envoyer un signal de connivence à ceux des dirigeants qui s’y livrent. Il omet également de préciser que dans nombre de domaines, il existe un régime de double sanction : un fonctionnaire commettant un délit dans l’exercice de ses fonctions se verra ainsi passible de poursuites pénales et disciplinaires, de même qu’un adolescent en cas de délit dans l’enceinte de son établissement scolaire.
Le Syndicat de la magistrature s’oppose avec force aux pistes dégagées par Nicolas Sarkozy qui, un mois après l’entrée en vigueur de la loi instaurant des «peines-planchers», ne craint pas d’assumer une vision de la Justice qui rompt avec le principe républicain d’égalité devant la loi. Désormais très compréhensif avec les «patrons-voyous», le Président de la République se range ostensiblement dans ce domaine aux côtés des délinquants contre les victimes (salariés, actionnaires, contribuables). Répondre | Répondre avec citation |