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On sait que, quand ça l'arrange, le patronat veut "plus d'Etat" ou "moins d'Etat" selon qu'il s'agit d'assumer ses responsabilités sur ses choix économiques. Ainsi, pour être chaque année charitablement assistées de quelque 60 milliards d'euros d'aides publiques diverses et variées - soit l'équivalent du déficit budgétaire de la France -, les entreprises sont toujours solidaires. Mais pour participer au coût de la destruction et de la précarisation des emplois, qui sont pourtant de leur fait et ruinent notre protection sociale (Sécu, chômage, retraite…) ainsi que le budget des collectivités, tout "interventionnisme" de l'Etat est forcément à proscrire !
20 millions de fluidités…
Finalement, la brigade financière va de découverte en découverte et estime aujourd'hui à 24 millions d'euros - au lieu de 5,64 - le montant total des retraits suspects en espèces effectués sur les ordres du président de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), également négociateur en chef du Medef et vice-président de l'Unedic (assurance-chômage), rien que ça.
Bien sûr, Denis Gautier-Sauvagnac refuse toujours de se prononcer publiquement sur l'affaire. Pour justifier ces retraits qu'il ne nie pas, dans la première phase de l'enquête il avait d'abord évoqué les «œuvres sociales» de l'UIMM, censées aider des salariés et retraités "nécessiteux"... Puis il a déclaré ensuite à la police avoir utilisé ces liquidités pour «fluidifier les relations sociales», sans autre précision. Fluidifier… liquidités… volontairement ou pas, «DGS» a fait là un savoureux jeu de mots ! Car c'est bien avec du cash - ni vu ni connu - qu'on achète - par exemple - des accords, et l'expression "fluidifier les relations sociales" pourrait se traduire par "verser des pots de vin".
Ça tombe mal !
L'enrichissement personnel est une piste jugée a priori peu probable pour ce personnage aux revenus très confortables (et dont le rôle consiste à réduire ceux des salariés et des chômeurs). Mais la piste du financement politique occulte ou de la corruption demeure sérieuse.
Le Medef, qui rassemble demain son conseil exécutif, est fort embarrassé : tout ça, c'est très mauvais pour le rapport de force à instituer dans les négociations à venir ! Très mauvais aussi pour l'ami des riches patrons, Nicolas Sarkozy : lui qui pensait instrumentaliser la victoire du XV de France pour mieux faire passer son tsunami de réformes anti-sociales, il doit grincer des dents avec cette nouvelle déconvenue qui, conjuguée à l'affaire EADS, éclabousse ses projets.
Quelle légitimité pour «DGS» ?
Souvenons-nous qu'en 1999 Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Economie et des Finances, était suspecté par la justice dans l'affaire de la MNEF. Il avait choisi de présenter sa démission avec beaucoup d'honneur et de courage. Menacé d'être mis en examen pour faux et usage de faux, «DSK» décidait de se retirer afin de prouver sa bonne foi et, surtout, ne pas entacher son gouvernement ni son parti. Comme on le sait, il a été relaxé.
Si «DGS» n'a rien à se reprocher, s'il devait faire preuve d'une réelle noblesse, il agirait de même. Mais en guise d'honneur, ce qui caractérise les comportements mafieux, c'est l'omerta, confirmée ici par le silence dont on nous abreuve (y compris notre lider maximo qui, pourtant, a toujours une déclaration à faire sur TF1). Et puis il y a la «présomption d'innocence», si chère à Laurence Parisot. Cependant, la présidente du Medef oublie que cette notion bienveillante a été instituée par un gouvernement socialiste (Loi Guigou du 15 juin 2000). De plus elle s'imagine que ce principe n'est valable que pour les membres de sa caste, tandis qu'au quotidien les chômeurs et les pauvres - que ses pairs ont mis sur la paille pour mieux s'enrichir - sont, sans hésitation, tous coupables et responsables !
Qui est mouillé, qui ne l'est pas ?
Qui, dans la mesure où ils n'ont pas bénéficié des "fluidités relationnelles" de l'UIMM, osera demander la suspension de son président lors des prochaines réunions de travail entre syndicats et patronat, le temps que lumière soit faite ? Car, pour l'instant, la tiédeur des réactions face à ce scandale est incompréhensible : on s'attendait au moins à ce que les représentants des syndicats de salariés quittent la table et refusent de traiter plus avant avec «DGS», tout en exigeant son remplacement rapide (car nul n'est irremplaçable, nous dit-on partout ailleurs). Mais non : personne ne moufte. Honneur ? Présomption d'innocence ? Avec cette histoire qui suinte la corruption dans ces hauts lieux où l'on décide du sort des travailleurs et des privés d'emploi, il est à parier que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
=> DERNIÈRE MINUTE => Afin de limiter l'important discrédit jeté sur le Medef par cette affaire, «DGS» renoncerait à son mandat de négociateur en chef de l'organisation patronale et se retirerait des discussions avec les syndicats sur la réforme du marché du travail.
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Commentaires
«On ne peut pas à la fois parler de tolérance zéro à l’égard des délinquants de droit commun et favoriser l’impunité à l’égard des patrons et des politiques. Ou alors, que les choses soient claires : Nicolas Sarkozy veut enterrer définitivement les affaires», disait le juge Halphen dans son entretien au Parisien du vendredi 12 octobre.
C’est Rachida Dati qui doit être contente, elle qui souhaite que la Justice française soit plus efficace, plus au service des citoyens, plus proche dans une grande ville et surtout plus
expéditive(pardon) rapide !Rappel des faits. En mars dernier, le Canard Enchaîné rapportait que M. Sarkozy, en septembre 1997, avait acquis un duplex sur l'île de la Jatte avec un rabais d'au moins 750.000 FF (un peu plus de 110.000 €) et bénéficié de travaux gratuits (à hauteur de 1,8 million de FF soit environ 275.000 €) de la part du promoteur la société Lasserre, client régulier de la Ville de Neuilly à l’époque où M. Sarkozy en était maire… Surtout, l'hebdomadaire satirique affirmait que cinq mois plus tôt, en avril 1997, Nicolas Sarkozy avait concédé un rabais de 5 millions de FF (775.000 €) au promoteur Lasserre sur des terrains municipaux de l'île de la Jatte, où devait être érigé l'immeuble abritant ledit appartement…
Pourtant une loi (que le député Sarkozy a votée) interdit à un élu d’être en affaires privées avec une société commerciale qui traite par ailleurs avec sa collectivité : cela s’appelle une "prise illégale d’intérêt". Si, en plus, l’élu en a tiré un bénéfice qui sort de l’ordinaire, la loi emploie des expressions encore plus désobligeantes, comme "corruption passive".
Qu'à cela ne tienne ! «Je vous informe que votre plainte n'a pas permis de caractériser l'existence d'infraction pénale et a fait l'objet d'un classement sans suite», a écrit le procureur de la République de Nanterre Philippe Courroye, au plaignant Marc Salomone. Il faut savoir que, comme par hasard, le juge Philippe Courroye a été nominé à Nanterre en avril dernier, qu'il est un proche de Nicolas Sarkozy et qu'il ne s'en cache pas.
Dura lex, made in France ! Répondre | Répondre avec citation |
Devant le Medef, Denis Gautier-Sauvagnac invoque la légalité de ses retraits d'argent Répondre | Répondre avec citation |
"La présidente du Medef, Laurence Parisot, désignera dans les tout prochains jours, parmi l'équipe actuelle de négociateurs, le prochain chef de file" pour les discussions sur la réforme du marché du travail, précise l'organisation patronale dans un communiqué.
Denis Gautier-Sauvagnac "continue de présider la commission Relations du travail et politiques de l'emploi et d'apporter son expérience et sa compétence aux travaux du Conseil exécutif", poursuit le Medef.
On attend la position de l'Unedic (dont il est tout de même le vice-président) sur cette affaire. Répondre | Répondre avec citation |
"L'origine de cette affaire repose sur le maniement d'argent liquide dans des proportions très importantes de la part de l'organisation patronale", a déclaré le leader syndicaliste sur France 2. "Et maintenant, on entend des dirigeants du Medef assumer pleinement, revendiquer voire, un véritable scandale national. En tout cas, moi je le qualifie comme tel".
Selon Bernard Thibault, "des centaines de milliers" de salariés de la métallurgie "s'aperçoivent aujourd'hui qu'une part de leur travail est détournée pour alimenter des caisses noires du patronat. Il va falloir faire des clarifications sur ce sujet".
Affirmant que la CGT n'a jamais bénéficié de ces retraits d'argent, Bernard Thibault a estimé que le patronat doit apporter "des preuves" d'un éventuel financement occulte des syndicats. "Je remarque que depuis le début de cette affaire, jamais un responsable patronal n'a apporté jusqu'à présent le plus petit début d'une preuve étayant cette affirmation", a-t-il souligné. Le secrétaire général de la CGT y voit donc "un moyen aussi pour tenter de décrédibiliser l'action syndicale dans une période où la mobilisation sociale, le mécontentement social, les revendications sont à l'ordre du jour".
En écho à l'affaire EADS
"Le vrai scandale en cette rentrée, ce n'est pas que des organisations syndicales palperaient éventuellement de l'argent du Medef, c'est que le Medef a une caisse noire et que cela fait écho à ce qui vient de se passer chez EADS", a déclaré le porte-parole de la LCR Olivier Besancenot sur RMC-Info. "J'espère que toute la vérité sera faite parce que, au-delà de savoir à quoi exactement servaient ces sommes d'argent, c'est surtout qu'il y a beaucoup d'argent en jeu", a-t-il ajouté. "Il faut la transparence la plus totale". Répondre | Répondre avec citation |
[…] Cette présentation sibylline ferait sourire ceux qui connaissent un peu les pratiques de l’UIMM, si les dégâts collatéraux sur l’image des partenaires sociaux n’étaient pas redoutables. «La seule surprise, c’est qu’il se soit fait prendre aussi bêtement la main dans le sac, sans se soucier de la nouvelle réglementation sur le blanchiment», confie, sous le sceau de l’anonymat le plus absolu, un ancien dirigeant du CNPF (Conseil national du patronat français, qui devint le Medef en 2000). Et de rappeler qu’en 1952, en pleine guerre froide, l’UIMM, dont les initiales signifiaient alors Union des industries métallurgique et minière, avait créé une «caisse antigrève» pour récompenser les syndicats qui se montraient les plus compréhensifs dans la négociation. Et surtout contrecarrer l’influence communiste dans le mouvement syndical.
Mais ce trésor de guerre a aussi et probablement bien davantage servi à faire éclore quelques talents politiques. «Seuls quelques naïfs croient encore que Giscard a pu mener campagne, en 1974, avec les maigres moyens humains des Républicains indépendants», écrit l’ancien directeur central des Renseignements généraux, Yves Bertrand, dans le livre de témoignages qu’il vient de publier (Je ne sais rien, mais je dirai [presque] tout, Plon). Ouvrage dans lequel il évoque aussi le souvenir des «enveloppes en liquide» de l’UIMM.
Lire tout l'article de Libé Répondre | Répondre avec citation |
Financement d'entreprises (notamment en cas de grève), financement syndical, financement politique ? Une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet de Paris, et les policiers de la brigade financière y travaillent. Cathy Kopp, directrice des ressources humaines du groupe hôtelier Accor et remplaçante de DGS à la tête de la délégation patronale pour la négociation sur la modernisation du marché du travail, se dit «scandalisée» par ces "secrets de famille"…
Ces révélations sur les caisses noires du patronat sont assez salées : non seulement les grands patrons ont constitué une caisse de solidarité antigrève en prélevant de l’argent sur le travail des salariés, mais en plus… ce serait la faute des syndicats !
Car ces "pauvres patrons" qui sont, paraît-il, écrasés de "charges" et d’impôts, ont trouvé le moyen de payer des «surcotisations » pour créer une caisse antigrève estimée pour l'instant à 160 millions d’euros… Ces millions sont le produit du travail des salariés, à qui on a refusé tant de fois des revalorisations salariales, et cet argent est utilisé contre eux !
Si ces révélations sortent maintenant, à grand concours de "on ne savait pas" hypocrites, ce n’est pas dû au hasard. Qu’il soit question de rapports de forces internes au Medef entre vieille garde de l’industrie et bras armé d’un nouveau capitalisme financier, certes. Mais l’intérêt est surtout de miner le terrain syndical au moment où débute le premier conflit social d’ampleur de l’ère Sarkozy.
Il est temps de rendre publics les comptes des entreprises. Répondre | Répondre avec citation |