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Accueil Social, économie et politique Webhelp, un coupable qui s'affiche en victime

Webhelp, un coupable qui s'affiche en victime

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L'affaire de la délocalisation du centre d'appel de l'Agence Solidarité Transport continue de rebondir. Zoom sur une boîte de Pandore où les apparences sont trompeuses et les hypocrisies flagrantes.

Partant d'une grave contradiction entre le volontarisme affiché du gouvernement de sauver nos emplois par le truchement d'Arnaud Montebourg et la décision du président du Stif, Jean-Paul Huchon, de ne pas renouveler son contrat avec l'entreprise Webhelp qui, du coup, menace de supprimer 80 postes en France, l'opinion publique ne peut qu'éprouver de la consternation. Une consternation renforcée par la fausse indignation des aboyeurs de l'UMP (Pécresse, Bertrand…) qui s'en sont donné à cœur joie pour ridiculiser leurs successeurs.

Or, comme toujours, l'histoire est beaucoup plus complexe. Emaillée d'hypocrisies, elle est même hautement instructive.

Hypocrisie n°1. Ayant été (bien trop) longtemps aux affaires, les porte-flingues de l'UMP — notamment Valérie Pécresse, qui est pourtant conseillère régionale — ne peuvent ignorer qu'en matière d'appel d'offres, le code d'attribution des marchés publics, dont les formes légales sont imposées au niveau européen, oblige à choisir la prestation la moins coûteuse pour les contribuables et interdit de faire de la localisation des emplois un critère de choix. De même que les directives européennes, farouchement anti-protectionnistes, empêchent toute réforme visant à privilégier les entreprises nationales => Des explications claires à lire ici.

Une décision 100% légale… et irréversible

Quand François Hollande déclare que «les règles en matière de marchés publics ont été respectées» par le Stif «mais il y a aussi ces contraintes qui existent au plan européen et qui doivent être respectées», il dit vrai. Et quand, en l'espèce, le Stif déclare qu'il ne peut malheureusement pas revenir sur sa décision bien qu'il «étudiera toutes les voies légales possibles pour faire face à cette situation» et «évoquera les suites à y donner avec l'ensemble des élus», non seulement il dit vrai, mais il avoue son impuissance face à une législation approuvée de longue date par tous les bâtisseurs d'une UE adepte de «la concurrence libre et non faussée» et du dumping social/fiscal… dont le PS — ne l'oublions pas — fait partie intégrante.

Qu'est-il encore possible de faire ?

Il existe peut-être des moyens de contourner cette législation. L'Expansion évoque des conditions de rétractation prévues dans le droit public — une «résiliation pour motif d'intérêt général» via l'article 59 du code des marchés publics, mais visiblement difficile à plaider dans ce cas (80 emplois sacrifiés seraient juste une broutille) — et souligne que toute annulation de contrat entraîne le versement de dommages et intérêts au prestataire éconduit... Retour à la case départ.

Toujours selon L'Expansion, Jean-Paul Huchon aurait proposé l'introduction d'une clause de «préférence communautaire» afin de prendre en compte «la concurrence en provenance d'Etats où les règles de droit social et de droit du travail sont peu exigeantes». Une restriction qu'il serait possible de mettre en œuvre, contrairement à la proposition du sénateur socialiste Luc Carvounas visant à introduire un buy american act à la française qui favoriserait l'emploi et la production sur le territoire national mais serait «totalement illégal», car induisant une forme de «préférence nationale» qui contreviendrait à toutes les normes de concurrence européennes (et, surtout, aux intérêts des actionnaires). Donc, à nouveau, retour à la case départ en attendant que le gouvernement trouve la bonne parade. Ce qui prendra du temps.

Quant aux aboyeurs de l'UMP qui, à moins d'être sacrément incompétents, ne peuvent ignorer toutes ces subtilités, ils feraient mieux, une fois de plus, de la fermer plutôt que de polémiquer en mentant par omission. Quant à ceux du FN, ils feraient mieux d'étudier les faits avant de l'ouvrir.

Hypocrisie n°2. Celle-ci est croustillante à souhait. Elle émane de Frédéric Jousset, le co-président de Webhelp, qui se présente comme une victime alors que son activité se nourrit à 80% de délocalisations => LIRE absolument CECI.

En effet, Webhelp emploie près de 10.000 personnes dans le monde : la moitié au Maroc, moins de 3.000 en France et le reste entre l'Ile Maurice, la Roumanie, l'Algérie, la Tunisie ou encore le Mexique... Ses principaux clients sont des entreprises françaises qui, pour des raisons de coûts, ont souhaité externaliser les relations avec leurs clients ou leurs utilisateurs comme Canal+, Appart’City, CDiscount, Orange, SFR, Bouygues ou NRJ Mobile, sans oublier le Stif pour son service d'assistance téléphonique, et même Pôle Emploi pour la hotline de son site internet !

A
lors fier de son succès, Frédéric Jousset prétendait que «les délocalisations des centres d’appels font progresser la francophonie» et reprochait à Nicolas Sarkozy de fustiger les entreprises qui délocalisent. «Voir celui qui tient ces propos exiger l'annulation de ce marché au nom de l'intérêt général, ça ne manque pas de sel ni de culot, encore moins de morale. Il est donc assez ironique de voir aujourd'hui son dirigeant venir se plaindre de concurrence déloyale là où, visiblement, il aurait pu tout aussi bien proposer les mêmes services externalisés sans que cela ne le gêne aux entournures», dénonce la chroniqueuse au Plus du NouvelObs.

Encore plus drôle : Frédéric Jousset a décidé d'attaquer ce marché en référé, faisant état de plusieurs vices de procédure. A suivre...

Hypocrisie n°3. C'est Frédéric Lordon qui nous met la puce à l'oreille dans un billet où il s'interroge sur les véritables intentions de François Hollande quant à la création d'un «ministère du Redressement productif» et la nomination d'Arnaud Montebourg à sa tête. Un «portefeuille à l’intitulé ronflant» qui attire toutes les railleries tandis que «ce pauvre M. Montebourg», chargé d'écoper un navire qui prend l'eau de toutes parts, est devenu la cible d'attaques virulentes.

Il est vrai que Hollande s'est peut-être senti obligé de faire entrer Montebourg dans son gouvernement à cause du score de celui-ci aux primaires "socialistes"... Mais il ne faut pas éluder les rancunes du nouveau président envers ce représentant de l'aile gauche du PS (qui lui sert, d'ailleurs, de caution pour retenir les militants tentés par le FdG), brillant inventeur du sobriquet "Flamby" qui avait osé dire que «le seul défaut de Ségolène Royal, c'est son compagnon»... En le plaçant à ce poste infernal, il nous semble que Hollande a joué double jeu : côté pile, j'exhibe la carte de la reconnaissance et de l'unité; côté face, je t'offre un cadeau empoisonné qui pourrait t'être fatal.

Quand Lordon parle de «perversité», nous ne pouvons que l'approuver. L'homme qui — taclant Montebourg — n'est «pas favorable à ce que nous entrions dans une surenchère protectionniste» (faut pas contrarier Angela) recèle des trésors de duplicité, à l'instar de tout homme politique et chef d'Etat «normal», me direz-vous, mais aussi à l'instar de son propre parti dont nous avons pu admirer les manœuvres douteuses depuis le virage néolibéral des années 80.

SH

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Mis à jour ( Mardi, 31 Juillet 2012 05:30 )  

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