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Il y a pourtant des lueurs d'espoir quand l'article prend son envol et dit, au sujet de ces assistés tant jalousés par les salariés : "Pour déchanter, il suffir de croiser un de ces RMIstes enfermés dans un dispositif rigidifié qui les empêche de travailler ; une de ces très jeunes femmes isolées avec enfant(s) que la société préfère confiner au foyer [...]. Un de ces seniors dont on entretien l'espoir de retravailler quand on ne cherche en réalité qu'à faire durer ses allocations jusqu'à la retraite." On y dénonce les «trappes à pauvreté» que sont devenues ces aides sociales, censées à la base répondre à des situations d'urgence "mais, lorsque le provisoire dure faute de vrais emplois, il montre ses limites et l'assistance de vient l'assistanat." Comme c'est bien formulé ! Plus loin, on lit aussi les propos du fondateur du journal de sans-abris L'Itinérant : "Le RMI est une escroquerie qui exonère les patrons qui dégraissent et qui permet de faire pression sur les salariés pour qu'ils acceptent de travailler dans des conditions indécentes..." Bien !
Mais, lisons la suite : "... Attribuer le RMI à partir de 25 ans, c'est quasiment un crime contre l'humanité : les gamins sortent du lycée à 16-17 ans et attendent au pied de leur HLM leurs 25 ans. Ils deviennent alors des monstres sociaux", dit-il. Et l'article de conclure : "Le RMIste est un coupable facile à désigner, alors que le vrai responsable est le RMI lui-même. Imaginez un seul instant la force de caractère qu'il faut pour reprendre un emploi quand on sait qu'on va y perdre sur tous les tableaux…"
Désolée, mais accepter d'aller bosser à perte n'a rien à voir avec une quelconque force de caractère ! Travailler pour vivre, ou vivre pour travailler : c'est un autre débat. Mais si le RMI ou l'ASS n'existaient pas, qu'en serait-il pour ces millions d'individus que le marché du travail a rejeté massivement depuis plusieurs années ? Marianne sait-il qu'entre 2001 et 2004, l'emploi a dramatiquement chuté en France pour atteindre un solde de créations nettes historiquement négatif de 72.900 emplois détruits sous Raffarin, en 2003 ? Que ce "retournement conjoncturel" a eu pour conséquence l'augmentation et la pérennisation de ces revenus d'assistance, octroyés à des victimes tombées dans le piège de «l'inemployabilité» ?
Alors, renoncer à la «paix sociale» en supprimant ces «pièges» que sont les minima sociaux et autres aides influerait-il positivement sur le comportement des entreprises et la création d'emplois dignes de ce nom ? Certainement pas ! Par contre, à l'évidence, nous aurions encore plus de sans-abris dans les rues : Marianne souhaite-t-il un retour au 19e siècle ?
Dans cet article, rien n'est développé : au lieu de clamer haut et fort que, grâce à la pression du chômage, les salaires proposés aujourd'hui sont scandaleusement bas et ne permettent plus de vivre, que 80% des emplois proposés sont précaires (à temps partiel ou de courte durée) et que les crèches refusent les mamans sans emploi - même seules, le dossier enfile les cas particuliers, les anecdoctes croustillantes (dont les cas de fraudes - bien sûr !) sans s'interroger sur les véritables responsables - la faute au RMI, ou au chômage de masse ? - ni suggérer aucune solution intelligente. L'exemple même du titre racoleur - «Les pièges de l'assistanat», digne du Figaro - servant à faire acheter le bobo superficiel qui veut faire croire qu'en matière économique et sociale, il s'y connaît.
Pour Marianne, donc, les revenus d'assistance sont les nouveaux boucs émissaires, tout comme l'OCDE estime que les allocations-chômage créent du chômage : on croit rêver ! Pour Marianne, la CMU permet "à des petits malins de se refaire le râtelier à l'œil", ce qui est totalement faux et lui évite de parler de la discrimination médicale pratiquée à leur encontre. Pour Marianne, il y aurait 537.000 personnes à l'ASS alors que l'Assedic en comptait 458.800 à fin novembre 2006. Pour Marianne, une femme seule avec 2 enfants peut, sans travailler, en cumulant allocations, aides et pension alimentaire, se palper jusqu'à 1766 € par mois. On se croirait chez Thierry F., ex chouchou du Point : faire d'un cas une généralité pour liguer la France qui se lève tôt contre celle qui est durablement privée d'emploi.
Et c'est d'ailleurs ce qu'a retenu mon ami salarié en me parlant de ce dossier : "1.700 € par mois sans rien faire, tu te rends compte !" Voilà comment, en faisant mine d'aborder ces sujets de manière soi-disant alternative, on marque les esprits dans le sens du vent. Journalistiquement et même idéologiquement, ces procédés sont regrettables.
SH
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Commentaires
Exemples : le service civique obligatoire pour les jeunes (6 mois de travail à 1/3 du SMIC dans les collectivités, associations et services publics), la réserve citoyenne pour les plus de 55 ans (rapport Kouchner) ou encore la journée de travail pour les chômeurs instituent la corvée obligatoire sans limite pour de nombreuses catégories d'âges.
Effectivement, plutôt que tenir le mur jusque 25 ans, peut être que les jeunes gagneraient à se rendre utiles ? Mais en quoi les jeunes seraient-ils moins assistés par un SCO que dans l'attente du RMI ? RMI ou pas, la situation de ces jeunes doit être prise en compte autrement et non par de fausses déclarations ou des clichés déshumanisants, vaguement coloniaux.
En laissant croire qu'il y a illégitimité à être indemnisé, on double la cotisation. On paye l'assurance chômage pendant son emploi, puis, au chômage, on est obligé de travailler pour maintenir ses indemnités. Idem pour les retraités. Donc c'est "perdant-perdant".
Dans ce cas, le chômage n'est plus seulement organisé par les rapports de production, il serait alors carrément institué en main d'oeuvre civile ou publique, beaucoup plus rentable que le fonctionnariat !
Faire travailler les "inutiles" pour le "bien" de la communauté a des vertus coercitives et occupationnelle s. DOnc c'est une logique de "perdant-perdant-perdant".
Il s'agit d'opposer les Français entre eux, non pas entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, mais ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas. EVidemment, ni les uns ni les autres ne peuvent créer leur propre emploi, n'ayant aucun capital et devant affronter les grosses machines marchandes. Vous montez une librairie et trois ans après, une FNAC vient s'installer. Il reste un an à vivre dans votre librairie.
ET pendant ce temps, licenciements industriels et de services massifs, emplois hyper précaires et sous payés, normalisation du travail intérimaire, activité déficitaire pour le travailleur, indemnisation insuffisante (retraite et chômage), continuent alors que la déstructuration du service public, les collectivités sans argent, et des licenciements massifs dans des associations condamnées au surtravail sous payé continuent aussi de leur côté.
Nous paierons cher si nous continuons à entériner en silence cette régression générale. Le programme de Royal que vous épargnez mon cher Carl n'est pas éloignée de ces logiques régressives par division en catégories. SCO et EMplois jeunes (ou tremplins) sont des premiers emplois où les tentations à bafouer le droit du travail sont grandes.
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Il s'agit d'opposer les Français entre eux, non pas entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, mais ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas.
Je vois la chose comme toi. C'est la même "technique" qu'on pratique en Allemagne, c'est humiliant, coercitif et perdant. Humiliant, car on crée des sous-catégories sociales: ils y a ceux qui ont un emploi et il y a ceux qui n'en ont pas tout en travaillant. Dans les deux cas on travaille.
Ceux qui se trouvent dans la deuxième catégorie travaillent donc, mais n'ont pas un contrat de travail, ne cotiseront pas à la retraite et à l'assurance chômage, n'ont pas de salaire (mais une allocation), et ils n'ont pas choisi leur occupation.
En créant cette sous-catégorie sociale on contourne le code du travail. Ces sous-travailleurs seront une main-d'oeuvre bon marché qui permettront de ne pas embaucher avec un vrai contrat de travail. En conséquence cela renforera encore le chômage. C'est ce qui s'est passé en Allemagne avec ce fameux travail à 1 euro de l'heure que le sous-travailleur (le chômeur) a généreusement le droit de garder avec son allocation de chômage minimum. Ces sous-emploi ont détruit de nombreux emplois. On rentre alors dans une spirale de précarisation croissante. Ayant détruit de vrais emplois, ceux qui auraient pu avoir les emplois détruits se trouvent à leur tour dans la sous-catégorie et ainsi de suite.
Trivialement parlant c'est se tirer une balle dans le pied (pour ne pas perdre les électeurs au raisonnement de comptoir).
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Pour rafraîchir la mémoire aux deux journalistes de Marianne :