Les gagnants
• Les entreprises de plus de 20 salariés : le coût de l’heure supplémentaire ne change pas pour elles (25%). Le cadeau fiscal qui leur est fait (0,50 € par heure) est donc à leur avantage, quelque soit le montant du salaire versé. Toutefois, ce n’est pas dans les grosses entreprises que s’effectuent en majorité les heures supplémentaires, ces dernières ayant mis en place des accords 35 heures annualisant le temps de travail (1.600 heures par an). Au contraire, 75% des heures sup’ sont réalisées dans les PME, qui restent sur les 35 heures hebdomadaires.
• Les salariés qui effectuent déjà des heures supplémentaires : 37% des 15 millions de salariés du privé, soit environ 25% des 18 millions de salariés en France (privé et public). On estime qu’ils réalisent en moyenne 57 heures supplémentaires par an. Sont notamment concernés les salariés du BTP, très pourvoyeur en heures supplémentaires.
• Les salariés de la Fonction publique, qui rentrent dans le dispositif. Toutefois, selon le SNUipp, les professeurs des écoles risquent d’être exclus. Le projet de décret pour la Fonction publique précise en effet que l'exonération concernerait les heures effectuées «pour le compte de l'employeur principal». Or la quasi-totalité des heures supplémentaires effectuées dans le premier degré, qui sont des heures d’études surveillées, sont rémunérées par les communes. Les heures supplémentaires attribuées par l'Education nationale sont «rarissimes», souligne le syndicat.
Les perdants
• Les entreprises de moins de 20 salariés, pour lesquelles l’heure supplémentaire sera désormais facturée 25% au lieu de 10%. L’employeur n’est gagnant que si le salaire versé est égal au Smic (8,44 € brut horaire) : dans ce cas, l’exonération fiscale de 1,50 € par heure qui lui est accordée compense l’augmentation du coût de l’heure sup’. Mais à partir de 1,28 Smic l’employeur est perdant, ce qui fait de cette mesure une nouvelle trappe à bas salaires...
• Les cadres au forfait jour : ils doivent dépasser les 218 jours légaux pour être payés en heures supplémentaires, et ne pourront de toute façon pas dépasser 6 jours d’heures supplémentaires (contre 220 heures, environ 36 jours par an pour ceux qui sont au forfait horaire).
• Les salariés non imposables : ils ne sont pas concernés par la défiscalisation et ne bénéficieront d'aucun crédit d'impôt.
• Les salariés à temps partiels : les deux premières heures, considérées comme des heures complémentaires, seront défiscalisées mais non majorées. Par ailleurs, ces salariés ne peuvent pas dépasser un certain seuil d’heures supplémentaires (10% selon la CFTC).
• Les intérimaires : dans les secteurs qui pourraient bénéficier de la mesure (là où les salariés sont peu qualifiés et font beaucoup d'heures supplémentaires comme dans le BTP, la restauration et la grande distribution), les chefs d'entreprises seront incités à les remplacer par des heures sup’ en interne. De même, il est communément admis que cette mesure aura un impact négatif sur l'embauche en général.
6,6 milliards
Critiqué par la Cour des comptes, le coût de l'exonération partielle des heures supplémentaires - hors fonctionnaires - est évalué à environ 6,6 milliards d'euros en année pleine : de quoi alourdir la dette publique. Et pour de nombreux économistes et chefs d'entreprise, son impact réel sur le pouvoir d'achat, l'emploi et la croissance devrait rester limité : «Si ça rapporte 0,1 à 0,2 point de croissance, c'est bien le maximum», estime l'expert Marc Touati du cabinet ACDEFI. Mathilde Lemoine, chez HSBC, estime de son côté que cette mesure pourrait générer une progression de 0,67% du revenu disponible brut, soit une hausse de 0,57 point de la consommation des ménages : un impact mineur sur la croissance.
Des experts du Conseil d'analyse économique (ex Commissariat au plan, rattaché à Matignon) soulignaient aussi dans un rapport publié le mois dernier un risque pour l'Etat : la tentation pour les employeurs de faire financer par les pouvoirs publics des augmentations de salaires sous la forme d'heures supplémentaires fictives... Et pour rappel, dans de nombreuses entreprises, des salariés continuent à effectuer des heures supplémentaires non déclarées et non payées qui représentent 85% du travail dissimulé.
Enfin, pour ceux qui croient encore que le «travailler plus pour gagner plus» de Nicolas Sarkozy va leur bénéficier, il est bon de répéter que c'est l'employeur et lui seul qui décide.
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