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Lundi, la chancelière allemande a annoncé à la presse qu'elle avait identifié plusieurs domaines où des restrictions étaient possibles afin d'épargner quelque 80 milliards d'euros, soit le plus vaste programme d'économies jamais présenté en Allemagne depuis la fin de la guerre. Doivent essentiellement participer à cet effort les plus fragiles, puisque 30 milliards seront dégagés par des coupes drastiques dans les budgets sociaux.
Les chômeurs stigmatisés
Par exemple, l'allocation aux parents de nouveaux nés (300 € par mois => lire en commentaire) ne sera plus versée aux chômeurs de longue durée : rappelons qu'en Allemagne, au bout d'un an de chômage, on devient «Hartzi». Le message apparaît en filigrane : si déjà vous êtes pauvres, ne vous amusez pas à faire des gosses... Avec les problèmes démographiques à venir liés au vieillissement de la population et au taux de natalité insuffisant, la mesure n'est vraiment pas futée.
Insinuant que les 3 millions de chômeurs allemands n'ont pas envie d'aller bosser, Angela Merkel va "forfaitiser" les aides au logement qui leur sont attribuées, réduire dans la foulée l'indemnisation des plus âgés, et rendre encore plus flexibles les possibilités de travailler pour compléter les allocations, estimant que «cela constitue une motivation véritable pour les chercheurs d’emploi à reprendre une activité». Elle juge également que la modération salariale est propice à la reprise.
La baisse des allocations familiales et des aides au logement frappera aussi les classes moyennes. Quant aux retraités, ils devront accepter un gel de leurs pensions. Seules échappent aux efforts d'économies les plus grandes fortunes...
Angela, esclave dévouée aux intérêts du Kapital
Un plan «antisocial», «contre-productif» et dangereux pour la reprise économique, selon les syndicats et l'opposition. Des mesures «particulièrement lâches, puisqu'elles épargnent les responsables de la crise et rasent les plus démunis», fustige le SPD. Die Linke dénonce, de son côté, une politique destinée à «faire payer aux salariés et aux retraités l'addition des folies spéculatives des banques». Même une partie de la droite estime que la contribution prélevée sur les chômeurs est trop lourde : «J'aurais souhaité que l'on demande aux hauts revenus d'apporter une contribution particulière, ceci afin de souligner que c'est toute notre société qui doit fournir un large effort», a déclaré le président conservateur du Bundestag.
Alors que les juges de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ont estimé, dans un jugement rendu le 9 février 2010, que le système Hartz IV — fusion de l'aide sociale aux plus démunis et des allocations versées aux chômeurs de longue durée — était indigne et «inconstitutionnel», condamnant l'état fédéral à repenser intégralement ses règles d'ici le 31 décembre, la décision d'Angela Merkel est un véritable pied de nez aux gardiens de la loi fondamentale allemande. Doublé de l'expression de son immense mépris envers ses concitoyens.
Hélas, cet impressionnant plan de rigueur n'a pas ravivé les marchés : quelle ingratitude !
SH
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Commentaires
Ce qui signifie que ceux dont le salaire mensuel est supérieur à 2.700 € ne souffriront aucunement de cette réduction.
Et pour les chômeurs de longue durée à l'Alg2 qui survivent avec 349 € d'allocation par mois, elle est supprimée (300 € seulement).
Vous avez dit "justice sociale" ??? Répondre | Répondre avec citation |
Que la zone euro soit aujourd'hui malade des pays d'Europe du Sud, de leurs faiblesses économiques structurelles, de leur manque de compétitivité, personne ne peut le nier. Mais il faut aussi se demander si elle n'est pas malade, et plus gravement encore, de la stratégie économique menée par sa première puissance, à savoir l'Allemagne.
Il y a une semaine Berlin annonçait, à la surprise générale, un plan d'économies budgétaires de 80 milliards d'euros d'ici à 2014. Le président de la Bundesbank, Axel Weber, s'est réjoui de ce programme, qui a "valeur d'exemple".
Certes, les mesures de rigueur décidées par l'Allemagne vont contraindre ses partenaires, en premier lieu la France, à faire enfin un véritable ménage dans leurs propres comptes publics et à ne pas se contenter de promesses creuses. Mais en dehors de cet impact vertueux, l'austérité allemande apparaît au moins aussi inutile que dangereuse.
Inutile dans la mesure où les marchés n'exercent aucune pression sur les emprunts d'Etat allemands, considérés par les investisseurs comme des valeurs extrêmement sûres, et qui présentent les taux d'intérêt les plus bas au monde. Dangereuse, car la rigueur allemande risque surtout d'avoir des effets très négatifs sur la croissance dans toute l'Europe, sans laquelle il est vain d'espérer un assainissement durable des finances publiques. Les mesures d'économies budgétaires vont peser sur la consommation des ménages allemands alors même que Paris, Washington et l'ensemble des économistes réclamaient, au contraire, qu'elle soit stimulée pour soutenir la croissance chez ses voisins.
Au lieu de cela, l'Allemagne choisit de s'enfermer dans une stratégie "non coopérative", pour parler comme les experts, convaincue de la supériorité de son modèle de croissance, fondé sur la compétitivité via la maîtrise des coûts salariaux, et les exportations.
C'est oublier que ce modèle ne fonctionne, comme l'avait justement remarqué la ministre de l'économie Christine Lagarde, que si d'autres pays choisissent une voie différente : celle de la demande intérieure. Par définition, tout le monde ne peut pas dégager des excédents "kolossaux". L'année 2009, au cours de laquelle l'Allemagne, victime de l'effondrement du commerce mondial, a subi une récession de 5%, aurait pourtant dû lui faire prendre conscience que son modèle n'est pas si parfait que cela. Et qu'il est grand temps de le rééquilibrer pour son propre bien, celui de ses partenaires et l'avenir de l'euro. Ce n'est, à l'évidence, pas le cas.
Berlin ne cesse de réclamer une meilleure gouvernance économique de la zone euro, en insistant sur la nécessité de renforcer le pacte de stabilité et les mesures de sanction contre les pays laxistes. Mais une meilleure gouvernance, c'est aussi, et surtout, une meilleure harmonisation des stratégies, un sens du jeu collectif. Il faut regretter que Mme Merkel n'affiche pas, en matière de politique économique européenne, les mêmes vertus que la Mannschaft, l'équipe allemande, en Afrique du Sud.
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Le dîner qui a réuni lundi 14 juin le président français et la chancelière allemande a été marqué, une fois de plus, par la capitulation de Sarkozy. Venu pour demander une gouvernance économique de la zone euro, il y a renoncé avant même de sortir de table. Et a accepté au passage de se coucher devant les exigences d'un pays obsédé par la rigueur budgétaire…
Après l’annulation de dernière minute de la semaine dernière, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont fini par dîner ensemble hier soir. Le président Français a capitulé en rase campagne en acceptant les propositions de la chancelière sur la gouvernance économique européenne.
Une gouvernance anti-démocratique
Si le projet d’accord Franco-allemand évoque une bienvenue taxe sur les transactions financières dont il faudra attendre les détails pour en évaluer la portée, l’accord d’hier soir contient surtout une disposition absolument incroyable qu’Angela Merkel a réussi à vendre à Nicolas Sarkozy : ils ont proposé au conseil européen un retrait du droit de vote des pays laxistes en matière budgétaire. Bref, la rigueur à l’Allemande passe avant les plus élémentaires notions démocratiques.
Il est incroyable qu’une telle proposition fasse son chemin sans provoquer une vigoureuse réprobation. Depuis quand la démocratie serait une option-fonction du respect de critères financiers ? Même si une certaine rigueur budgétaire est nécessaire, il n’est pas acceptable que l’évaluation de celle-ci puisse faire taire la voix d’un pays. En outre, on imagine bien que c’est la Commission qui pourrait arbitrer une telle gouvernance. L’Europe a décidément un problème avec la démocratie.
Nicolas Sarkozy, le béni oui-oui
L’Allemagne a donc réussi à faire passer sa vision un peu hystérique de la rigueur budgétaire au point de remettre en cause les fondements même de la démocratie. Cet épisode révèle à nouveau à quel point notre président est un piètre négociateur. Car derrière les coups de menton et les fanfaronnades, Nicolas Sarkozy a souvent tendance à capituler lors des négociations internationales quand les autres ne sont pas d’accord avec lui. Il ne sait pas défendre ses positions.
En 2007, il déclarait vouloir un mini-traité limité aux questions institutionnell es et prenant en compte l’opinion des "nonistes". Il accepte finalement un TCE bis. Il voulait une Union pour la Méditerranée limitée aux pays du pourtour du "mare nostrum". Il accepte tous les pays de l’Union, y compris le Danemark… Hier, il est venu à la discussion en souhaitant mettre en place une gouvernance économique de la zone euro. Comme d’habitude, il a cédé à Angela Merkel en y renonçant.
Outre la divergence économique, c’est à une profonde divergence politique que fait aboutir l’Europe d’aujourd’hui. Même Le Monde commence à devenir très critique vis-à-vis de la politique de l’Allemagne, signe du délitement d’une certaine idée de l’Europe.
Source Répondre | Répondre avec citation |
La fin du secret de la correspondance pour le chômeur allemand :
http://allemagne-et-plus.a18t.net/?p=747 Répondre | Répondre avec citation |