Un ultime grand spectacle, aussi onéreux qu'organisé, où chaque supporter y a été de son petit laïus sur un thème particulier du discours sarkozyen, avant la touche finale du maître de cérémonie.
Le pire est venu des femmes. D'abord, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie a accusé Ségolène Royal de "changer d'idées comme de jupe" : une attaque des plus sexistes qui, venant de la bouche d'une congénère, ne passe pas mieux que si elle avait été proférée par un homme.
Ensuite, Simone Veil s'est chargée de prôner «le travail» contre «l'assistanat». Elle a fustigé avec véhémence tous ces profiteurs qui bénéficient des aides de l'Etat alors qu'ils n'en ont pas besoin (elle a parlé des RMIstes, pas des employeurs qui ont empoché 65 millards d'euros d'aides publiques en 2005 alors que le coût du RMI ne dépasse pas 6 milliards d'euros par an). Souhaite-t-elle qu'on rétablisse les camps de travaux forcés et le STO ?
Comment cette «grande dame», courageuse et admirée de tous, a-t-elle pu en arriver là ? Alors que son expérience personnelle et ses connaissances historiques lui permettent d’analyser les mécanismes de manipulation des foules, de contrôle des médias et de prise du pouvoir utilisés par les dictateurs européens de sa jeunesse, comment ose-t-elle déplorer la «diabolisation» faite à l'encontre de Nicolas Sarkozy, que la Ligue des Droits de l'Homme accuse ouvertement ? "Nous sommes un pays de liberté", dit-elle pour minimiser les actes de son favori : mais pour combien de temps ? Ne voit-elle pas que c'est un état policier qu'il nous prépare ? Ne voit-elle pas que ce candidat cultive la division et la haine du pauvre et de l'immigré ? Ne comprend-elle pas que son score du premier tour a été gonflé par des électeurs du Front national ? "Nicolas est très anti-Le Pen", dit-elle. Quand elle dénonce la «grossièreté», la «haine» ou la «violence extraordinaire» de François Bayrou, ne voit-elle pas que c'est Nicolas Sarkozy qui a l'apanage de ces accusations ? "Nicolas est gentil. Il peut être brutal dans son expression mais les gens ont tort de douter de son humanité", assure-t-elle.
Non, décidément, ça fait froid dans le dos.
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Commentaires
Dans son N°513 du 17 au 23 février, l'hebdomadaire Marianne consacrait un dossier de 9 pages aux «pièges de l'assistanat» somme toute très ambigu, puisqu'il incrimine toutes ces aides "qui achètent la paix sociale" sans pour autant fustiger le chômage de masse ni la montée de la pauvreté et du sous-emploi.
Il y a pourtant des lueurs d'espoir quand l'article prend son envol et dit, au sujet de ces assistés tant jalousés par les salariés : "Pour déchanter, il suffir de croiser un de ces RMIstes enfermés dans un dispositif rigidifié qui les empêche de travailler ; une de ces très jeunes femmes isolées avec enfant(s) que la société préfère confiner au foyer […]. Un de ces seniors dont on entretien l'espoir de retravailler quand on ne cherche en réalité qu'à faire durer ses allocations jusqu'à la retraite." On y dénonce les «trappes à pauvreté» que sont devenues ces aides sociales, censées à la base répondre à des situations d'urgence "mais, lorsque le provisoire dure faute de vrais emplois, il montre ses limites et l'assistance de vient l'assistanat." Comme c'est bien formulé ! Plus loin, on lit aussi les propos du fondateur du journal de sans-abris L'Itinérant : "Le RMI est une escroquerie qui exonère les patrons qui dégraissent et qui permet de faire pression sur les salariés pour qu'ils acceptent de travailler dans des conditions indécentes…" Bien !
Mais, lisons la suite : "… Attribuer le RMI à partir de 25 ans, c'est quasiment un crime contre l'humanité : les gamins sortent du lycée à 16-17 ans et attendent au pied de leur HLM leurs 25 ans. Ils deviennent alors des monstres sociaux", dit-il. Et l'article de conclure : "Le RMIste est un coupable facile à désigner, alors que le vrai responsable est le RMI lui-même. Imaginez un seul instant la force de caractère qu'il faut pour reprendre un emploi quand on sait qu'on va y perdre sur tous les tableaux…"
Désolée, mais accepter d'aller bosser à perte n'a rien à voir avec une quelconque force de caractère ! Travailler pour vivre, ou vivre pour travailler : c'est un autre débat. Mais si le RMI ou l'ASS n'existaient pas, qu'en serait-il pour ces millions d'individus que le marché du travail a rejeté massivement depuis plusieurs années ? Marianne sait-il qu'entre 2001 et 2004, l'emploi a dramatiquement chuté en France pour atteindre un solde de créations nettes historiquement négatif de 72.900 emplois détruits sous Raffarin, en 2003 ? Que ce "retournement conjoncturel" a eu pour conséquence l'augmentation et la pérennisation de ces revenus d'assistance, octroyés à des victimes tombées dans le piège de «l'inemployabilité» ?
Alors, renoncer à la «paix sociale» en supprimant ces «pièges» que sont les minima sociaux et autres aides influerait-il positivement sur le comportement des entreprises et la création d'emplois dignes de ce nom ? Certainement pas ! Par contre, à l'évidence, nous aurions encore plus de sans-abris dans les rues : Marianne souhaite-t-il un retour au 19e siècle ?
Dans cet article, rien n'est développé : au lieu de clamer haut et fort que, grâce à la pression du chômage, les salaires proposés aujourd'hui sont scandaleusement bas et ne permettent plus de vivre, que 80% des emplois proposés sont précaires (à temps partiel ou de courte durée) et que les crèches refusent les mamans sans emploi - même seules, le dossier enfile les cas particuliers, les anecdoctes croustillantes (dont les cas de fraudes - bien sûr !) sans s'interroger sur les véritables responsables - la faute au RMI, ou au chômage de masse ? - ni suggérer aucune solution intelligente. L'exemple même du titre racoleur - «Les pièges de l'assistanat», digne du Figaro - servant à faire acheter le bobo superficiel qui veut faire croire qu'en matière économique et sociale, il s'y connaît.
Pour Marianne, donc, les revenus d'assistance sont les nouveaux boucs émissaires, tout comme l'OCDE estime que les allocations-chômage créent du chômage : on croit rêver ! Pour Marianne, la CMU permet "à des petits malins de se refaire le râtelier à l'œil", ce qui est totalement faux et lui évite de parler de la discrimination médicale pratiquée à leur encontre. Pour Marianne, il y aurait 537.000 personnes à l'ASS alors que l'Assedic en comptait 458.800 à fin novembre 2006. Pour Marianne, une femme seule avec 2 enfants peut, sans travailler, en cumulant allocations, aides et pension alimentaire, se palper jusqu'à 1766 € par mois. On se croirait chez Thierry F., ex chouchou du Point : faire d'un cas une généralité pour liguer la France qui se lève tôt contre celle qui est durablement privée d'emploi.
Et c'est d'ailleurs ce qu'a retenu mon ami salarié en me parlant de ce dossier : "1.700 € par mois sans rien faire, tu te rends compte !" Voilà comment, en faisant mine d'aborder ces sujets de manière soi-disant alternative, on marque les esprits dans le sens du vent. Journalistiquem ent et même idéologiquement , ces procédés sont regrettables.
SH Répondre | Répondre avec citation |
C'est une bonne tactique, tellement évidente qu'on n'y voit que du feu : pendant que les gens s'occupent d'accuser des boucs émissaires ou de culpabiliser dans leur coin, ils ne s'attaquent pas aux causes réelles de leur problèmes. Cela s'appelle noyer le poisson.
Il y a donc le mythe du chômeur paresseux qui triche et profite (alors que l'immense majorité des victimes du chômage ne sont pas du tout comme ça) dont il va se servir pour cristaliser les rancœurs des salariés : pendant ce temps-là, ils oublieront de défendre leurs conditions de travail. Même chose pour jeunes de banlieue qu'il a réussi à faire passer pour des délinquants dans l'insconscient collectif : malgré ses démentis, le mal est fait. Même chose pour les musulmans qui égorgent les moutons dans leurs baignoires, ou les polygames qui abusent des allocations familiales : tout cela ne concerne qu'une part infime, marginale de la population, mais l'image fausse l'emporte dans l'insconscient collectif nourri de télévision et d'aspirations bourgeoises.
Ce simplisme à outrance qui exacerbe les rancœurs, ce nivelage par le bas alors que les problèmes sont plus haut, c'est bien du populisme dans toute sa splendeur. Et cette stratégie systématique du diviser pour mieux régner n'augure rien de bon alors qu'un chef d'état est supposé rassembler.
Au lieu d'élever la réflexion, au lieu d'élever le peuple, Nicolas Sarkozy les rabaisse. Quand il sera élu, il les écrasera.
Que Simone Veil se prète à cela est particulièremen t regrettable. Répondre | Répondre avec citation |
Combien ça a coûté ???
Déjà que la salle Gaveau pour le soir du premier tour, ça ne devait pas être donné et que le loyer du bunkerQG de la rue d'Enghien coûte 60.000 € par mois. Mais là, c'est du pipi de chat à côté du grand raout de Bercy !!!
Et dire que samedi Nicolas Sarkozy critiquait Bayrou et Royal se rencontrant "dans un grand hôtel parisien" alors que lui prétendait rester "sur le terrain, au milieu des Français"… Sachant que tout déplacement lui vaut d'être protégé par une armada de flics aux frais du contribuable, quels frais son parti n'a pas hésité à sacrifier pour ses super-shows à l'américaine ? Combien de millions d'euros l'UMP a engouffré pour flatter l'ego de son petit candidat ?
Alors qu'ils étaient là à cracher sur les "assistés" par le biais de Simone Veil, combien de Smics mensuels ont-ils gaspillé en une seule après-midi ? Répondre | Répondre avec citation |
Voici, déniché sur le Net, un extrait des "Voyages de Gulliver", roman satirique écrit en 1726 par Jonathan Swift : le célèbre capitaine, de passage sur l’île volante de Laputa, découvre le chômage…
Fort préoccupé par la chose, le gouverneur de Laputa décida d’y mettre terme. Après longue réflexion, il ordonna que soit puni de mort quiconque resterait oisif et sans métier. Mais la sentence, ajoutait bizarrement le gouverneur, ne commencerait d’être exécutée qu’au terme de douze mois (1).
Cet ordre brutal causa, on l’imagine, un très grand émoi. Nombre de gens de qualité pressèrent le gouverneur de reprendre son geste. Le peuple s’agita. Rien n’y fit.
Dans les premiers mois qui suivirent cette décision, et si l’on excepte les mouvements qu’on vient de relater, rien ne se produisit. Comme avant, les propriétaires se séparaient de leurs ouvriers lorsque l’ouvrage manquait, et les maîtres de leurs domestiques, quand ils en étaient fâchés. Et ceux qui avaient ainsi reçu leur congé s’efforçaient, par leurs propres moyens, de retrouver une situation.
Toutefois, aux approches des jours où devaient tomber les premières victimes de cette ordonnance monstrueuse, un mouvement se fit qui gagna bientôt l’île tout entière. Saisis par la crainte de voir ces malheureux subir un sort aussi injuste, ceux qui, dans un premier geste, voulaient se séparer d’un employé, retenaient leur passion et remettaient à plus tard. Et chacun s’animait d’un esprit entreprenant pour ceux qui restaient sans travail. Celui-ci proposait chez lui la garde d’une mère impotente. Tel autre affirmait que son moulin pouvait occuper une personne de plus. Tel autre encore suggérait de partager, tout ensemble, son travail d’artisan et le profit qu’il en pouvait tirer. Ainsi, déclarait-il, on travaillera plus et nous gagnerons plus. Si bien qu’aux douze mois écoulés, ainsi qu’à chaque mois qui suivit, le gouverneur ne trouva nul motif de mettre son ordonnance à exécution. »
Etude de texte. Le Voyage à Laputa décrit un monde où les hommes perdent tout sens commun. Ce chapitre épingle (entre autre) les "brillants" scientifiques - comparables à nos actuels technocrates, économistes ou politiques… - qui veulent faire "profiter" (contre leur gré s'il le faut) les peuples de leurs grandes innovations/idées sans voir que, bien souvent, elles conduisent à la ruine. Visionnaire, Jonathan Swift brossait là une satire du monde moderne.
… Mais voici, exquise de naïveté, l'interprétation qu'en fait un certain Constantin Barutciski dans le Blog de la Droite Libre, en ode à Laurence Parisot : "[Cette histoire] montre que le «chômage» est de toutes les époques et que les méthodes de rupture ou de changement d’approche sont toujours les plus efficaces." En imaginant un chef d'état qui décrète de punir de mort ses chômeurs de longue durée afin de provoquer une prise de conscience générale, Jonathan Swift n'aurait peut-être jamais cru qu'on se serve un jour de sa métaphore pour vanter les bienfaits du libéralisme, lui qui utilisa les termes "victimes" ou "malheureux" pour parler de ces exclus sacrifiés et non les mots "assistés", "profiteurs", "fainéants" ou "déresponsabilisés" dont nous abreuvent certains, surtout à droite.
Un monde sans pitié. C'est du bon sens : pour éradiquer le chômage, il faut créer des emplois ; tout le reste n'est que poudre aux yeux. Le texte de Swift démontre que la cause essentielle du chômage est liée à l'irresponsabilité (l'égoïsme, la pingrerie ?) des employeurs, dont le rôle est aussi de participer à la cohésion sociale en faisant l'effort de fournir du travail. "Ainsi, on travaillera plus et nous gagnerons plus"… Mais ce n'est pas demain la veille que ceux-ci s'inquièteront du sort de leurs salariés et s'arrêteront de licencier. Ce n'est pas demain la veille qu'ils cesseront de discriminer à l'embauche, de déclasser, de sous-payer ou de précariser les chômeurs qu'ils daignent recruter. Ce n'est pas demain la veille que le bon peuple s'agitera pour dénoncer cela. Ce n'est pas demain la veille que les actionnaires accepteront de renoncer à une partie de leurs dividendes pour investir dans l'emploi au lieu de s'enrichir en le détruisant. Ce n'est pas demain la veille que, faute d'emplois pour tout le monde, le contrôle des chômeurs viendra à bout du chômage : tout n'est que statistiques, mensonges, et écrans de fumée.
Nous ne savons pas si Constantin Barutciski a une quelconque expérience du chômage (qu'il cite, d'ailleurs, entre guillemets). Nous, oui. Et si les chômeurs de longue durée ne sont pas tous voués à une mort effective, ils sont voués à une lente mort sociale qui est physiquement invisible, donc "tolérable", de la même façon qu'on peut détecter à l'œil nu des traces de coups mais pas une maltraitance psychologique. Ce n'est donc pas le trépas qu'on leur réserve, mais une vie de misère financière et morale doublée du statut de bouc émissaire ; une mort discrète, à petit feu.
L'amour rend aveugle. Interpelé, puis obnubilé par l'expression "on travaillera plus et nous gagnerons plus" autrefois rédigée par Swift et désormais martelée par Nicolas Sarkozy, il est évident que, dans un élan de ferveur pour le slogan phare de son maître-à-penser, Constantin Barutciski s'est grossièrement mélangé les pinceaux avec sa démonstration. Qu'ils sont touchants, ces fans de Nico, prêts à toutes les incohérences pour vanter leur idole… Voyez plus bas à droite de son article : on découvre qu'un de ses collègues a écrit un billet intitulé "Marie-Ségolène et le pays de Candide" et là, question candeur, on se dit que c'est l'hôpital qui se fout de la charité. Comment ne pas en rire ?
(1) Justement, c'est à partir de douze mois que l'on devient «chômeur de longue durée». A partir de vingt-quatre mois, on est «chômeur de très longue durée». Répondre | Répondre avec citation |
Les porte-flingues du candidat de l’UMP ne cessent d’ironiser sur le grand écart auquel serait contrainte la candidate socialiste pour rassembler sur son nom les électeurs d’Oliver Besancenot et ceux de François Bayrou, en ratissant de l’extrême gauche au centre-droit.
Mais lui, Nicolas Sarkozy, doit réunir sous sa bannière les électeurs de Le Pen/de Villiers et les sympathisants de Simone Veil, en ratissant très large, des antisémites de l'extrême droite aux proches de la rescapée de la Shoah.
Lequel des deux candidats a-t-il le plus grand écart à faire ? Répondre | Répondre avec citation |
Simone Veil aurait du lire ça… Répondre | Répondre avec citation |
La France de la justice fiscale, dignement représentée par Johnny Halliday et Alain Prost. La France de la fidélité à ses convictions, avec André Glucksmann. La France qui n’a pas honte quand une ministre de la République accuse la candidate socialiste de «changer d’idées comme de jupes». La France qui ose tout, comme disait Audiard. Celle des tontons flingueurs, des séries télévisées et des samedis soirs de TF1, celle des nouveaux riches, des gros cachets et des stock-options, celle des parvenus qui se placent du côté du manche et montrent du doigt les resquilleurs du RMI.
Nicolas Sarkozy les avait tous convoqués, ces héros de l’audimat, dimanche, dans un stade de Bercy «bourré» en effet, mais ivre surtout d’une victoire que l’on sent à portée de main. Et que fit-il, Nicolas Sarkozy, au milieu de ces pique-assiettes défiscalisés, de cette jet set gorgée de fric et de privilèges, et tellement fière de son inculture ? Il fit de la «morale». Il accusa «les héritiers de Mai 68» d’avoir rayé ce mot du «vocabulaire politique». C’est Rika Zaraï administrant une leçon de philosophie à Deleuze et à Foucault. Mais pourquoi se gêner ? Et pourquoi ne pas tenir Noël Forgeard, l’heureux ex-PDG d’Airbus (huit millions d’euros d’indemnités), pour un enfant naturel de Mai ? C’est ce que fit Sarkozy, l’orateur qui ose tout. Et le candidat de droite se jura de «liquider une bonne fois pour toutes» l’héritage de 68. Et nous qui croyions naïvement que M. Forgeard était surtout un pur produit de cet ultralibéralism e qu’exalte le programme du candidat de l’UMP !
Avouons-le, ce serait une bien grande (et belle) surprise si le distingué parterre de Bercy n’était pas de nouveau à la fête dimanche prochain. Ce ne sont pas tant les sondages qui portent au pessimisme que l’arithmétique du premier tour. Presque six points d’écart entre le candidat de la droite et Ségolène Royal, et, pour celle-ci, peu de réserves de voix à gauche et une bataille autour des dépouilles du centre qui ne pouvait être fructueuse en termes électoraux que si la candidate de la gauche avait accepté de brader jusqu’aux références identitaires de son parti. Or, au cours de l’aimable rencontre de samedi avec François Bayrou, elle n’a jamais hypothéqué les lendemains en se faisant plus libérale qu’elle n’est. Ce qui ne veut pas dire que l’opération «Parti démocrate à la française» initiée par la droite du PS n’est pas promise à un bel avenir. Quant aux 18% qui ont voté Bayrou au premier tour, ils penchent légèrement du côté gauche, mais trop peu pour renverser les montagnes. Autrement dit, l’électorat naturel du centre, très inférieur à 10%, va voter à droite ; les autres, la faible majorité de ceux qui se prononceront pour Ségolène Royal, ne sont peut-être que des électeurs de gauche mécontents du début de campagne de leur candidate. Ce qui fait que le clivage gauche-droite, en se reconstituant, fait éclater la baudruche centriste. Chacun rejoint son camp de base. Et cela risque de faire beaucoup trop juste au total, dimanche soir.
Mais sait-on jamais ? Cette interminable campagne n’est pas encore tout à fait parvenue à son terme. Lorsque le lecteur lira ses lignes, le débat entre les deux finalistes de cette joute présidentielle aura eu lieu. Peut-il bouleverser la donne ? D’un mot, d’un regard, Nicolas Sarkozy peut-il trahir encore un peu plus cette soif inextinguible de pouvoir qui constitue un danger pour la démocratie et la paix civile ? Le candidat de la droite a comparé dimanche cette fin de parcours à la dernière étape du Tour de France, quand celui qui a remporté toutes les étapes de montagne trébuche «parce qu’un chien traverse la route». Seul le mauvais sort, donc… C’est faire peu de cas de Ségolène Royal, qui termine cette campagne bien mieux qu’elle ne l’avait commencée. Ce n’est pas là un propos très politique, car cela ne change rien, à terme, aux risques de glissement à droite du PS. Mais cette considération esthétique sur la qualité du discours et le style n’est pas indifférente dans une compétition qui fait la part belle aux impressions et aux personnalités plus qu’aux programmes. Ce que nous redoutons le plus dans l’hypothèse probable de la victoire de Nicolas Sarkozy, ce ne sont d’ailleurs pas seulement ses projets, c’est une personnalité qui n’a de cesse d’exacerber les contradictions de notre société, et d’en aggraver les tensions. Si dimanche soir un tel homme dispose de la légitimité du suffrage universel, il sera temps d’éprouver la solidité de notre démocratie.
par Denis Sieffert pour Politis Répondre | Répondre avec citation |
La constance de l’inutilité de ce genre d’attitude n’y change rien.
Je me souviens encore des cadres winwin des années 80, bouffés par l’idée de la frime et du fric à gogo, qui faisaient preuve de tant de pédagogie pour expliquer aux ch’tites n’ouvriers renfrognés que leur licenciement participait directement à la marche glorieuse du progrès et à la bonne santé de l’entreprise et qu’il fallait être de sacrés égoîstes sans cœur pour faire la gueule pour si peu.
Je me souviens des DRH pontifiants qui expliquaient avec des trémolos dans la voix la cruelle nécessité des restructuration s d’effectifs à ceux qui avaient donné le meilleur d’eux-mêmes pour la prospérité de tous, pensaient-ils, les naïfs, mais en fait de certains seulement, certains dont ils ne faisaient naturellement pas partie.
Je me souviens des donneurs de leçons de tous poils qui ont fustigé la masse ignare du peuple boudeur, celui-là même qui refuse les bienfaits de la globalisation de la concurrence entre les hommes et les femmes de l’ensemble de la planète, mise en concurrence saine mais dont les prescripteurs, curieusement, prennent toujours grand soin de se mettre à l’abri.
Je me souviens aussi du regard froid de certains agents de l’ANPE, lorsqu’ils annoncent que décidément, nous ne faisons vraiment pas assez d’efforts pour trouver un boulot qui n’existe pas, et que si l’on est toujours au chômage, c’est forcément un peu de notre faute, qu’il faut être borné pour s’accrocher à des choses aussi futiles que l’expérience professionnelle ou des brassées de diplômes pour refuser stupidement l’un de ces merveilleux métiers en tension qui nous tendent leurs petits musclés de poor job.
Je me souviens enfin, et c’est encore frais et vif dans ma mémoire, de la désinvolture avec laquelle les zélés salariés des ASSEDIC peuvent vous annoncer que, pour cause d’obscures manipulations informatiques de listes étranges et ésotériques, vous vous retrouvez subitement et sans autre forme de procès, privés de vos maigres subsides de salarié involontairemen t privé d’emploi.
Parce que finalement, on a bien l’impression qu’il y a une joie un peu malsaine à infliger aux autres ce que pour rien au monde vous ne voudriez pour vous, et ce, d’autant plus que vous croyez mordicus que votre collaboration vous élève au-dessus de la masse de ceux qui subissent et vous met définitivement à l’abri de ce genre de petits malheurs ingrats.
Seulement, le hic, c’est que personne n’est jamais à l’abri de rien, et que de participer activement à l’entreprise de démolition des autres est loin d’être une garantie de passer au travers. Mais voilà, les zélés soutiens à la marche triomphante du progrès qui s’essuie les pompes sur la face des autres, ou les obscurs petits fonctionnaires obéissants de la machine à broyer les hommes finissent toujours par se faire rattrapper par la bête immonde qu’ils croyaient appâter par leur soumission. Au mieux, il hériteront d’une bonne coupe de cheveux qui dégage les oreilles à la Libération.
C’est ainsi qu’un beau jour, les cadres de HP qui n’avaient pas eu d’états d’âmes à délocaliser le job des autres sous des cieux plus favorables à l’exploitation de l’homme par l’homme, se trouvèrent fort dépourvus lorsque la bise leur tomba sur le paletot et s’empressèrent de retrouver les chemins tortueux de la contestation du système qu’ils servirent pourtant si promptement peu de temps auparavant.
C’est ainsi que nombre de DRH, faute d’effectifs encore à réduire, goûtent à leur tour aux joies du pointage mensuel.
C’est ainsi que les intellectuels, journalistes, politiques et autres prescripteurs de lavements sociaux se sentent parfois bien seuls avec un peuple devenu sourd à leurs admonestations.
C’est ainsi que des salariés de l’ANPE sont entrés en résistance, certes pour défendre les droits des chômeurs, durement rognés ces dernières années, mais aussi et surtout parce que l’entrée en action du plan de contrôle mensuel des chômeurs leur a rendu la tâche totalement impossible, faute de moyens et d’effectifs.
Et c’est ainsi, enfin, que les salariés des ASSEDIC qui sont entrés en grève à leur tour, non pas pour protester contre la cruelle chasse aux chômeurs mise en place depuis le début de l’année et qu’ils ont contribué à rendre encore plus dure et inhumaine, mais parce que maintenant, ce sont leurs propres postes qui sont menacés.
Voilà qui prouve une fois de plus qu’il est difficile de tirer des leçons de notre histoire, proche ou lointaine, et que ce sont toujours les mêmes erreurs qui se répètent. Il a fallu aux Argentins que 80% d’entre eux sombrent dans la pauvreté pour qu’ils comprennent enfin la nature du système qu’ils subissaient et qu’ils unissent leurs forces contre lui. Et nous ? Que nous faudra-t-il encore pour comprendre que face à la logique qui écrase les hommes et les abandonne ensuite au bord du chemin, LE REFUS EST LA SEULE ATTITUDE POSSIBLE ?
par Monolecte pour Le Monde Citoyen Répondre | Répondre avec citation |