En décembre 2007, annonce la ministre de l'Economie, 55% des entreprises de plus de 10 salariés («155.000», lit-on un peu partout) et 32% des entreprises de moins de 10 salariés (367.000 «TPE») auraient profité de la défiscalisation des heures supplémentaires, soit un peu plus de 520.000... Sachant qu'il y a environ 2,5 millions d'entreprises en France [1], on reste dubitatif sur les chiffres avancés et, surtout, sur l'ampleur/impact de la mesure.
Et de préciser qu'au démarrage du dispositif, en octobre 2007, 20 millions d'heures sup’ avaient été déclarées à l'ACOSS - l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, caisse nationale des URSSAF - par les entreprises de plus de 10 salariés, puis 38 millions en novembre (soit 130 millions d'euros d'exonérations…). Puis 46 millions (soit 162 millions d'euros d'exonérations… ou 28.600 emplois équivalents temps plein) en décembre : une "montée en puissance" qui réjouit la grande Christine alors qu'il semble plutôt logique que le nombre d'heures supplémentaires explose avec l'arrivée de Noël, non ? Beaucoup réalisent une grande partie de leur chiffre d'affaires à ce moment-là, d'où accélération de leur activité dès le mois de novembre.
De plus, jetées en pâture aux médias sans comparaison avec l'année précédente, ces données n'ont finalement aucun sens. Pire : les récents chiffres publiés par l'INSEE et la DARES ont montré qu'il n'y pas eu d'augmentation de la durée de travail en France en 2007. Trois mois après l’entrée en vigueur de la loi, la durée hebdomadaire collective moyenne du travail est restée stable à 35,6 heures fin décembre. Si certains ont gagné plus du fait des exonérations (pour la ministre, il n'y a pas que les entreprises qui en profitent puisque le gain pour les salariés bénéficiaires aurait navigué «entre 50 et 120 € net par mois»), les salariés n’ont pas travaillé plus. Entreprises et salariés ont donc bénéficié d’un «effet d’aubaine» dénoncé par Pierre Moscovici, du parti socialiste. Rappelant que ce dispositif - qui est à la discrétion des employeurs et non des salariés - permet surtout aux entreprises de ne pas embaucher, il estime qu'elles ont «fait des heures supplémentaires qui auraient été faites de toutes façons et elles sont défiscalisées en plus, donc c'est vous et moi qui les payons.»
Et en effet, pour 2008, l'Etat a prévu de consacrer près de 6 milliards d'euros - soit l'équivalent du budget annuel du ministère de la Justice - à ces exonérations : 5,5 milliards sur les cotisations sociales des employeurs + 400 millions sur l'impôt sur le revenu des salariés concernés. Un beau manque à gagner pour la protection sociale.
[1] En France, il y a quelque 2,5 millions d'entreprises : • 5.000 - soit 0,2% du total - ont plus de 250 salariés, • 80.000 - soit 4% du total - ont de 20 à 249 salariés (PME), • 2,4 millions - soit 95,8% du total - ont moins de 20 salariés (TPE). Avec les chiffres de Mme Lagarde, il n'y a plus que 1,1 million d'entreprises de moins de 10 salariés et 300.000 entreprises de plus de 10 salariés en France, soit un total d'à peine 1,5 million. Le compte n'y est pas. Pour une ministre de l'Economie, c'est embêtant.
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