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Avec son RSA (revenu de solidarité active), qu'il qualifie de «bouclier appliqué aux plus pauvres» et dont l'expérimentation a officiellement commencé dans 16 départements [1], Martin Hirsch va aider Nicolas Sarkozy à tenir sa promesse de faire disparaître progressivement quelque 2,3 millions de personnes des chiffres de la pauvreté (ces 12,1% de Français soit 7,55 millions d'individus qui survivent avec moins de 817 € par mois). Le RSA, qui doit les «encadrer» sur le chemin de l'emploi et leur permettre de reprendre un travail sans perdre en parallèle un certain nombre d'aides sociales, augmentera leur revenu de quelques euros : de quoi, déjà, dépasser ce seuil de la honte et en faire astucieusement dégonfler le taux. Sans rien régler.
Alors que son idée de RSA repose sur le principe de pouvoir vivre dignement de son travail, comment Martin Hirsch ose-t-il éluder le fait qu’aujourd'hui, c'est le travail qui ne paie pas ? Dans sa bouche, jamais il n'est question de dénoncer l'insuffisance des créations d'emplois décents ni la prolifération des contrats précaires ou «aidés», ni les bas salaires qui se généralisent alors qu'ils sont les principaux facteurs de la pauvreté. Le très lisse Martin Hirsch ne remet absolument rien en cause, et surtout pas «l'assistanat» (il emploie d'ailleurs très habilement le mot «solidarité») puisqu'au contraire son RSA va le renforcer : les employeurs restent ainsi dédouanés de toute responsabilité (Qui sont les plus assistés ?) et, comme toujours, c'est la collectivité - Etat, département - qui prend le reste à sa charge !!! De plus, on nous dit que le droit au RSA pourra être maintenu pendant un an au-delà de l’expiration des droits aux prestations sociales... mais après ? Restez Sans Avenir ?
Avec le RSA on fera, le temps d'une législature, disparaître des pauvres des statistiques… mais on ne fera pas baisser la précarité ni la pauvreté, le RSA leur servant finalement de caution ! Tout comme, pour les chiffres du chômage, on fait disparaître des demandeurs d'emploi par le jeu des convocations ou celui des catégories, et qu'on invoque une fusion pour mieux user de coercition à leur encontre.
[1] Voici les 16 premiers départements autorisés à se lancer dans l'expérimentation durant 3 ans : Côte-d'Or, Loire-Atlantique, Eure, Val-d'Oise, Loir-et-Cher, Vienne, Oise, Charente, Nord, Hérault, Marne, Côtes-d'Armor, Bouches-du-Rhône, Haute-Saône, Ille-et-Vilaine et Aisne. Pour l'instant, le RSA ne concerne que les seuls bénéficiaires du RMI (revenu minimum d'insertion) et de l'API (allocation de parent isolé), parfois aussi les titulaires de contrats aidés.
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Commentaires
Cela fait maintenant plus de deux ans que Martin Hirsch avance l’idée d’un revenu de solidarité active (RSA). Alors président d’Emmaüs France, il pilote en 2005 la commission "Familles, vulnérabilité et pauvreté" qui remet son rapport, en avril de la même année, au ministre de la Santé et des Solidarités Philippe Douste-Blazy. L’objectif : éradiquer la pauvreté d’ici à 2020 par la combinaison des revenus du travail avec ceux de la solidarité.
Une élection présidentielle plus tard, Martin Hirsch est nommé Haut-commissaire par Nicolas Sarkozy, au titre de «l’ouverture». Assis à la table du Conseil des ministres, le père du RSA espère voir concrétiser son projet. Mais il devra se contenter de quatre articles insérés dans le projet de loi «en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat» (Tepa), à l’orientation parfois contradictoire avec l’ambition initiale, immanquablement revue à la baisse.
Coût évalué : de 4 à 8 milliards d’euros. Seules sont concernées par le RSA les personnes percevant le revenu minimum d’insertion (RMI) ou l’allocation de parent isolé (API), et non l’ensemble des populations en situation de précarité. Le montant de la nouvelle mesure variera selon le nombre d’enfants à charge, les revenus issus du travail ou d’une formation et de la durée de cette reprise d’activité. Le droit au RSA pourra être maintenu pendant un an au-delà de l’expiration des droits aux prestations sociales précédemment citées.
La problématique à laquelle le texte entend répondre fait consensus. Il s’agit en effet «d’assurer l’augmentation des ressources d’une personne bénéficiaire d’un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d’atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d’activité professionnelle et des charges de famille». Autrement dit corriger l’état de fait réel qui voit la reprise d’emploi d’un bénéficiaire de minima sociaux va bien souvent s’accompagner d’une baisse de revenus.
Une question demeure : que vient faire un tel dispositif, à première vue progressiste et relativement coûteux puisqu’il est évalué entre 4 et 8 milliards d’euros, dans une action gouvernementale obsédée par la réduction des déficits publics et en guerre contre les systèmes de solidarité ? À y regarder de plus près, la réforme élaborée par Martin Hirsch rentre assez bien dans les clous de la pensée sarkozyste. Tout au long de sa campagne, le candidat de l’UMP n’a cessé de montrer du doigt les «assistés» en les opposant à «la France qui se lève tôt». Sans oublier ses attaques contre le RMI et toute aide sociale distribuée sans contrepartie qu’il proposait de soumettre à un travail qui devient, de fait, gratuit.
La question centrale de l’emploi occultée. La philosophie portée par le RSA dans sa mouture 2007 sous-entend que les millions de bénéficiaires de minima sociaux rechignent à reprendre le chemin de l’usine pour de simples raisons financières et occultent les questions centrales de l’emploi, de la formation et du contrat de travail. «À aucun moment, Martin Hirsch ne se pose la question de quels postes sont proposés aux allocataires du RMI. Son optique est purement utilitaire : il y a des emplois non pourvus, la situation idéale c’est que les allocataires des minima les prennent. Et en priorité ceux dont personne ne veut, les plus contraignants, les plus pénibles, les plus précaires. Il ne s’agira pas d’imposer aux employeurs de mieux payer le travail mais de compenser des salaires de plus en plus bas par une augmentation des prestations assurées par les collectivités publiques», analyse l’association de chômeurs AC!
Dans la même logique que celle qui veut contraindre le chômeur à accepter n’importe quel travail sous peine d’être privé de ses allocations, le RSA va conduire le privé d’emploi à occuper un poste contre sa volonté.
Faire en sorte que toute heure travaillée signifie un gain de revenu ne garantit en rien la stabilité. Autre danger évident : le choix de l’expérimentati on départementale. C’est en effet aux Conseils généraux de se porter volontaire avant le 30 septembre pour tester le futur dispositif. Une quinzaine d’entre eux avaient déjà signé, dès juin 2006, une convention avec l’Agence nouvelle des solidarités actives, fondée et présidée par… Martin Hirsch. Pour AC!, «le RSA n’est pas une rupture mais l’aboutissement d’expériences diverses et simultanées de destructions des droits existants sous prétexte de remise à plat».
Vers des inégalités de traitement. Et le risque de voir une inégalité de traitement selon les départements n’est pas illusoire. «Le problème de l’État, c’est qu’il est coincé dans les règles qu’il s’est lui-même fixées. Par exemple, il a confié aux départements la gestion du million d’allocataires du RMI, mais en maintenant des règles uniformes sur les barèmes, les règles juridiques, les conditions de cumul entre le RMI et les salaires quand les gens travaillent un peu.» Dixit le Haut-commissaire le 29 mars 2007.
(Source : L'Humanité) Répondre | Répondre avec citation |
A (re)lire :
• Le RSA va produire encore plus de précarité
• Dire non à la misère, c'est…
• Aides publiques aux entreprises => JACKPOT ! Répondre | Répondre avec citation |
Plutôt que d'employer son énergie à dénoncer les injustices, - le travail qui ne paie pas - entre autre, il s'emploie à remettre dans la société ceux qu'elle a rejeté. Au passage, il oblige cette société à prendre conscience des absurdités bureaucratiques qui sont si pesantes aux plus modestes.
La conscience collective se satisfait trop facilement des généralités: il y des aides en France, la France est plus sociale que les US, il y a le RMI pour ceux qui n'ont plus d'autres droits…etc. Ces idées sont dans la tête de l''homme ( et la femme !) de la rue, la fameuse France qui se lève tôt, ainsi que dans la bouche des nantis ( qui ne se lèvent pas forcément tôt).
Dès lors OBLIGER l'État, les collectivités, les décideurs en somme à regarder de près leur action sociale qui donne si facilement bonne conscience, à MESURER le résultat et s'ENGAGER sur des objectifs c'est peut-être plus obscène que de dénoncer, car les dénonciateurs ne manquent pas
mais qui les entend ?
Je fais confiance à l'homme, il saura probablement évaluer si son action vaut le coup de rester dans ses fonctions ou s'il doit reprendre sa liberté.
Je refuse donc de le juger si tôt.
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