Quelle mouche a piqué le gouvernement Rajoy ? Outre réduire les indemnités des nouveaux chômeurs qui passeront de 60% à 50% du salaire au bout de six mois, faillite de Bankia oblige, il a décidé de faire radier des listes des demandeurs d'emploi ceux qui, percevant l'allocation de base (426 €), quitteront le territoire espagnol : tout voyage à l'étranger, quel qu'en soit la durée ou le motif, entraînera la suspension immédiate de leur indemnisation. Le but ? Les dissuader d'aller chercher un emploi saisonnier hors des frontières tout en étant indemnisés en Espagne, selon le ministère du Travail...
Comme le souligne Econostrum qui a publié cette information lundi dernier, «la sévérité de cette interdiction de séjour à l'étranger pour ces chômeurs ne manque pas de surprendre au regard du montant total de la fraude fiscale en Espagne, estimé à 60 milliards d'€ par an. À laquelle participe l'évasion fiscale, qui implique évidemment d'autres voyages que ceux des bénéficiaires de l'allocation minimum de chômage...» Mais chacun sait que les gouvernements de droite (on a eu le nôtre !) ont systématiquement recours à la stigmatisation des plus pauvres, soupçonnés d'être des profiteurs et des voleurs : c'est l'écran de fumée que les conservateurs déploient pour masquer la fraude des riches et des employeurs, autrement massive; ainsi défendent-ils leur caste.
Or, cette interdiction de circulation via un chantage à l'indemnisation est contraire à la législation européenne à laquelle l'Espagne, jusqu'à preuve du contraire, est soumise.
En règle générale, tout citoyen de l'Union européenne a le droit de se rendre dans un autre État membre en disposant d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité. La durée du droit de circulation et de séjour s'élève à 3 mois. Au delà, certaines conditions doivent être remplies.
En ce qui concerne ses citoyens au chômage, l'objectif de la coordination est de faciliter leur libre circulation afin d'éviter une perte des droits lors des déplacements en Europe (UE 27, Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse) et d'assurer une forme de continuité de leur protection sociale lorsque ces personnes passent d'une législation à une autre. Pour mettre en œuvre la libre circulation, des règlements de coordination ont été établis dès 1959. Depuis le 1er mai 2010, une troisième génération de règlements est en vigueur.
Le E303 [1] n'est pas un énième colorant alimentaire : c'est le formulaire qui permet à tout chômeur européen de transférer sa résidence dans un autre pays de l'espace européen pour y rechercher un emploi, et de rester indemnisé pendant 3 mois après s'être inscrit sur les listes des demandeurs d'emploi du pays choisi.
Avant de partir, il doit le demander à l'institution compétente (Pôle Emploi en France). Sur ce formulaire figurent le montant de la prestation allouée, la date de fin de droits, les délais accordés à l'assuré pour son inscription dans le nouvel État de résidence et les dates de prises en charge. Le document est à présenter dans les 7 jours qui suivent son arrivée auprès des service de l'organisme compétent de l'État choisi, afin de bénéficier de son indemnisation durant 3 mois. Au delà de cette période, s'il reste dans le nouveau pays de résidence, le chômeur perd le bénéfice des prestations de son pays d'origine.
Nous remercions Rose-Marie du site Recours-Radiation pour ces éclaircissements et imaginons qu'en Espagne, les chômeurs concernés font en sorte d'empêcher ce gouvernement intégriste de violer leurs droits au nom de l'ultralibéralisme austéritaire (et suicidaire). Il est d'ailleurs plaisant de voir les Espagnols se révolter sans mollir depuis dix jours. Une contestation opiniâtre qui fait craindre au président du Parlement européen, Martin Schulz, «une explosion sociale» en Europe. Il ne lui reste plus qu'à tenter (vainement) de se faire entendre par ces sourdingues illuminés que sont Mariano Rajoy et, surtout, Angela Merkel et son ministre des Affaires étrangères...
SH
[1] Erratum : il semble que le nouveau nom de ce formulaire soit U2 (comme le groupe de rock).
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