Ça promet ! Xavier Darcos, tout nouveau dans ses fonctions, a sorti cette première pique à l'encontre de l'opposition au sujet du travail dominical : «Je trouve que, dans cette affaire, la gauche montre une fois de plus qu'elle a un problème avec le travail», a-t-il lancé aujourd'hui sur France-Inter. «On ne peut pas dire qu'on veut promouvoir le pouvoir d'achat des Français et en même temps les empêcher de dépenser librement quand ils le veulent. (...) Avant, elle voulait tous nous faire travailler 35 heures, ni plus ni moins. Maintenant elle veut absolument empêcher les gens de pouvoir faire quelques courses le dimanche», a-t-il déploré.
«Mais ce n'est pas la droite qui a un problème avec le repos dominical, c'est la gauche qui a un problème avec le travail en général», a-t-il martelé. Pourtant, selon lui, «cette loi répond à une demande sociale : elle facilite la vie des entreprises, elle crée des emplois, elle donne des garanties supplémentaires aux salariés, et la gauche est contre par principe».
Reprenons point par point ces venimeuses allégations...
Promouvoir le pouvoir d'achat des Français ? Pour ce faire, il faudrait tout simplement augmenter leurs salaires, gelés depuis des années grâce à l'hégémonie d'un capitalisme antisalarial. Ce qui relancerait non seulement notre économie par sa demande intérieure, augmenterait les gains de TVA dans les caisses de l'Etat, mais rehausserait aussi les recettes de notre protection sociale.
Dépenser librement quand ils le veulent ? Postulat complètement ridicule car le porte-monnaie des Français — surtout en ce moment où ce n'est plus "quand on veut" mais plutôt "quand on peut" ! — n'est pas extensible : ce qu'on dépense le dimanche, on ne le dépense pas le lundi… ni le mardi. Même que beaucoup, dégradation de leurs finances oblige, découvrent les vertus de la "modération consumériste" (conséquence de ces deux piliers de notre système économique que sont la "modération salariale" et l'endettement par le crédit…), de la frugalité; bref : les joies simples que procurent des activités quasi gratuites. Avec l'appauvrissement durable d'une partie grandissante de la population, de nouveaux comportements voient le jour; des réflexes qui peuvent, à terme, s'avérer acquis voire irréversibles.
Même principe quand il affirme que cette loi va créer des emplois : tant que le pouvoir d'achat des consommateurs sera sur la pente descendante, ce qu'elle va créer d'un côté, elle le détruira de l'autre et, au final, le gain sera quasi nul (ce n'est pas nous qui le disons mais le Crédoc). «Actuellement, 3,5 millions de Français travaillent le dimanche et 7 millions occasionnellement», selon les chiffres de Xavier Bertrand, prédécesseur de M. Darcos. Le but n'est pas de créer des emplois mais d'augmenter le nombre de salariés flexibilisés qui travailleront ce jour-là, et pour cause...
Cette loi facilite la vie des entreprises ? Oui, celles qui sont actuellement en situation d'illégalité (adieu le harcèlement syndical et les amendes !), et celles qui feront pression sur les conseillers municipaux afin que ceux-ci sollicitent une dérogation auprès du préfet. C'est bien la seule allégation qui soit exacte : ainsi, ces employeurs pourront imposer le travail dominical à leurs personnels… à moindre frais.
Car cette loi ne donne de garanties «supplémentaires» qu'à très peu de salariés. D'abord, la notion de «volontariat» est fallacieuse puisque beaucoup de travailleurs du dimanche, dont les employeurs bénéficient d'une «dérogation de plein droit» permanente liée aux caractéristiques de leur activité — boulangeries, fleuristes, stations-service, etc — et imposent à leurs salariés de travailler ce jour-là sans majoration de salaire ni repos compensateur, n'ont déjà pas le choix. Ensuite, en ce qui concerne la rémunération, il faut savoir que certaines communes touristiques — stations de ski, par exemple — avaient déjà le droit de ne pas payer double le dimanche... Pour ceux qui tomberont sous le coup d'un élargissement (dans des communes à leur tour déclarées «touristiques ou thermales», qui vont rentrer dans la même catégorie même si les dérogations, étendues, seront temporaires), ce sera donc pareil !
En réalité, pour la majorité des salariés du dimanche, c'est la contrainte qui va primer : seule une minorité, employée par des établissements hors de ces secteurs ou zones d'activité et pour qui l'obtention d'une autorisation administrative sera obligatoire, pourront faire jouer leur «volontariat»… pour peu qu'un dialogue social existe en leur sein ! Et dans les futurs «Puce» (périmètres d'usage de consommation exceptionnel, «unités urbaines» de plus d'un million d'habitants - en gros : Paris, Aix-Marseille et Lille, désormais considérées comme zones touristiques alors que Lyon y échappe), tout dépendra des accords conclus avec des syndicats dont on connait les tendances à la compromission. Quoiqu'il en soit, selon le projet de loi, un salarié ayant précédemment donné son aval pour travailler le dimanche et qui souhaiterait arrêter devra justifier de sa «situation personnelle» afin que son entreprise «puisse» le lui accorder : le droit au retrait ne sera donc pas automatique.
De plus, cette loi va creuser les inégalités entre salariés : ceux qui travaillent déjà le dimanche du fait de l'activité de leur employeur, ceux qui travaillent ou vont travailler en «commune touristique ou thermale», et ceux qui vont travailler en «Puce». Pour ces derniers, un poil mieux lotis que les autres, il paraît que le refus de travailler le dimanche ne peut pas être un motif de refus d'embauche : une «garantie» hypothétique et 100% cynique dans un contexte de chômage de masse !
La gauche veut nous faire travailler 35 heures, ni plus ni moins ? Mais la droite, elle, n'a pas réussi à nous faire «travailler plus pour gagner plus», bien au contraire ! Par contre, elle a réussi à faire en sorte que de plus en plus d'emplois nouveaux soient… à temps partiel ou précaires. L'UMP n'a "fait la peau aux 35 heures" qu'en réhabilitant l'emploi en miettes, dont elle ne se prive pas de faire la promotion (emplois de service, contrats aidés, RSA…).
La gauche a un problème avec le travail ? NON. La gauche a plutôt un problème avec le retour à l'esclavagisme que tente, progressivement, de rétablir l'UMP. Pour cette droite dure, la vie des Français devrait se résumer ainsi : consommer toujours plus (et polluer toujours plus…), travailler toujours plus, n'importe quand et de plus en plus longtemps. Sous couvert de développement de l'activité économique, au nom de la sacro-sainte croissance et du soi-disant emploi, la vraie finalité de cet acharnement aussi idéologique qu'inapproprié consiste à déréglementer et à flexibiliser toujours plus le travail au détriment de la vie familiale, sociale, associative… Quant aux conséquences sur l'environnement, la droite, elle, s'en moque éperdument.
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