En matière de «réforme» des systèmes de retraite dans le public comme dans le privé, les dés sont pipés depuis l’ouverture des débats et autres négociations entre partenaires sociaux.
Nous sommes bien placés, sur Actuchomage, pour apprécier la situation, nous qui tentons depuis 2003 d’alerter les Français, leurs politiques et les médias sur le sous-emploi des Seniors (terme auquel nous préférons «travailleurs expérimentés»).
À ce point qu’en 2005, nous déposions plainte auprès de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) contre une quarantaine d’entreprises qui, à l’époque, pratiquaient ouvertement la discrimination à l’embauche sur des critères d’âge.
Les travailleurs âgés de plus de 40/45 ans étaient systématiquement exclus de leurs procédures de recrutement, même quand il s’agissait de postes à responsabilité. Dans notre collimateur : de grands groupes et des PME.
Notre démarche connut un important retentissement. La Halde appuya nos plaintes, contraignant notamment la SNCF et EDF à revoir leurs critères d’embauche jusqu’alors discriminatoires.
Et nous avons gagné 4 procès devant les Parquets de Niort, de Bordeaux et de Lyon, dont un en correctionnel.
Par ailleurs, nous avons à de multiples reprises, analysé, détaillé et relayé, toutes les informations ayant trait au sous-emploi des travailleurs expérimentés.
Rappelant chaque année, à l’occasion de campagnes de sensibilisation, que le taux d’activité des 55/64 ans en France est un des plus faibles d’Europe, de l’ordre de 37,8%, et de 13% sur la tranche 60/64 ans. (Source : Conseil d’Orientation des Retraites - 2005).
Malgré tout, la principale mesure de la «réforme» des retraites est de repousser l’âge de départ à 62 ans.
Dans le contexte de sous-emploi que nous connaissons, cette mesure-phare est NULLE et non avenue.
Elle n’a aucun sens !
Au regard de la réalité du marché du travail, il faudrait, bien au contraire, diminuer la durée de cotisations (le nombre d'annuités), comme nous le prescrivions dans notre article du 8 avril dernier.
Qui peut aujourd’hui croire que le système des retraites sera sauvé par un prolongement très virtuel de l’activité professionnelle, alors que la tendance est à une réduction de celle-ci, par une entrée de plus en plus tardive dans la vie active et une sortie de plus en plus précoce ?
Le seul moyen de sortir de l’impasse financière des déficits est de donner à toutes celles et tous ceux qui sont sans emploi ou qui subissent le sous-emploi massif (temps partiels, courtes missions…) un vrai travail, une vraie rémunération, accompagnée de cotisations retraite dignes de ce nom.
Si les 2,6 millions chômeurs (de catégorie A) et les 2 à 3 millions de grands précaires (ou chômeurs à temps partiel), soit 20% de la population active, retrouvaient un travail rémunérateur, le financement des retraites ne se poserait pas.
Il se poserait moins encore si les bas salaires étaient revalorisés (et avec eux le montant des cotisations sociales).
Il ne se poserait plus du tout si l’État arrêtait de subventionner à dizaines de milliards d’euros les entreprises, par des exonérations de cotisations qui plombent plus encore les comptes sociaux.
Voilà les seules mesures susceptibles de sauver le système.
Malheureusement, nous n’en prenons pas le chemin.
Sur le front du chômage, de la précarité et des inégalités de traitement grandissantes entre les classes aisées et les autres, tous les indicateurs sont dans le rouge.
Tant que la tendance ne sera pas inversée, il faudra colmater les brèches d’une «réforme» mal ficelée et inadaptée à la réalité du marché du travail.
Yves Barraud
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