Le Parisien a ouvert le bal ce matin, annonçant que quelque 300.000 salariés étrangers (ressortissants de l'Union européenne) travailleraient en France «à prix cassés, selon une note du ministère du Travail. Et ce, en toute légalité». Très instructif, l'article nous apprend que la directive Bolkenstein — qui était censée permettre à tous les ressortissants de l'UE de travailler aux conditions sociales de leur pays d'origine, donc à des salaires défiant toute concurrence et fut à l'origine du mythe du «plombier polonais» —, bien que réformée suite au tollé général qu'elle avait provoqué en 2005, a pu conserver son principe grâce à un tour de passe-passe imaginé par Bruxelles, ses technocrates ayant mis en place un dispositif de contournement portant sur les «sociétés étrangères de prestations de services».
Ainsi des entreprises européennes, sous-traitantes de sociétés françaises comme Eiffage ou ERDF, peuvent employer sur notre territoire de la main d'œuvre à vil prix en toute légalité. Le Parisien cite des exemples de travailleurs polonais, mais aussi portugais ou espagnols fuyant la crise dans leur pays, qui triment jusqu'à 54 heures par semaine pour 5 euros de l'heure. Un vrai scandale.
Du journalisme malhonnête
Trois fois hélas ! Au lieu de déplorer une construction européenne mortifère qui autorise le dumping fiscal et social — donc une concurrence déloyale —, au lieu de fustiger les patrons exploiteurs, Le Parisien nous explique que si le nombre de ces travailleurs low-cost ne cesse de croître, c'est à cause d'un «contexte de contraintes financières de plus en plus lourdes» pour les entreprises françaises (ainsi lavées de toute responsabilité), et de l'«absence de main-d’œuvre française dans certains secteurs malgré un fort taux de chômage»... Mâtinée de xénophobie, la soupe ultralibérale nous est encore servie avec les célèbres "charges" et "coût du travail" qui brident tant notre compétitivité, sans oublier nos fainéants de chômeurs, évidemment responsables de leur situation et qui préfèrent palper des allocations bien trop généreuses plutôt que de se casser le dos !
Or, tout cela ne tient pas. On sait que le débat sur la "compétitivité" tel qu'on nous l'a servi à longueurs d'antennes est complètement tronqué. On sait aussi que le "patriotisme économique" ne signifie rien pour les employeurs : s'ils peuvent choisir entre un salarié français qui travaillera aux conditions sociales fixées dans l'Hexagone et un ressortissant de l'UE qui pourra travailler aux conditions de son pays d'origine (si possible gangréné par l'austérité, la pauvreté et le moins-disant social), il optera pour le second, puisque la législation européenne l'y autorise et qu'en matière de délocalisations, les dés sont pipés ! Donc, l'argument du Parisien sur «l'absence de main-d’œuvre française dans certains secteurs malgré un fort taux de chômage» est totalement scélérat.
Les questions qui ne sont pas posées
Quelques évidences échappent (volontairement) à nos plumitifs, qu'ils soient partisans ou bêtement moutonniers :
• Des salariés étrangers travaillant aux conditions sociales de la France sont toujours plus intéressants pour un patron qui préfère une main d'œuvre aux abois, peu informée de ses droits et, de ce fait, plus docile. Peut-on alors parler de pénurie de travailleurs Français, systématiquement accusés de refuser les boulots trop durs, ou peut-on supposer que les employeurs préfèrent embaucher ces étrangers qui ne risquent pas de se plaindre, parce qu'ici c'est le paradis à côté de la vie qu'on leur fait mener chez eux ?
• Peut-on parler de fort taux de chômage lorsqu'il s'agit de chantiers ponctuels réalisés suite à des appels d'offres, et qu'il n'y a peut-être jamais eu diffusion d'aucune offre d'emploi ?
• Et quand bien même Bruxelles obligerait les entreprises européennes à rémunérer leurs salariés aux conditions du pays où est effectué le travail… si ma boîte m'envoie en Tchéquie, combien vais-je gagner ? Pourquoi n'y a-t-il pas de plombier suédois en Roumanie ?
Non, tout cela ne tient pas debout !
On va rassurer Le Parisien et tous ses relais, dont la paresse intellectuelle est affligeante. Fort heureusement, grâce à leur collègue du Figaro, on sait qu'en cette période de crise les salariés français sont prêts à des «concessions fortes». Bientôt, ils tomberont au même niveau que leurs homologues de l'Europe du Sud ou de l'Est, à la grande satisfaction de Laurence Parisot, Angela Merkel et la troïka.
SH
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Commentaires
Contrôler les sociétés étrangères, oui. Contrôler mon travail dissimulé, non. :lol: :lol: Répondre | Répondre avec citation |
Et quand, toujours dans Le Figaro, la FFB (Fédération française du bâtiment) déclare : «Nous sommes très inquiets. Que va devenir notre savoir-faire ? Quel avenir pour nos jeunes ? Quid de nos modèles de protection sociale ?», sachant que le bâtiment est un secteur qui use et abuse de travailleurs payés au noir, il y a de quoi se pisser dessus ! Répondre | Répondre avec citation |
Une partie du chômage vient de cet "écrémage" effectué depuis trop longtemps maintenant. Le fameux "problème" de mise en adéquation de l'offre et de la demande de travail, dans un contexte de pénurie d'offres, cache en réalité cette mise à l'écart de ceux que l'on désigne comme insuffisamment formés, trop déconnectés du terrain, etc., inemployables quoi. En réalité, ça fait longtemps qu'ils ne veulent pas de nous (car nous réclamons le respect des droits et ils le savent) et que nous ne voulons pas d'eux (car ils ne respectent pas nos droits). Ils ne veulent pas embaucher, juste remplacer leur main d'oeuvre actuelle par une moins chère. Refuser l'accès à la formation, aux vrais aides, etc. ne sert qu'à pérenniser ce fait.
A travers ce jeu de dupes et cette instrumentalisa tion des travailleurs étrangers, le journaleux constitue un des rouages essentiel de la machine à légaliser l'inacceptable. Répondre | Répondre avec citation |
Alors que dans ce jeu de dupes, nous, salariés d'ici ou d'ailleurs, sommes tous les marionnettes du patronat et de ceux qui ont le pouvoir. Répondre | Répondre avec citation |
Quand je parle d'"écrémage", je fais référence au constant dressage auquel nous refusons de nous plier (des étrangers aussi).
Au final, peu importe qu'un salarié ou salarié potentiel soit français ou étranger, ce qui compte pour l'employeur c'est un fort degré de soumission. C'est juste que le patron français (vous faites bien, plus haut, de parler de l'hypocrisie de la FFB) et les agences d'intérim ont un a priori sur le candidat étranger qu'ils supposent corvéable. Comme vous l'avez dit, le pays et la condition d'origine dudit étranger confirme ou infirme, en partie, ce préjugé. Que ce soit pour un Français ou un étranger, bosser 50h/semaine payés 500 boules/mois dans des conditions de merde est inacceptable. Répondre | Répondre avec citation |
Tous les jours, ou presque, dans la presse, les médias, il n'est question que de cela: le travail coûte trop cher, trop de charges etc
(mais il n' y a jamais de plainte dans les médias sur trop de dividendes versées bien sûr)
Même certain médecin s'y mettent, en réclamant de pouvoir fixer les dépassements d'honoraires au niveau qu'ils veulent.
On voit où tous veulent en venir:
la protection sociale, les patrons ne veulent pas la payer.
cela ne doit incomber qu'aux salariés.
J'imagine que l'étape d'après c'est de nous faire travailler 50 heures par semaine pour 5 euros de l'heure (ou moins).
Toute cette propagande a l'air de fonctionner:
les syndicats sont inaudibles, les partis politiques ont du mal à se faire entendre. On a l'impression que la partie est mal engagée pour les salariés.
Ils faut se ressaisir !! Répondre | Répondre avec citation |
La finalité de la propagande c'est de modeler les croyances et le comportement du peuple.
C'est pour ça que le peuple il nous méprise, il nous ostracise, il se tue la santé pour surtout pas être à notre place, et ils n'écoutent rien de ce qu'on dit car il pensent que si on est dans la merde c'est parce qu'on est des cons et des feignants. Le peuple il aime les gros bourges du shobiz, et il déteste les rmistes qui sont tout le contraire.
Donc il faut combattre les médias par tous les moyens possibles car ils sont en train de nous livrer à la vindicte, à ce train là bientôt on pourra nous gazer sous les acclamations du bon peuple.
Nos vies sont en danger, nous devons tuer le prédateur médiacrate avant qu'il nous tue. Répondre | Répondre avec citation |
Vont-ils changer de musique quand ils seront à leur tour victime de la politique du moins disant, remplacés par des collègues européens à bas coût ?
Quand le SMIC sera cassé et l'accès aux soins des citoyens barré par la casse de la sécurité sociale, vont-ils écrire des articles sur le "scandal social" qu'ils ont eux-même appelé ? Répondre | Répondre avec citation |
Par contre, en filigrane, la division par la xénophobie est l'un des buts caressés par les médias aux ordres. Répondre | Répondre avec citation |
Mais les gens sont pas forcément malins, et, en général, quand y'a plus qu'un os pour deux, plutôt que de se demander si y'a pas eu un problème de distribution voir de production en amont, ils préfèrent se taper sur la gueule, et c'est comme ça qu'a fini la crise de 29, en baston générale.
Enfin… c'est pas nouveau qu'on préfère se battre que partager le gâteau.
On assiste à un nouveau type de crise qu'on ose pas nommer "crise de surconsommation ". Deux causes majeures: les pays riches consomment trop, la surpopulation mondiale explose. Qu'on revienne au mode de vie normal pré-60 dans les pays riches, époque où la vie coutait infiniment moins cher, et qu'on envoie des pilules un peu partout dans les pays pauvres, et ça devrait aller déjà beaucoup mieux.
il faut un programme massif de repeuplement des campagnes, là est notre salut. l'agriculture de subsistance c'est une valeur increvable Répondre | Répondre avec citation |
En Lorraine, Pôle Emploi n'hésite pas à diffuser des offres pour des postes… au Luxembourg payés en dessous du Smic luxembourgeois, qui est à 10,67 €/heure. Voir ici :
www.actuchomage.org/forum/index.php?f=2&t=19831&p=796832&rb_v=viewtopic#p796802
Tant que le salaire proposé équivaut au Smic français (ici, 9,40 €/heure), Pôle Emploi ne se pose pas de questions et prétend même que "les employeurs ne sont pas au courant des salaires en vigueur"… alors que, visiblement, celui-ci connaît le montant du Smic horaire français et en profite : ça lui fait une économie de 1,27 € l'heure. Mesquin, non ? Répondre | Répondre avec citation |
Ca donne des situations paradoxales qui m'auraient fait beaucoup rire si ça avait pas été moi le dindon. Par exemple le boss qui t'embauche en contrat demi-smic et qui ensuite te traite de sale cave et de parasite feignant parce que t'as besoin du rsa pour compléter.
Le jour où je dois commettre un meurtre je commence par ce mec là. Répondre | Répondre avec citation |