Selon la thèse officielle, le surendettement financé par des produits toxiques serait à l’origine de l’effondrement du système bancaire américain qui a entraîné dans son sillage une partie des grandes banques occidentales. Et certains d’affirmer que la crise aurait pu être évitée si le gouvernement états-unien avait «soutenu» les ménages surendettés plutôt que leurs créanciers, les banques. Ainsi, en finançant le premier maillon faible du système aurait-on protégé les suivants, évitant l’effet domino qui a plongé dans la tourmente la finance internationale, puis l’économie occidentale, jusqu’à la récession que nous connaissons aujourd’hui.
Cette thèse «séduisante» est cependant très parcellaire, ne s’attachant qu’à détailler un aspect de la grande chaîne des interactions économiques. Le surendettement n’est pas la cause des troubles que nous connaissons aujourd’hui. Il n’est qu’une conséquence d’un système qui privilégie depuis plusieurs décennies la surconsommation par un dumping économique mondialisé, dont le surendettement n’est qu’un stimulant.
Cette surconsommation et cette surproduction sont sans avenir dans un monde promis à la raréfaction et à la pénurie de ses matières premières, à mesure que sa population augmente.
Il y a un an, on envisageait un pétrole à 200 $ le baril !
Souvenez-vous, quelques mois avant la crise, les prix des matières premières flambaient, à commencer par celui du pétrole, mais pas seulement. D’autres tensions très vives s’annonçaient sur l’acier, le charbon… et aussi sur les denrées alimentaires de base, dont l’envolée des cours provoqua des émeutes dans plusieurs pays du tiers-monde. Le rythme de la croissance économique mondiale au début des années 2000, plus particulièrement dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil…), laissait présager le pire sur le marché des matières premières énergétiques, industrielles et alimentaires.
Ainsi, certains analystes annoncèrent que d’ici quelques années, la production mondiale de pétrole ou d’acier ne suffirait pas à couvrir les besoins. En conséquence de cette «raréfaction», tous les cours s’envolèrent. Il y a un an, on envisageait à brève échéance un prix du pétrole à 200 $ le baril. Il est aujourd’hui 4 fois moins cher.
Car «la crise» est arrivée, imposant une révision drastique (et déchirante pour nos dirigeants) de toutes les prévisions. Et depuis quelques mois, on ne parle même plus de «croissance négative» mais bien de récession dans la plupart des grandes puissances économiques.
Le système du «tout jetable» a vécu
Aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, quand le pneu d’un vélo est crevé, on ne répare pas la chambre à air comme on le faisait encore dans les années 60 ou 70, on ne la remplace pas comme on le faisait dans les années 80 : On achète un nouveau vélo ! Et c’est ce mode de consommation absurde qui vise à renouveler de plus en plus rapidement tous les produits, tout en s’équipant de nouveaux matériels aux durée de vie et utilité réduites, qui est sanctionné. En notre for intérieur, nous savons que «le tout jetable en un temps record» a vécu, mais c’est pourtant ce système hégémonique que les puissances occidentales tentent d’imposer à l’ensemble des pays du monde.
Nous devrions être entre 9 et 10 milliards d’êtres humains dans 40 ans (contre 6,7 milliards aujourd’hui et 3 milliards en 1950). En 100 ans, la population mondiale aura donc triplé et son espérance de vie augmenté de 50%. Croyons-nous raisonnablement que 9 à 10 milliards d’humains peuvent vivre sur un rythme de consommation comparable à celui des Européens ou des Américains ? Nous savons déjà qu’il faudrait 4 ou 6 planètes équivalentes à la nôtre pour subvenir aux besoins de la population mondiale actuelle si son niveau de vie ou, plus exactement, son exigence de consommation était celle des USA.
Ce ne sont donc pas les systèmes bancaire, financier et industriel qui sont en crise, mais bien notre frénésie de consommation. Et nous ne pouvons que nous en réjouir puisqu’elle est sans avenir si nous la propageons au niveau mondial.
L’avenir passe par le partage des richesses et du travail
La seule mesure qui offre de réelles perspectives de développement, c’est le partage des richesses à destination des milliards d’êtres humains qui n’ont pas encore atteint notre niveau de vie, notamment dans ses besoins les plus élémentaires : accès à l’eau potable, à la nourriture, à l’électricité, aux soins, aux transports en commun… Cependant, cette perspective se heurte à un blocage fondamental : l’égoïsme de la nature humaine qui n’envisage son bonheur qu’au travers de l’accaparation des richesses.
Plutôt que de susciter cet élan de partage, «la crise» va accroître ce repli sur soi-même, cet égoïsme forcené. Souvenez-vous, c’était il y a à peine 5 mois. La première grande mobilisation sociale, celle du 29 janvier, n’avait qu’un objectif : la défense et la revalorisation du pouvoir d’achat, revendication a priori légitime mais pas vraiment prioritaire en ce début d’année 2009 où des centaines de plans sociaux annonçaient une spectaculaire envolée du chômage qui n’est pas prête de retomber.
Ils nous mettent dans la merde et prétendent nous en sortir
Et, aujourd’hui encore, les 400.000 nouveaux chômeurs inscrits depuis quelques mois à Pôle Emploi (et tous ceux qui vont suivre) ne sont toujours pas la priorité des syndicats, alors que le chômage est la première préoccupation des Français. Il n’y a donc pas que nos dirigeants politiques et économiques qui sont à côté de la plaque. Et ça ne devrait pas s’arranger ! Car il y a quelque chose d’ahurissant dans les événements que nous subissons depuis plusieurs mois : Ceux qui nous ont placés dans «la crise» prétendent aujourd’hui détenir les solutions pour nous en sortir. Et ceux qui nous alertaient sur les inconséquences de nos dirigeants n’ont même pas la possibilité d’émettre l’ombre d’une proposition.
Alors que le système apparaît inadapté aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux de demain, aucune perspective alternative de développement n’est aujourd’hui envisagée et testée. Les deux seules options évoquées en France sont la relance par l’investissement (privilégiée par l’UMP) et la relance par la consommation (revendiquée par le PS). C’est tout ! Mais l’une ou l’autre ne vise qu’un objectif : Relancer la consommation ou, plus exactement, la surconsommation dont nous avons vu plus haut qu’elle est sans avenir à court terme, puisqu’elle conduira à une envolée des cours des matières premières, et à moyen terme, puisqu’elle se traduira par une raréfaction et une pénurie des ressources naturelles. Sans parler des nuisances environnementales : Pollution, réchauffement climatique…
Nous sommes entrés en décroissance
Il va sans dire que ce n’est ni par l’investissement tel qu’il est envisagé (essentiellement axé sur la construction de nouvelles infrastructures) ni par une augmentation du pouvoir d’achat, que nous sortirons de la récession. N’ayons pas peur des mots, nous sommes entrés, contraints et forcés, dans une période de décroissance qui imposera, d’une manière ou d’autre, l’émergence d’un nouveau mode de vie.
Quand nous aurons pris la mesure de la révolution qui se dessine, il nous faudra admettre que l’avenir de nos sociétés passe par un partage des richesses (naturelles et matérielles) et du travail. Tout discours ne nous préparant pas à cette échéance apparaîtra caduc sous peu. Mais, pour que la prise de conscience soit générale, nous devrons toucher le fond, pas celui que les analystes économiques et les dirigeants politiques estiment aujourd’hui avoir touché. Non, nous allons poursuivre notre plongée en eau profonde avant de nous affranchir de notre conditionnement de surconsommateur sur lequel se fonde le système actuel.
Nous allons réapprendre à changer le pneu crevé du vélo, et plus le vélo ; il est même probable que nous soyons contraints de réparer la chambre à air, et pas simplement la remplacer. Si nous n’anticipons pas ce bouleversement de notre mode de vie, il s’opérera dans la douleur… dont nous commençons seulement à ressentir les premiers effets.
Yves Barraud
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