Il s'agit de postes de comptables, d'ingénieurs, d'infirmières, de responsables des ventes ou marketing "qui exigent en général un diplôme universitaire". Ces employeurs affirment qu'ils auraient embauché en CDI "plus de candidats qualifiés sur les six derniers mois s'ils avaient pu en trouver"... Bizarrement, ce constat touche plus particulièrement les secteurs des services (24%), du BTP (15%) et du commerce (13%).
L'Est de la France est la région où les entreprises auraient le plus de difficultés : "16% des employeurs de cette région (contre 10% dans le Nord, le Sud ou en Ile-de-France) déplorent en effet leur incapacité à embaucher par manque de profils qualifiés". "Au niveau européen néanmoins, la France est moins touchée que ses voisins", selon Manpower dont l'étude a été menée dans 26 pays d'Europe et hors d'Europe : la pénurie est plus forte en Allemagne, en Autriche et en Espagne où 23% des employeurs ont moins recruté pour cette raison. "Au niveau mondial, ce sont les employeurs péruviens (46%), américains (45%) et japonais (45%) qui affichent les plus grandes difficultés de personnel qualifié", conclut l'enquête.
Le prétexte du diplôme
Revenons en France où les missions d'intérim qui débouchent sur une embauche sont de plus en plus rares, et où le CDI représente actuellement à peine 30% des emplois proposés. Pour justifier cet état de fait, on peut se demander si le manque de qualification mis en avant dans l'étude n'est pas un faux prétexte...
Manpower élude la surenchère des diplômes qui va de pair avec la massification du chômage : plus on a le choix, plus on peut se permettre d'être exigeant même si ce n'est pas nécessaire (voire de discriminer), et les annonces qui ciblent sans vergogne des moutons à cinq pattes contre un Smic sont légion.
Notons qu'il y a quelques décennies, on devenait employé de banque avec un simple Certificat d'études : aujourd'hui, il faut être minimum Bac+2 pour se retrouver derrière un guichet alors que le métier s'est débarrassé de nombreuses contraintes (notamment la délicate manipulation de fonds). Et il en va de même dans d'autres professions où la technologie a grandement simplifié les tâches. Ce qui n'empêche pas des milliers de jeunes diplômés - jugés sans expérience suffisante - de courir après un véritable premier emploi, et d'autres candidats expérimentés d'être éliminés car "surdimensionnés".
Les lacunes de la formation professionnelle
Au-delà de l'hypocrisie entretenue autour des diplômes, on peut aussi aborder celle de l'expérience acquise tout au long du parcours professionnel, mais dont les recruteurs ne veulent rien savoir (un CV se lit en deux minutes et il leur faut tel ou tel diplôme, point) : visiblement, les autodictates n'ont plus d'avenir.
Ce qui nous conduit aux insuffisances de la formation professionnelle, qu'elle soit délivrée aux salariés tout au long de leur carrière (seulement 1 sur 3 en bénéficie) ou aux chômeurs (seulement 7% d'entre eux ont bénéficié d'une formation en 2004). Pour ces derniers, non seulement leur accès est devenu restreint et inégalitaire, mais les formations longues et diplômantes ont fondu comme neige au soleil : par exemple, aujourd'hui, une chômeuse Bac+2 peut difficilement se reconvertir en infirmière pendant qu'on importe de jeunes espagnoles.
Alors que l'intérêt des employeurs réside désormais dans la précarisation (CDD, intérim, stages…) et la smicardisation de leur personnel entrant, que la formation continue n'est pas une priorité et que les nouveaux venus doivent être immédiatement opérationnels car il n'y a pas de temps à perdre pour les instruire, les entreprises qui ont été sondées par Manpower n'ont pas à faire semblant de chercher des excuses en incriminant le manque de "profils diplômés" : de la même façon que l'Etat les bichonne au détriment des demandeurs d'emploi, elles ont leur part de responsabilité.
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