Voyez Bernard Laporte. L'entraîneur et sélectionneur du XV de France, qui doit bientôt s'improviser secrétaire d'État aux Sports, est aussi un businessman avisé : immobilier, communication, vignoble, usine de biscuits, campings, restaurants, casinos… sans compter la publicité. Bien entouré, cet homme méritant et probablement vertueux a visiblement toujours su placer son argent et se diversifier. Hélas, son entrée au gouvernement lundi prochain mettra un terme à ses activités commerciales, car un ministre n'est pas autorisé à être salarié d'une entreprise (tout juste peut-il toucher des dividendes, explique Le Figaro…). Un sacrifice évalué à «1,5 million d'euros d'ici à 2009», selon son proche collaborateur Serge Benaïm (lui-même proche ami de Didier Quillot du groupe Lagardère, de Max Guazzini, patron du Stade Français, et de Pascal Nègre, PDG d'Universal) : «C'est bien la preuve que Bernard est tout sauf un affairiste», insiste-t-il.
Qu'à cela ne tienne ! Comme la plupart des chômeurs, en changeant d'emploi Bernard Laporte subit une perte de revenus... Mais c'est pour la bonne cause !
Le chouchou de Nicolas Sarkozy est donc un homme épanoui. «J'ai un nouveau métier. S'il me plaît, j'y resterai, s'il ne me plaît pas, je ne le ferai plus», a dit ce matin l'homme-sandwich, interrogé sur son nouveau job lors d'une conférence de presse. Ce qui n'a pas manqué d'agacer sa future cheffe Roselyne Bachelot : «Etre secrétaire d'Etat, ce n'est pas une question que ça plaise ou pas. On remplit une fonction, on ne la remplit pas pour son plaisir, on la remplit pour le bien des Français.» Egalement agacé le député UMP Georges Tron, qui a rappelé qu'entrer au gouvernement n'était pas «un jeu. [...] Il prend le gouvernement un peu comme une épopée dans sa vie professionnelle. Il faut se méfier de cette espèce de dilettantisme, de cet amateurisme de la politique.»
Autre petit point noir : la précarité. Car, comme pour les parlementaires ou pour Bernard Kouchner, le mandat politique expose à ce risque... Alors, non seulement il faut de l'abnégation (1) mais aussi de l'audace ! Qu'à cela ne tienne : c'est pour la bonne cause !
Somme toute, ça baigne pour Bernard Laporte, érigé en symbole de réussite. Il est vrai qu'avec un ami comme Nicolas Sarkozy, "tout devient possible"... Sauf pour l'immense majorité des privés d'emploi qui n'a pas de «réseau» conséquent à activer. Par exemple, à cette fin, l'ex chômeur Julien Doré, gagnant de "La Nouvelle Star", avait osé sortir un peu trop des sentiers battus : l'Assedic s'est chargée de le rappeler à l'ordre car jumeler plaisir et audace, figurez-vous, c'est juste bon pour la télé ! Si les artistes et autres VIPs ont le droit d'y avoir leur franc-parler, de se vêtir avec extravagance et se vanter qu'ils se couchent à l'aube, le chômeur montrant ces mêmes caractéristiques sera, lui, considéré comme ingérable, inemployable, voire fainéant. Pour les recruteurs la fantaisie, le dillettantisme ou l'atypisme sont totalement proscrits : il faut être pile poil au bon format, ni plus, ni moins. Pas d'improvisation à l'ANPE. Et pas question non plus d'être décontracté à la DDTE, sous peine de passer pour un fraudeur en puissance.
L'heureux Bernard Laporte a 43 ans. A cet âge, sur le marché de l'emploi, il y a longtemps qu'on rechigne à en cueillir la fleur. C'est à peine si on daigne vous recevoir, si ce n'est vous répondre. Et pas question d'espérer se reconvertir puisque, de toutes manières, les formations vous sont fermées... Que voulez-vous : tout le monde ne s'appelle pas Guy Roux !
Ainsi deux mondes se côtoient sans vivre la même chose. Mais l'un voudrait faire croire à l'autre qu'il suffirait de peu pour que la gloire soit à sa portée et que, s'il n'y arrive pas, c'est qu'il a démérité. A l'illusion de la réussite par l'effort et le mérite succède la culpabilisation du faible. Entretenue avec ardeur par le président de la République, cette dissonance persistante entre des symboles exhibés et une réalité éludée devient de plus en plus gênante.
(1) Le chômeur lambda connaît, lui aussi, le sentiment d'abnégation que procurent le déclassement et la déqualification. Il connaît aussi le risque que lui fait encourir la précarité, la vraie : en fait, celui de n'avoir pas le choix. Comme Bernard Laporte, le chômeur ou le précaire font, finalement, preuve d'admirables capacités d'adaptation dans un monde qui leur est particulièrement hostile; sauf qu'il est plus simple de faire des étincelles quand on est bien choyé.
Articles les plus récents :
- 18/10/2007 16:32 - L'«aumône» des stagiaires
- 18/10/2007 03:52 - Le bénévolat pourrait compter pour la retraite
- 17/10/2007 21:39 - Dire non à la misère, c'est...
- 17/10/2007 18:07 - La prime de Noël est reconduite pour 2007
- 17/10/2007 04:41 - Internes : une grève de «bobos» ?
Articles les plus anciens :
- 14/10/2007 21:59 - Denis Gautier-Sauvagnac voulait «fluidifier les relations sociales»
- 12/10/2007 20:30 - Affaire EADS : la complainte de Thomas Enders
- 10/10/2007 21:22 - Régimes spéciaux : Xavier Bertrand tait l'évidence
- 08/10/2007 01:00 - Contrat d'avenir : ce que gagne l'employeur
- 05/10/2007 01:09 - Les buts inavoués du «nouveau» Code du travail
Commentaires
Au cœur d’une mêlée d’intrigues immobilières
Répondre | Répondre avec citation |
Le futur secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports et ses sociétés sont visés par une enquête fiscale ayant relevé de nombreuses irrégularités.
Ça tombe mal ! Répondre | Répondre avec citation |
Nicolas Sarkozy a laissé entendre vendredi qu'il ne reviendrait pas sur la nomination au gouvernement de Bernard Laporte, visé par une enquête fiscale, invoquant "la présomption d'innocence".
"La présomption d'innocence, c'est quelque chose qui doit exister. Je l'ai d'ailleurs déjà fait fonctionner pour André Santini. Ça me paraît raisonnable", a déclaré le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil européen de Lisbonne.
Lundi, l'entraîneur de l'équipe de France de rugby doit prendre le poste de secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports au terme de la Coupe du monde de rugby. Sa nomination avait été annoncée le 19 juin lors de la formation du deuxième gouvernement de François Fillon. "La nomination de Bernard Laporte a d'ores et déjà été annoncée et il n'y a aucune raison d'y revenir", a déclaré vendredi matin sur LCI le porte-parole de Nicolas Sarkozy, David Martinon.
L'Equipe révèle vendredi sur son site internet que Bernard Laporte fait l'objet d'une enquête fiscale qui a mis au jour une série d'irrégularités. "Au terme de près d'un an d'enquête et d'une quinzaine de perquisitions, la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) a mis au jour une série d'irrégularités dont les plus graves pourraient être transmises à la justice", y lit-on dans des extraits d'un article à paraître samedi dans le magazine hebdomadaire du quotidien sportif.
Parmi les irrégularités constatées, le journal cite "double comptabilité, abus de biens sociaux, détournement d'actifs, transferts de fonds suspect, fausses factures, travail au noir, retraits en espèces". Interrogé par L'Equipe, Bernard Laporte déclare : "Vous croyez que moi, je vais aller dans une société faire des malversations ? Je vous parie tout ce que vous voulez que ça ne débouchera sur rien à l'arrivée. Si ce n'est ce redressement concernant la TVA."
Le secrétaire d'Etat à la Fonction publique André Santini, qui est également maire d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), a été mis en examen en mai 2006 pour "prise illégale d'intérêt" et "faux" dans l'instruction sur le projet de création d'un musée d'art contemporain dans sa ville. Il a annoncé lundi qu'il quitterait le gouvernement s'il était condamné. Les affaires immobilières de Nicolas Sarkozy sur l'Ile de la Jatte ayant récemment été classées sans suite grâce à son amis le juge Philippe Courroye, on sait qu'il suffit désormais d'avoir les bonnes relations pour échapper aux désagréments de la justice. Répondre | Répondre avec citation |
Jean Sarkozy, 20 ans et fils cadet du président de la République, a décidé d'apporter son concours à David Martinon, candidat UMP à Neuilly. «Jean s'implique dans ma campagne en organisant des réunions de jeunes au café de la Jatte. C'est un soutien actif et précieux», précise David Martinon qui veut succéder à Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly en 2008.
Jean Sarkozy a, par ailleurs, démenti l'information publiée hier par Le Parisien selon laquelle il monterait sur les planches, dans la comédie Oscar, en janvier prochain. «Ce n'est pas vrai», a déclaré Jean Sarkozy qui prend des cours de théâtre chez Jean-Laurent Cochet. Étudiant en droit, Jean Sarkozy a déjà joué, cet été, avec sa troupe dans l'ouest de la France. Selon Le Parisien, il devait partager la vedette de cette comédie de boulevard, jouée autrefois par Louis de Funès, avec Sophie Tapie, 19 ans, fille de l'ex-homme d'affaires. «Je ne la connais pas», a affirmé Jean Sarkozy qui a accompagné son père, lundi et mardi, lors de la visite d'État au Maroc.
(Source : Le Figaro)
Pendant que la jeunesse de France galère, d'autres n'ont aucune difficulté à s'insérer dans la vie, avec l'embarras du choix en prime.
Non, résolument, ce décalage entre deux mondes devient insupportable. Répondre | Répondre avec citation |
La plainte a été adressée lundi au procureur de la République de Paris, selon les informations de Libération. Selon l'exploitante du casino, Bernard Laporte lui aurait proposé durant l'été 2005, contre des parts dans le casino, d'intervenir auprès de Nicolas Sarkozy - à l'époque ministre de l'Intérieur, chargé de la surveillance des casinos - afin d'obtenir les autorisations d'ouverture de son l'établissement. Les difficultés de Mme Ruggieri à obtenir les autorisations nécessaires pour l'exploitation de machines à sous avaient fait l'objet d'une plainte contre X avec constitution de partie civile le 23 mars 2007 pour "favoritisme".
Le nom de Bernard Laporte apparaissait dans le corps de cette plainte. Le parquet de Paris avait requis le 19 octobre qu'il n'y avait pas lieu d'ouvrir d'information judiciaire, estimant que le délit n'était pas constitué.
Dans un entretien accordé à L'Equipe Magazine le 20 octobre, Bernard Laporte évoquait une plaisanterie. "C'est elle qui m'avait demandé de lui organiser une entrevue avec Nicolas Sarkozy (…) En déconnant j'ai répondu “Donne-moi 10% et je te l'aurai ce rendez-vous”", avait-il déclaré. Interrogé par Libération, Me Francis Terquem, avocat du casino rétorque qu’"il est assez inopérant que M. Laporte ait tenu ces propos “pour rire” ou “en déconnant”. Les faits relèvent d’une tentative d’extorsion de capital".
Dans son édition du 20 octobre, L'Equipe Magazine révélait que Bernard Laporte était soupçonné par la Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) d’"irrégularités fiscales" dans des sociétés où il est associé.
(Source : L'Express) Répondre | Répondre avec citation |