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Si le diplôme initial et la formation professionnelle continuent de protéger contre le chômage et de procurer un avantage salarial, la situation sur le marché du travail s'est détériorée : selon le sociologue Louis Chauvel, "les jeunes font 3 années d'études de plus que leurs parents et sont embauchés à un niveau salarial très inférieur à ce que connurent ces derniers". Dans son rapport préparatoire à la Conférence sur l'emploi et les revenus du 14 décembre prochain, le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion (CERC) note que "l'économie française n'offre pas encore assez d'emplois correspondant à la nette augmentation du nombre de personnes sorties de l'enseignement supérieur. [...] Cette sous-utilisation des capacités et ces phénomènes de déqualification sont nuisibles au dynamisme individuel comme à la cohésion sociale".
L'ascenseur social fonctionne, et même bien : sauf qu'il descend", estime de son côté Alain Mergier, sociologue et co-auteur de l'ouvrage "Le descenseur social" (Plon). Alors qu'en 1980 seulement 26% des lycéens obtenaient le baccalauréat, depuis 1995 cette proportion s'est stabilisée autour de 62%. En 2003, 37% des jeunes de 25 à 34 ans étaient diplômés de l'enseignement supérieur, selon le CERC. Mais paradoxalement, la proportion de salariés payés au Smic a aussi augmenté, passant de 11,1% en 1987 à 16,8% en 2005 (DARES). Cette dépréciation de la valeur économique des diplômes est particulièrement ressentie dans les milieux populaires, explique Alain Mergier : "Pour les parents, c'est une très grande déception. Ils ont l'impression d'être devenus complices d'un mensonge".
Les professions intermédiaires & techniciens sont les plus lésés. Outre les jeunes, la frustration touche aussi cette population (agents de maîtrise, infirmières, instituteurs…) qui englobe 5,7 millions de personnes, soit 1 salarié sur 4 : alors que leur niveau de qualification a fortement augmenté, ils sont les plus touchés par le tassement des grilles hiérarchiques et salariales, selon l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (Ugict). Avec un revenu salarial mensuel moyen de 1.530 € nets - soit 50% de moins que les cadres - "la position dite intermédiaire est aspirée vers le bas. [...] Quand un déroulement de carrière est prévu, l'amplitude entre le premier niveau et le dernier a tendance à se tasser. Pour ne pas voir ses revenus reculer, il faut bénéficier d'une promotion et celle-ci est de plus en plus aléatoire".
Le secteur public ne fait pas exception. "Au cours des années 90, les emplois les moins qualifiés de la Fonction publique ont été de plus en occupés par des personnes très diplômées", souligne l'INSEE. Selon le panel "Génération 98" du Centre d'études et recherches sur les qualifications (CEREQ), 64% des jeunes recrutés dans la Fonction publique possèdent des diplômes bien supérieurs à ceux requis pour le concours qu'ils ont passé... Ils gagnent donc moins que ce que leur niveau de qualification pouvait leur laisser espérer.
Des observations peu réjouissantes qui contribuent au sentiment de malaise, voire au désarroi de ceux qui travaillent plus pour gagner moins.
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Commentaires
Pour l'ensemble des jeunes, les préoccupations de début de vie active perdurent bien au-delà de ce qui est généralement considéré comme la période d'insertion professionnelle : après sept ans de vie active, 41% gardent comme priorité de "trouver ou conserver un emploi stable", contre 34% pour qui c'est de "progresser professionnelle ment" et 25% de "ménager leur vie hors travail".
"La clé de l'emploi, c'est le diplôme, du secondaire ou du supérieur ; la clé du salaire, c'est le diplôme du supérieur", a résumé Christian Forestier, président du CEREQ, lors d'un point presse.
Après sept ans de vie active, 71% des diplômés du secondaire et 85% des diplômés du supérieur occupaient un CDI, montre cette enquête auprès d'un large échantillon représentatif (16.000) des 742.000 jeunes arrivés sur le marché du travail en 1998, et interrogés successivement en 2001, 2003 et 2005. Le taux de chômage pour les diplômés du secondaire s'établissait à 9%, et pour les diplômés du supérieur à 5%.
Les jeunes sans diplôme "restent fortement soumis aux aléas de conjoncture" souligne le CEREQ dans son compte-rendu (Bref n°234). "Une partie d'entre eux pourraient d'ailleurs ne jamais accéder et rester sur un segment du marché du travail où se cumulent précarité d'emploi, faibles rémunérations et peu de perspectives de progression".
Autre enseignement de l'enquête : à niveau scolaire équivalent, les femmes se stabilisent moins fréquemment en CDI.
L'ensemble de la génération a progressé dans l'échelle des emplois et des salaires - le salaire médian augmente de 48% entre la première embauche et l'emploi occupé après sept ans de vie active -, mais la progression n'a pas la même ampleur pour tous. Les non-diplômés débutent à 60% sur des emplois non qualifiés, et ils sont encore 44% sur ce type d'emploi sept ans plus tard. Les titulaires d'un CAP ou BEP, même s'ils commencent un peu plus souvent leur parcours professionnel sur des postes qualifiés, ne progressent guère plus vite. Les bacheliers ont, eux, une évolution beaucoup plus tangible mais pas en matière de salaire, constate le CEREQ.
La promotion hiérarchique et salariale est plus facile à partir de Bac+2, mais variable en fonction de l'origine sociale et du sexe : un Bac+2 qui débute sur un poste de "profession intermédiaire" a plus de chances de devenir cadre s'il est lui-même enfant de cadres (15%) que venant du milieu ouvrier (7%). Répondre | Répondre avec citation |
Passant de 3% au début des années 1980 à près de 7% dans les années 2000, le déclassement, encore "très rare entre 1980 et 1985", "n'est plus un phénomène marginal" entre 1998 et 2003 et a "plus que doublé", constate l'INSEE qui a limité son étude aux salarié(e)s âgé(e)s de 30 à 54 ans, et qui explique que "descendre l'échelle sociale" intervient "souvent à la suite d'un passage par le chômage ou l'inactivité", la mobilité descendante constituant "un moyen de conserver un emploi ou, pour les chômeurs, d'en retrouver un plus rapidement".
Hommes et femmes sont quasiment égaux face au déclassement : ils sont respectivement 6,6% et 6,8% à avoir connu une trajectoire descendante en 1998-2003 (entre 1980 et 1985, leur proportion atteignait respectivement 3,2% et 3,1%). Mais les ouvrières qualifiées sont les plus mal loties de tous les salariés : une sur neuf (11,8%) a connu le déclassement entre 1998 et 2003. "Il s'agit principalement de femmes travaillant dans l'industrie qui, touchées par la diminution de l'emploi industriel, ont migré vers un emploi dans les services de niveau de qualification inférieur (aide ménagère, garde d'enfants…)", note l'étude.
Parallèlement, les trajectoires ascendantes sont devenues "plus courantes", même si elles demeurent surtout l'apanage des hommes : entre 1998 et 2003, 15,1% des salariés masculins ont progressé dans la hiérarchie socioprofession nelle (10,5% pour les femmes) contre 9,7% entre 1980 et 1985 (6,6% pour leurs collègues féminines). De même, un trentenaire sur trois a changé de catégorie socioprofession nelle entre 1998 et 2003 contre un sur cinq en 1980-85, ce qui "est sans doute le signe de recrutements effectués de plus en plus souvent en dessous du niveau de compétence" et "compensés ensuite par des promotions vers des métiers plus en accord avec la formation initiale". Répondre | Répondre avec citation |
(Source : Le Journal du Net) Répondre | Répondre avec citation |