Déjà, en juin dernier, face à la hausse annoncée des prix des produits alimentaires, elle avait "assuré" que le gouvernement serait "très vigilant" afin de "préserver le pouvoir d'achat des Français". Cet été, avec la libéralisation des marchés de l'énergie, elle conseillait aux consommateurs de "regarder attentivement" le contrat avec un fournisseur d'électricité autre qu'EDF et de lire "même quand c'est écrit tout petit". Aujourd'hui, avec la flambée des prix à la pompe, elle encourage les Français à "utiliser les bicyclettes" et, bien que de nombreuses grèves se préparent dans la grogne générale, elle s'attend à un "excellent" troisième trimestre pour la croissance française.
Mais… qui est Christine Lagarde ? Le 18 juillet, Jérôme Canard du Canard Enchaîné lui tirait le portrait dans un article intitulé : Christine Lagarde voit des paresseux partout !
« [...] Ainsi, les Français l'ignoraient : le travail, c'est rien que du bonheur ! Ils doivent cette révélation à la nouvelle ministre de l'Economie qui leur a ouvert les yeux dans son discours philosophico-politique sur la "valeur travail", aussi historique que délirant.
Depuis des siècles, en effet, on leur mentait. La faute, en gros, aux fainéants, aux gauchistes et à "quelques bobos à la mode", a-t-elle dit, qui le dénigrent selon une bonne vieille "tradition française du mépris qui trouve sa source dans l'Ancien Régime". Tradition qu’"on retrouve au XIXe siècle chez de nombreux auteurs. Paul Lafargue, dans son livre "Le droit à la paresse", recommande à l'homme de ne travailler que trois heures par jour, et de passer le reste du temps à fainéanter et bombancer", s'est aussi indignée la patronne de Bercy. Et le "dernier avatar de ce droit à la paresse, c'est la loi des 35 heures, ultime expression de cette tendance historique à considérer le travail comme une servitude" ! L'ouvrier qui trime n'a jamais compris sa chance...
Et la ministre, déchaînée, de s'en remettre joyeusement, après Tocqueville et Mirabeau, au sage Confucius qui conseillait il y a bien longtemps : "Choisissez un travail que vous aimez, et vous n'aurez pas à travailler un seul jour." Toutes ces subtilités ont échappé à la femme de ménage ou à la caissière de supermarché...
Formée à l'école anglo-saxonne. Ce n'est pas le cas de la ministre Christine Lagarde, et pour cause : cette grande prêtresse de l'économie mondiale est un peu déconnectée du terrain. Elle oublie de le rappeler dans ses discours mais, avant de revenir en France en 2005 comme sous-ministre au Commerce extérieur de Villepin, puis de rejoindre Bercy deux ans plus tard, sa connaissance du monde du travail s'est forgée dans les milieux d'affaires américains et les salons VIP internationaux. Et moins sur les chaînes de montage automobiles.
Pour mémoire, Lagarde a effectué la majeure partie de sa carrière comme avocate au cabinet Baker & Mac Kenzie de Chicago, l'un des plus gros de la planète, où elle est rentrée à 25 ans, en 1981. Dès 1991, elle en est devenue "avocat associé", un statut qui l'a sûrement poussée, dans son laïus du 10 juillet, à lancer cette jolie formule : "Une feuille de paie est le plus sûr garant de la paix…" Aux Etats-Unis, Lagarde avait effectivement la paix : dans un cabinet comme Baker & Mac Kenzie, la rémunération annuelle d'un avocat associé va du million au million et demi de dollars.
A Chicago, par la suite, Lagarde est même montée en grade. Elle a pris la tête de ce cabinet de 1999 à 2004. Du coup, Le Canard a sollicité la "chief executive" de Bercy pour connaître son salaire à cette époque. Elle nous a juré qu'elle n'émargeait alors qu’à "800.000 dollars, soit 600.000 €". Ça rapproche tout de suite des travailleurs. Et on mesure le sacrifice qu'elle a consenti en condescendant à devenir ministre en France.
Enfin, la ministre a regretté aussi que la France soit "un pays qui pense, alors qu'il faut cesser de penser, de tergiverser et se retrousser simplement les manches". Pourtant, elle-même pensait, naguère : dans sa période étasunienne, elle a compté parmi les membres actifs du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) de Washington. Autrement dit, un puissant cercle de réflexion euro-atlantique, truffé de businessmen et de barbouzes où l'on cogite beaucoup, mais plutôt en faveur des intérêts militaires...
C'est simple, le 14 juillet, devant des journalistes, Sarko 1er était en extase en évoquant sa protégée : "C'est la meilleure ministre qu'on ait jamais eue aux Finances. Elle bat tous les records !" Sur ce dernier point, on peut difficilement lui donner tort. »
CQFD.
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