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Les élus conservent la principale spécificité de la double-cotisation qui leur permet de toucher à partir de 60 ans - au lieu de 55 - une retraite à taux plein avec 22,5 annuités [2]. Ceux qui sont issus du secteur privé pourront continuer à cumuler les emplois - comme, par exemple, Jean-François Copé… - et donc cotiser à plusieurs caisses de retraite. Par contre, ceux qui sont issus de la Fonction publique (environ 170) n'auront plus le droit de continuer à cotiser à leur caisse d'origine.
Ainsi, nos parlementaires bénéficient toujours d'avantages assez conséquents puisque la durée moyenne d'un mandat est d'environ 7 ans pour une pension moyenne de 2.400 € net [3], l'autre spécificité consistant à ne pas fixer de condition de durée pour l'obtention d'une retraite ayant été maintenue. Pourtant, en 2006, avec 7,4 millions d'euros de cotisations versées par 577 actifs pour 2.004 pensionnés, les caisses de retraite des députés étaient largement déficitaires : qu'à cela ne tienne, les 38,5 millions manquants ont été renfloués par le budget de l'Etat, c'est-à-dire les contribuables.
Mais voici comment Richard Mallié, député UMP des Bouches-du-Rhône, justifie ces avantages : «C'est le prix de la démocratie. On est député 24h/24 et 7j/7 avec seulement 15 jours de vacances par an, plus les séances de nuit et le travail permanent en commission. Je connais des députés de 57 ans qui, après deux mandats, ont du mal à retrouver un emploi». Les pauvres : s'ils savait que des centaines de milliers de salariés âgés endurent cette situation avec pour seul revenu un minima social [4] ! François Goulard (UMP, lui aussi) fait figure d'oiseau rare quand il revendique un alignement du régime de retraites des parlementaires sur le régime général du secteur privé avec instauration d'une retraite complémentaire, «à la charge de l'intéressé».
Une chose est sûre : la protection sociale, une "sécurisation des parcours professionnels", des salaires et des retraites décentes sont des notions que nos élites ont parfaitement assimilées… pour elles-mêmes tandis que pour le reste des Français, ceci ne reste qu'à l'état de revendications !
[1] Bien que ses fonctions s'amenuisent au profit d'une présidentialisation du régime, pas de "recalcul" ou de "downsizing" pour le premier ministre : le recalcul (une idée à lui !), c'était bon pour plus d'un million de chômeurs en 2004 et le downsizing, c'est toute l'année pour de nombreux salariés qui travaillent dans l'angoisse. François Fillon, avec ses cinq mandats de député de la Sarthe, est sûr de toucher une retraite d'au minimum 6.000 € par mois quand il aura 60 ans.
[2] S'il doivent, depuis 2003, justifier de 40 annuités - contre 37,5 auparavant - pour une retraite à taux plein, les députés cotisent double pendant 15 ans, puis 1,5 fois pendant 5 ans, puis s'acquittent d'une cotisation simple les 2,5 années suivantes.
[3] En 2001, le montant moyen mensuel des pensions de retraite après carrière complète était de 1.453 € pour les hommes et de 950 € pour les femmes, selon l'INSEE.
[4] Pour ceux qui pouvaient bénéficier de l'Allocation équivalent retraite (AER), soit 953 € par mois au lieu de 435, le gouvernement prévoit d’en restreindre l'accès dès l'année prochaine !
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Commentaires
C'est LA nouvelle de ce début de semaine : le projet de Nicolas Sarkozy de faire adopter par l'Assemblée une augmentation de 140% de ses émoluments révolte des dizaines de milliers d'internautes. Révélée par Profession politique, la note interne rédigée par la conseillère Emmanuelle Mignon prévoit cette augmentation de salaires dans le cadre d'une clarification budgétaire qui verrait le budget de l'Elysée réintégrer les rémunérations des quelque 800 salariés actuellement prêtés par les administrations . Il n'en faut pas plus pour déchaîner les passions.
D'abord parce que, durant sa campagne, le candidat Sarkozy avait affirmé qu'il réduirait le train de vie de l'Elysée. Ensuite parce que cette éventuelle réforme s'ajoute à d'autres informations sur la rémunération des hommes politiques qui agacent énormément. Ainsi du maintien du régime particulier des députés au moment où on demande aux salariés des entreprises publiques d'y renoncer. La vidéo du site iPol, qui dénonce le régime de retraite des parlementaires, a été regardée par 300.000 internautes, qui ont ainsi été informés du montant de la pension de retraite de Jacques Chirac (30.000 €).
[…] On comprend bien le sens et la portée de ces révélations : au moment où le pouvoir d'achat devient le problème numéro un des salariés, il est tentant d'orienter leur ire contre leurs représentants «qui se servent dans les caisses» au lieu de servir la fonction. Ainsi François Hollande a-t-il indiqué que «l'augmentation du salaire du Président serait un mauvais signe». La remarque, de bonne guerre, relève peut-être d'un mauvais procès. La note interne mentionne que l'augmentation du président aurait pour objectif de corriger une anomalie : actuellement, le salaire annuel du Président est de 101.448 €, nettement inférieur à celui du Premier ministre (240.000 €). Il s'agirait donc simplement de mettre le Président au niveau de son Premier ministre, ce qui n'est pas forcément scandaleux.
Le fait est que cette mesure s'inscrit dans une tendance générale à accompagner la répression de tout financement occulte et la limitation du cumul des mandats par une mise à niveau des moyens octroyés aux ministres et aux élus. La disparition des financements officieux imposerait donc d'augmenter les financements officiels. La logique n'est pas imbécile, même si elle heurte beaucoup de citoyens. On devine aisément pourquoi : les révélations récentes sur les caisses noires de l'UIMM donnent à penser que la corruption se maintient et qu'elle prospère, même, malgré tous les dispositifs législatifs et réglementaires adoptés depuis une quinzaine d'années sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales.
Nos concitoyens ont donc l'impression que la normalisation du financement de la vie politique ajoute une source supplémentaire aux financements occultes qui trouveraient, de toute façon, mille façons de persister ou de se renouveler. Certes, mais ne convient-il pas de distinguer une délinquance marginale, qui ne concerne que quelques individus (1) avec un système entièrement abondé par des financements occultes, comme ce fut longtemps le cas via les emplois fictifs dans les administrations ou les mairies ?
L'éclosion d'une grogne «anti-politique» est d'autant plus stimulée qu'elle peut s'appuyer sur de vrais abus. Ainsi du régime spécial des députés. Certes, l'Etat est, dans ce domaine, impuissant : seul un vote des élus peut réformer ce régime, à la différence de ceux des agents d'EDF et de la SNCF qui peut être modifié par la voie réglementaire.
Pour autant, nos députés ont jugé urgent de laisser se perpétuer un régime qui accuse un déficit de 38,5 millions d'euros (sur un fonds de 60 millions d'euros) en leur octroyant une pension de 2.400 € pour 7 années de cotisation. L'Etat pourvoira, là encore, au trou de la caisse. Pourtant ces mêmes députés, de droite comme de gauche, se sont généralement prononcés pour la suppression de régimes spéciaux bien moins avantageux pour leurs bénéficiaires. Dès que le sujet vient sur le tapis, les députés s'arc-boutent, criant au «populisme» si l'on envisage de mettre davantage d'équité dans le système.
Tout au plus viennent-ils d'accepter de faire passer de 55 à 60 ans l'ouverture de droits à la retraite, et de remettre en cause le cumul entre ce régime de retraite et d'autres régimes. En préservant leur système au moment où une réforme montre à la vindicte publique les soi-disant privilégiés des entreprises publiques, les députés risquent de perdre le peu de légitimité qui reste attachée à leur fonction. Mais quand le calcul égoïste devient le régulateur central d'une société, nos élus seraient particulièremen t vertueux de manifester un sens de l'intérêt général partout ailleurs piétiné, méprisé et ignoré. C'est pourtant ce que l'on attend généralement des élites : qu'elles donnent l'exemple. Le drame est que ses représentants ont oublié cet axiome de base du fonctionnement social. Et qu'ils stimulent involontairement un «populisme» qu'ils sont par ailleurs si prompts à dénoncer.
(Source : Marianne)
(1) Rappelons que les "chômeurs profiteurs" ne sont, eux aussi, qu'une poignée et que les principaux bénéficiaires de l'assurance-chômage sont finalement les employeurs, confortés dans leur irresponsabilit é. Sauf que l'arsenal répressif déployé à l'encontre des privés d'emploi est particulièremen t bien rodé, comparé à celui des entreprises. Répondre | Répondre avec citation |